Interview

Code de déontologie : c’est le garant de la noblesse de la profession légale

Germain Wong Yuen Kook. Germain Wong Yuen Kook.

Le code de déontologie, selon l’avocat Germain Wong Yuen Kook, est très vaste. Il énonce des règles de conduite professionnelle à respecter. Il ne se limite pas à l'enceinte d’une cour de justice, mais impose une conduite irréprochable envers la société, précise l’avocat dans l’entretien accordé au Défi Plus.

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Le rapport de la commission d’enquête sur la drogue, présidée par Paul Lam Sang Leen, a été rendu public le 27 juillet 2018. Il a recommandé des enquêtes sur certains avocats. Pensez-vous qu’il faille revoir le code de déontologie des avocats ?
D’abord, il faut faire ressortir que le code de déontologie des avocats (code d’éthique à Maurice) est entré en vigueur le 1er janvier 1998. Notre code est calqué sur celui de l’Angleterre. Comme l’avait souligné le chef juge américain Warren Burger, le système judiciaire anglais est vigoureux et indépendant; il est régi par des règles de conduite (« code of ethics »). Il va sans dire que nous profitons ainsi d’un haut niveau déontologique à Maurice, car le « code of ethics » anglais a fait ses preuves. Je ne pense pas qu’il y ait lieu de revoir le code de déontologie. J’estime notre code assez vaste pour garantir la noblesse de notre profession. Toutefois, je ne suis pas réfractaire au changement, mais revoir le code de déontologie n’est pas une solution. À quoi servirait un « nouveau » code de déontologie si aucune culture ne suit ?

La déontologie s’apprend, certes, mais il faut aussi se donner les moyens de l’enseigner. Lorsque vous accomplissez votre « pupillage », rares sont les seniors qui auront le temps de vous l’enseigner. Je suggère de rendre obligatoire pour les « pupils » (étudiants ayant passé leurs examens du barreau) de suivre des cours d’éthique dispensés par l’Institute of Judicial Legal Studies (IJLS) tout au long de leur « pupillage ». Ainsi, dès le début de leur carrière, ils auront ces repères essentiels.

Quelle est l’importance d’un code de déontologie ?
Le code de déontologie des avocats sert à protéger la noblesse de la profession. Il énonce des normes/règles de conduite professionnelle. Les dispositions du code s’appliquent dans l’enceinte d’une cour de justice et à l’extérieur. Le code prévoit des règles à respecter envers la société. Parfois, l’avocat peut se retrouver dans une situation délicate : son devoir envers la cour ou son devoir envers un client ? La valeur d’un code d’éthique est inestimable, car même si l’avocat doit défendre son client « fearlessly », il a un « overriding duty » envers la cour. Un avocat ne doit pas aider un client à contourner la loi. Ce jeu d’équilibre est gouverné par notre code d’éthique. En bref, s’il est suivi à la lettre, il est le garant de la noblesse de la profession.

Pour le poste de State Counsel il y a plus de 200 applications et seulement 10 chanceux qui seront choisis.

Que risque un avocat qui ne respecte pas le code de déontologie ?
Toute personne qui estime qu’un avocat a mal agi peut loger une plainte au Bar Council. Celui-ci décidera d’enquêter sur ces allégations pour déterminer si l’avocat a agi « unprofessionally » et voir s’il a commis une entorse au code d’éthique. Des explications en écrit seront exigées de l’avocat. Si ses explications sont satisfaisantes, le Bar Council informera la partie plaignante qu’il n’y a pas de matière à sanctions. Cependant, si le Bar Council estime que les explications de l’avocat sont insuffisantes, il l’invitera à présenter des explications plus approfondies. De là, si le Bar Council estime qu’il y a eu violation du code d’éthique, selon les circonstances, il émettra une «simple réprimande » ou une « réprimande sévère.» Si le Bar Council estime « grave » la violation du code d’éthique, alors il référera l’affaire à la Cour suprême pour des sanctions disciplinaires.

Qui peut instituer un comité disciplinaire contre un avocat ? Dans quel cas de figure ?
Deux entités peuvent référer un avocat devant la Cour suprême pour répondre d’un comité disciplinaire. D’abord, il y a le Bar Council lorsqu’il estime qu’il y a eu violation grave du code d’éthique ; il y a aussi l’Attorney General qui peut, de son propre chef ou après avoir reçu une plainte, enquêter sur des allégations à l’encontre d’un avocat. Si l’Attorney General est d’avis que cela exige une procédure disciplinaire, il doit soumettre un rapport détaillé au chef juge. L’avocat incriminé recevra une copie de ce rapport. Le comité disciplinaire sera tenu devant au moins trois juges de la Cour suprême. Tous les témoins déposeront sous serment.

L’avocat aura-t-il son mot à dire ?
Bien évidemment. L’avocat peut retenir les services d’un ou de plusieurs de ses collègues pour le défendre, il y aura aussi le contre-interrogatoire des témoins.

Qu’encourt l’homme de loi ?
Contrairement au Bar Council, la Cour suprême a des pouvoirs étendus. Ainsi, en cas d’entorse au code d’éthique, l’avocat  risque une réprimande ou une suspension d’exercice pour un laps de temps déterminé ou même la radiation pure et simple du barreau.

Si un avocat est radié, peut-il demander sa réintégration ?
Oui. Il doit accompagner sa demande de réintégration par des circonstances nouvelles et doit démontrer qu’il est un « fit and proper person whose name should appear on the Roll of practising barristers».

Comment voyez-vous l’avenir d’un avocat de nos jours ?
Il y a une saturation dans la filière légale. C’est encore plus difficile pour la pratique en cour (« litigation »). Le marché est occupé par les Seniors et des « established chambers ». Les jeunes peinent à joindre les deux bouts. Ce n’est pas l’Eldorado qu’ils s’imaginaient. Pour le poste de State Counsel il y a plus de 200 applications et seulement 10 chanceux qui seront choisis. Je conseillerais aux jeunes qui font leur « pupillage » de ne pas se limiter aux « litigation lawyers » et de faire la moitié de leur « pupillage » chez des « commercial lawyers ». Cela leur apportera une plus grande ouverture.  Comme l’a résumé le chef juge Kheshoe Parsad Matadeen, « être avocat, c’est une profession et non un business ».

 

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