Publics et privés, les services de santé sont débordés en cette période de pandémie. Surtout depuis que le ministère de la Santé a donné son feu vert pour que les cliniques et hôpitaux privés puissent prendre en charge et traiter des patients positifs à la Covid-19. Or, nombreuses sont les personnes atteintes de Covid-19 qui se plaignent d’avoir accusé des refus quant à leur admission dans des établissements de santé du privé. Ce qui soulève beaucoup d’interrogations. Peut-on refuser de traiter un patient infecté ? Nous avons essayé d’y voir plus clair.
Testé positif à la Covid-19 le 2 décembre dernier, Abhi Ramful, la trentaine, ne commence à présenter des symptômes que quelques jours plus tard, soit le lundi 6 décembre. « Comme je faisais face à une détresse respiratoire, je me suis rendu dans une clinique privée. On m’a ausculté et on m’a expliqué qu’une admission était importante dans mon cas, sauf que la clinique rappelle qu’il n’y avait pas de lit disponible. De plus, elle précise que s’il y avait de la place et si j’allais être admis, j’aurais dû payer un ‘bond’ de Rs 450 000 », relate le jeune homme. Ce dernier a, par la suite, été transféré à l’hôpital de Flacq où il est toujours admis pour des soins. Toutefois, il se dit être entre les bonnes mains du personnel médical de cet établissement hospitalier.
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K.K. a emmené son épouse, enceinte de 37 semaines, dans plusieurs cliniques privées, car elle était positive à la Covid-19. « On a dû faire le tour des cliniques qui refusaient de donner un traitement à mon épouse. Dieu est grand, on a eu la chance de tomber sur une clinique privée qui a accepté de l’ausculter et lui donner les soins nécessaires. Bien que mon épouse n’ait pas été admise, le médecin nous a donnés beaucoup de conseils », reconnait K.K.
Pas de loi
Que dit la loi sur la question ? L’avocate Indranee Boolell-Bhoyrul explique qu’il n’y a pas vraiment de loi sur cette question. Cependant, ajoute-t-elle, les médecins ont le devoir de respecter le code de déontologie médicale. « Selon le code, le médecin a une obligation envers ses patients. Avec les moyens à sa disposition, il doit poser un diagnostic, traiter le patient et faire un suivi sur sa condition. Un médecin peut refuser un client si c’est en dehors de sa capacité ou de son domaine. Ainsi, il peut recommander un confrère ou un collègue au patient », affirme la femme de loi.
Idem pour Nooreena, 36 ans. Transportée dans une clinique privée pour des soins parce qu’elle était positive à la Covid-19, elle s’est vue refuser de se faire admettre « sous prétexte qu’il n’y avait pas de places disponibles. » La clinique leur a conseillé de se rendre à l’hôpital. « On est parti à la Fluclinic de Candos. On m’a fait un test PCR et j’ai dû attendre pour les résultats. Je toussais et j’avais des difficultés à respirer. Si mon premier test était positif, le test PCR effectué à la Fluclinic s’est révélé négatif. Entretemps, vu que je ne me sentais pas bien, on m’a envoyé au département Casualty où j’ai reçu un bon traitement. Par la suite, je suis rentrée à la maison, car j’avais trois enfants positifs à la maison », indique notre interlocutrice.
Même chose pour Reezwanah qui explique que plusieurs membres de sa famille ont contracté le virus en septembre dernier, dont sa fille de 13 ans. « J’ai appelé toutes les cliniques, car après 10 jours tout le monde était guéri sauf ma fille. J’ai appelé la hotline, mais on m’a recommandé de l’auto-isoler. On a fait un test PCR sur ma fille qui était positif au 11e jour. Une clinique privée a refusé de l’admettre, car à cette période, les cliniques n’accueillaient pas les personnes positives. Par la suite, ma fille avait eu des complications. D’ailleurs, elle est née prématurément, soit de six mois », poursuit la jeune maman. Elle déclare que ce sont des médecins amis de la famille qui ont fait le suivi de sa fille qui a finalement été testée négative au 18e jour. « Au début, on était laissé à nous-mêmes sans aucune aide. J’ai dû passer des nuits blanches pour veiller sur ma fille », dit-elle.
Manque de staff
Le vice-président de la Private Medical Practitioners Association, le Dr Isshaq Jowahir, rappelle qu’il y a des protocoles à respecter afin de pouvoir admettre ceux qui souffrent de la Covid-19 et surtout disposer des facilités nécessaires. « Nombreuses sont les cliniques privées qui ne sont pas équipées. C’est pour cette raison que des patients sont envoyés dans les hôpitaux publics », estime notre interlocuteur. Toutefois, il ajoute qu’un médecin, opérant dans la clinique où s’est rendu un patient positif, peut l’ausculter et le prodiguer des premiers soins avant de lui référer à un hôpital public si elle ne peut accepter son admission.
Le Dr Isshaq Jowahir revient aussi sur le manque accru de personnel dans le milieu hospitalier. « Déjà, on fait face à un manque de personnel. Il faut réaliser que le traitement des patients positifs à la Covid-19 a des implications, à l’exemple d’avoir un personnel dédié. Ce qui n’est pas donné à toutes les cliniques qui sont tout aussi débordées que les établissements de santé publique en ce moment », avance-t-il.
Refus d’admission, faute d’équipements et de facilités requis
Le Dr François Tadebois, président du Medical Council, avance que les choses sont claires sur cette question. « Si une personne vient chercher de l’aide à l’hôpital, dans une clinique privée ou chez un médecin, Covid-19 ou pas, le médecin a le devoir d’aider la personne. Un médecin ne peut pas refuser un patient à cause de la Covid-19, car c’est son métier, sa vocation, voire sa mission », souligne notre interlocuteur.
« Toutefois, en ce qu’il s’agit de l’admission d’un patient positif à la Covid-19 ou pour son traitement, cela requiert une certaine logistique et infrastructure, concède-t-il. À l’exemple de posséder un service de réanimation au cas où la santé du patient se détériore. La plupart des cliniques privées n’en disposent pas, sauf deux ou trois. Raison pour laquelle, elles n’admettent pas les personnes et leur demandent d’aller à l’hôpital ou dans un autre établissement du privé », précise le Dr François Tadebois.
Le président du Medical Council dit comprendre que les cliniques ne disposent pas de toutes les facilités. Cependant, dit-il, elles peuvent au moins donner les soins basiques. « Il y a des cas où on a vu que la santé des personnes s’est détériorée ne sachant où aller. Dans certains cas, des personnes sont même décédées », se désole notre interlocuteur.
Le Dr François Tadebois dit comprendre que les gens sont anxieux et se plaignent que le Service d’aide médicale urgente (SAMU) du service public tarde à arriver. Cependant, avance-t-il, « il faut comprendre que les hôpitaux sont débordés. Mais qu’il s’agisse d’un médecin du public ou du privé, il est de son devoir au moins d’écouter et de guider un patient qui cherche de l’aide », pense ce dernier.
Places limitées
Pour sa part, le Dr Dawood Oaris souligne que cela fait environ un mois et demi depuis que le ministère de la Santé a donné la permission aux établissements privés de prendre en charge des patients positifs à la Covid-19. Et ce, en leur admettant et en leur procurant des soins nécessaires. Ce dernier occupe la présidence de l’Association des cliniques privées.
« Auparavant, on envoyait systématiquement tous les patients positifs dans les hôpitaux publics. Désormais, on peut les accueillir, mais avec de strictes conditions sanitaires. Primo, il faut un couloir afin de ne pas mélanger les patients infectés et les autres personnes venues pour d’autres soins. Secundo, il faut un personnel dédié aux patients de la Covid-19. Tertio, on doit disposer d’un ICU Care/Treatment. Or, pas toutes les cliniques disposent de ces facilités. Il y a aussi les places qui sont limitées dans les établissements qui admettent des personnes infectieuses. De ce fait, elles ne peuvent accepter tout le monde », souligne ce dernier.
Toutefois, le Dawood Oaris indique qu’il est important d’appeler une clinique privée avant de faire le déplacement afin d’éviter d’essuyer un refus. « On ne refuse pas de prendre les personnes seulement parce qu’on n’a pas envie. C’est surtout parce qu’on ne peut pas prodiguer les soins nécessaires », fait-il ressortir.
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