La décision du président de la République, sur recommandation de la Commission de pourvoi en grâce, de gracier le fils du commissaire de police a beau être critiquée, elle ne peut pas pour autant être contestée. Ne faudrait-il pas revoir les dispositions légales pour que ce soit possible dans les cas sujets à polémique ? Le point avec des légistes.
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L’affaire ne cesse de faire couler beaucoup d’encre. Depuis que la Commission de pourvoi en grâce a recommandé au président de la République de gracier Chandra Dip, fils du commissaire de police, des commentaires fusent de part et d’autre. Une fois la grâce accordée, la décision ne peut pas être contestée. Faudrait-il revoir les dispositions légales pour que ce soit possible dans les cas sujets à polémique ?
Ce système a fait ses preuves depuis la nuit des temps, selon l’ancien magistrat Raj Pentiah. « Là où le bât blesse, c’est au niveau de la manière dont les cas sont considérés dans la pratique. C’est cela qu’il faut revoir, pas le fait de contester les décisions de la commission. Il faut que ceux qui sont au sein de la commission travaillent en leur âme et conscience et surtout de façon objective si on veut instaurer la confiance », indique-t-il.
Il explique que la décision de la Commission de pourvoi en grâce se veut « incontestable étant une prérogative ». Selon lui, ce n’est pas quelque chose de nouveau. « Le pourvoi n’est pas un problème en soi. C’est cette perception de favoritisme qui pose problème. Un ancien juge, Lord Hewart, disait : ‘Justice must not only be done but seen to be done’. »
Intervenant en sa qualité d’avocat, Ravi Rutnah fait ressortir que tous les pays ont un système pour gracier des personnes. « Qu’il s’agisse de l’Angleterre, de la France, de l’Inde ou encore de l’Australie, ils ont le même système que Maurice. Ils sont dotés d’une commission qui fait des recommandations. Ce qui pose problème à Maurice, c’est que tout se passe dans l’opacité », estime-t-il.
L’homme de loi explique que la Commission accorde la grâce et ses membres analysent les demandes. Il précise que la décision n’est pas prise de manière unilatérale et qu’il ne faut surtout pas politiser la chose. Tout ce qu’il espère, c’est qu’il n’y a pas eu d’ingérence politique dans le cas de Chandra Dip. « Il y a des personnes intègres au sein de la Commission. Je ne pense pas qu’elles soient corrompues. Sauf qu’il y a des gens qui tentent de tout politiser. »
Il pense néanmoins que des réformes de nos institutions, qui datent de l’indépendance, sont importantes. « Le cadre dans lequel elles opèrent est désuet. Il ne reflète pas la réalité et les aspirations de la société », avance l’avocat.
Me Penny Hack pense, lui, que ce n’est pas la commission en elle-même qui pose problème mais surtout « la qualité des hommes et des femmes » qui font partie d’instances comme celle-là. « La loi ne date pas d’aujourd’hui. Elle a fonctionné de tout temps. Le problème n’est pas d’ordre légal mais plutôt moral », déplore-t-il.
Il pense que nul ne voudrait perdre son temps pour contester une décision si cela avait été possible. Toutefois, il estime que ce qui s’est passé revêt une certaine importance. « Cela nous a alertés sur une situation. Mais mieux vaut avoir une loi qui lâche les coupables ainsi que les innocents au lieu du contraire. Il y a des gens qui méritent vraiment la grâce. Sinon ce serait une injustice », pense-t-il.
Si Me Penny Hack concède qu’aucun système n’est parfait, il souligne cependant que celui-ci a fonctionné depuis plus de 50 ans. « Quelques cas ont mal tourné. La contestation n’est pas la solution. Il faut surtout de la transparence. La liste des graciés doit, par exemple, être publique », plaide-t-il.
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