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Conjoncture : Maurice vulnérable à la permacrise

Le terme « permacrisis » a été élu « mot de l’année » par le dictionnaire anglais Collins en 2022.

COVID-19, guerre en Ukraine, pressions inflationnistes ou encore changement climatique… Les crises au niveau mondial perdurent. Les conséquences de cette tendance nommée « permacrisis » sont inévitables pour Maurice qui est une économie ouverte. Comment s’en protéger ? Le point. 

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La permacrise, c’est quoi ? Il s’agit d’un néologisme servant à désigner l’état de « crise permanente » (voir encadré). Les implications de ce phénomène sur l’économie mauricienne ont été évoquées par Rama Sithanen, président du groupe Apex Mauritius et ancien ministre des Finances, durant la semaine écoulée. C’était dans le cadre d’un atelier de travail sur l’immobilier et le développement hôtelier. 

Selon l’économiste, le terme est utilisé pour décrire les multiples crises qui affectent le monde depuis 2019. Il estime que Maurice, en tant qu’économie ouverte, ne sera pas épargné par les effets néfastes du phénomène si les mesures nécessaires ne sont pas prises. 

L’économiste Manisha Dookhony explique que la permacrise explique une situation de multiples crises. « La COVID-19 a engendré une série de crises, notamment par rapport à la chaîne d’approvisionnement, à la disponibilité des matières premières, à la hausse du coût de fret et aux prix élevés », dit-elle. 

Ces crises, poursuit-elle, se sont davantage accentuées avec la guerre russo-ukrainienne. « Maintenant nous sommes dans une période inflationniste avec une incertitude sur l’Europe qui est notre marché principal », avance-t-elle.  

De son côté, l’économiste Nalini Burn avance que le terme « permacrisis » a été le « buzzword » de l’année 2022 dans les milieux financiers et économiques. « Il désigne une situation très mauvaise et désastreuse pour beaucoup à l’échelle mondiale. Il s’agit de vivre de plein fouet de multiples crises qui se succèdent et se chevauchent », explique-t-elle. 

Implications 

L’économiste Pierre Dinan avance, pour sa part, qu’avec la COVID-19 et la guerre en Ukraine, il y a une nouvelle donne sur la scène politique et économique au niveau mondial. « Pendant des décennies, l’économie mondiale a été principalement menée par les États-Unis et certains pays d’Europe. Mais aujourd’hui, ces pays se retrouvent dans une situation politique peu enviable et marquée par la ‘permacrisis’ », relate-t-il. 

Nalini Burn rappelle que l’essoufflement de nos secteurs se faisait sentir bien avant la COVID-19 suivi de la catastrophe du Wakashio et de ses séquelles, ainsi que d’autres bouleversements géopolitiques et géoéconomiques. Avec les développements constants, Pierre Dinan est d’avis qu’il n’y a pas de sérénité dans le monde et cette situation affecte tous les pays. 

Selon lui, si les grandes économies sont confrontées à des crises, Maurice ne sera pas épargné vu qu’il est un petit point sur la carte mondiale. « À notre niveau, selon nos moyens, nous devrons nous habituer et nous adapter à cette nouvelle situation », dit-il. 

Manisha Dookhony est toutefois d’avis qu’à Maurice, nous sommes assez chanceux. « Malgré les perturbations à l’international, nous n’avons pas subi de rupture au niveau des produits de base, tels que la farine, le riz et le lait », dit-elle. 

Néanmoins, poursuit-elle, les prix ont flambé de même que le coût de production des entreprises. « Avec la hausse du taux d’intérêt aussi, des effets néfastes ont été notés dans le portefeuille des consommateurs et dans certains secteurs spécifiques comme l’immobilier », dit-elle. 

Le saviez-vous ? 

Le terme « permacrisis » a été élu « mot de l’année » par le dictionnaire anglais Collins en 2022. Il sert à désigner l’état de « crise permanente » dans lequel se trouveraient les pays. Le Brexit, la pandémie de COVID-19, le terrorisme, la guerre en Ukraine, l’urgence climatique ou plus généralement les difficultés économiques et financières génèrent une situation anxiogène affectant un grand nombre d’individus. Collins avait choisi le mot car il résume la situation difficile à laquelle les gens ont été confrontés en 2022.

Réformes proposées 

Diversification de l’économie 

Manisha Dookhony affirme qu’il n’y a pas vraiment de solutions face aux crises externes. Cependant, elle estime qu’avoir une économie diversifiée renforcera la résilience du pays face aux chocs. 

Avis partagé par Pierre Dinan. Il soutient que cela fait des années qu’on parle d’économie bleue, mais qu’à ce jour, il n’y a pas eu de réformes apportées pour développer ce secteur. 
Il ajoute que les Seychelles se sont, elles, déjà lancées dans cette direction. « Si nous n’avons pas les moyens et les compétences nécessaires, il faudra chercher du soutien de l’étranger », estime-t-il. 

Renforcer la collaboration avec les pays de la région 

Pierre Dinan est d’avis qu’il faut travailler davantage avec les pays voisins pour favoriser la sécurité alimentaire et bénéficier de prix compétitifs. « Par exemple, le gouvernement mauricien doit travailler davantage avec Madagascar qui est un pays riche en ressources naturelles. Grâce à la proximité, on peut s’approvisionner en certains produits alimentaires et en intrants à des prix préférentiels », dit-il. Il fait référence à une variété de riz en provenance de Madagascar qui était très prisée par les Mauriciens dans les années’ 80. 

Manisha Dookhony avance, pour sa part, qu’il ne faut pas dépendre d’une seule source d’approvisionnement. « On doit chercher d’autres options avec un bon rapport qualité/prix », dit-elle. 
 
Développer une vision de développement durable 

Nalini Burn estime qu’il n’y a pas de petites mesures correctrices. Selon elle, il faut impérativement un changement de système. « Il faut, par exemple, appliquer une vision de développement durable gérant l’écologie, l’économie et la société au lieu de gérer par la stabilisation macroéconomique », soutient-elle. 

Changer d’attitude 

Selon Pierre Dinan, le gouvernement mauricien ne peut pas tout faire. « En tant que citoyen, il faut que toute la population, que ce soit de la fonction publique ou du secteur privé ou encore des particuliers, mette la main à la pâte pour se protéger de toute crise », dit-il. 

Il estime que les Mauriciens doivent changer d’attitude et se demander ce qu’ils peuvent faire pour le développement du pays au lieu d’attendre ce que le gouvernement peut faire pour eux. Un avis que partage Nalini Burn. « Il faut établir une culture de coresponsabilité », dit-elle. 

Moderniser les industries 

Pierre Dinan affirme que les entreprises de diverses industries, notamment le secteur du tourisme et le manufacturier, ne peuvent plus continuer de travailler de la même façon adoptée il y a des années. « Dans le cas du tourisme, par exemple, les opérateurs doivent s’assurer que les visiteurs sortent et dépensent dans d’autres activités au lieu de rester à l’hôtel », avance-t-il. Il est d’avis qu’il faut apporter des innovations dans le secteur manufacturier pour le développement de nouveaux produits. 

 

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