Ce lundi 8 mars 2021, le monde célèbrera la Journée internationale de la femme. Cette année, la campagne choisie est #Choosetochallenge. Pour la plupart des femmes, la vie au quotidien est un perpétuel combat. Découvrez les récits de certaines d’entre elles dans ce dossier que le Défi Plus consacre aux femmes.
Publicité
# FEMME ENTREPRENEURE
Jessyca Joyekurun d’Expand Human Ressources : «Seule, j’ai réussi grâce à ma détermination»
Âgée de 35 ans, Jessyca Joyekurun, ex-élève du Queen Elizabeth College, est détentrice d’une licence en droit de l’université du Kent et d’une maîtrise en ressources humaines à l'université de Wales en Angleterre. Par la suite, elle a opté pour un Executive Certificate en Business & Entrepreneurship à l’université de Yale, aux États-Unis. En 2020, elle a fondé son entreprise, Expand Human Resources.
Des débuts laborieux
Lancer sa propre entreprise n’est jamais facile et ce n’est pas Jessyca Joyekurun qui viendra nous contredire. Elle a commencé avec moins de Rs 100 000 en poche et ne disposait ni de bureau ni de voiture et même pas d’un employé. C’est en autobus qu’elle allait à la rencontre de ses clients. Elle a lancé la structure de son entreprise sur son site internet avec simplement un ordinateur, un portable, une carte SIM et une imprimante. Elle était à la fois au four et au moulin et enchainait les rencontres commerciales pour avoir des clients, avec un ratio de 20 réunions pour décrocher un contrat.
Tous ses efforts ont porté leurs fruits quelques mois plus tard après avoir enchainé 60 à 70 heures de travail par semaine et travaillé tous les jours. Certes, son métier n’est pas de tout repos, mais être une femme entrepreneure implique d’être passionnée, disciplinée dans son travail, faire preuve d’éthique et posséder une motivation indéfectible.
Les défis
De retour à Maurice en 2009, Jessyca Joyekurun a changé de carrière pour se tourner vers les ressources humaines. Après avoir travaillé dans un univers corporatif, en 2012, elle se lasse du métro-boulot-dodo. Elle veut changer et à sa grande surprise, elle a le soutien de sa famille qui l’encourage à se lancer dans l’entrepreneuriat. Un véritable défi… « Elle voyait en moi ce courage et cette audace à faire les choses différemment pour bousculer le statu quo à Maurice », confie-t-elle.
« Les principaux défis dans le métier des ressources humaines sont de faire comprendre aux PME le contexte du droit de travail à Maurice et sur la manière de la mettre en application. C’est particulièrement vrai depuis que la loi a été modifiée en 2013, 2014 et 2019, sans oublier la Covid Bill et les autres provisions, notamment le Portable Retirement Gratuity Fund et la Contribution sociale généralisée (CSG) », explique Jessyca Joyekurun. Cette dernière a aussi eu le courage de relever d’autres défis, comme s’envoler au Kenya, au Zanzibar, en Tanzanie et en Ouganda pour un démarchage commercial. « C’était en 2014. Je suis partie dans ces trois pays avec un budget restreint et c’était un gros risque pour une si petite structure comme la mienne, mais mes démarches se sont avérées fructueuses. Pour moi, c’était comme se jeter en haute mer sans bouée et dans laquelle j’ai eu à apprendre à nager rapidement », relate-t-elle.
En tant que femme, elle a eu à faire face à un autre défi, celui d’être prise au sérieux pour la valeur ajoutée des services proposée par sa PME aux entreprises. « J’ai été appelée pour des rendez-vous commerciaux par des chefs d'entreprises. J’y suis allée pleine d’espoir, mais mes interlocuteurs cherchaient des rendez-vous galants. C’est arrivé à Maurice et surtout dans l'est de l’Afrique », ajoute Jessyca Joyekurun. Suite à ces mauvaises expériences, elle a s’est forgé une carapace pour déceler subtilement l’intention réelle de ses interlocuteurs avant d’accepter un rendez-vous commercial.
Success Story
Après avoir desservi près de 100 PME à Maurice, en Tanzanie et à Madagascar, Jessyca Joyekurun affirme que les piliers de son succès démurent l’éthique, le réseau, le sens de responsabilité, l’écoute, la discipline et le travail assidu, car être entrepreneure implique des sacrifices. « Mes amis pensent que j’ai une belle vie et que je jouis d’une grande liberté, mais tel n’est pas le cas. Alors qu’ils ont un salaire garanti à chaque fin de mois, nous, entrepreneurs, si nous perdons un client, nous perdons de l’argent. Quand cela arrive, il nous faut tripler nos efforts pour ce manquement financier. Seule, j’ai réussi grâce à ma détermination », dit-elle.
Les ressources humaines : le challenge ?
À cette question, Jessyca Joyekurun répond par la citation de Maya Angelou : “Each time a woman stands up for herself, without knowing it possibly, without claiming it, she stands up for all women”. Et en tant que spécialiste en RH, elle affirme que dans les entreprises, les femmes peuvent être de véritables alliées. « Je considère que les bagarres entre femmes écorchent davantage leurs images et portent atteinte à leur intégrité, surtout face aux hommes. Pour se faire respecter, une femme ne doit ni élever la voix ni utiliser son corps pour se faire respecter en entreprise. J’estime que l’éducation et la sensibilisation à travers des séminaires et des Workshops de Women in Business restent une carte maitresse en entreprise », indique-t-elle.
# FEMME DU TOURISME
Leckrani Soobagrah de Bonny Air Travel Tours : «Je m’efforce d’être l’exigence, même de l’exemplarité»
Après un parcours d’une cinquantaine d’années consacré à l’aviation, le tourisme et l’hospitalité, Leckrani Soobagrah concède que c’est en forgeant qu’on devient forgeron. « C’est l’adage que tout un chacun doit adopter », dit-elle. Âgée de 70 ans, elle est la fondatrice de l’agence de voyages Bonny Air Travel Tours et de Nirachel Ltd, une compagnie spécialisée dans la location de voitures et de bungalows.
L’audace de se lancer dans le tourisme
Après avoir travaillé pour Air Mauritius à l’aéroport de Plaisance et le département d’aviation de Rogers & Co., Leckrani Soobagrah fonde Bonny Air Travel Tours en 1987. « J’ai ouvert cette agence de voyages en commençant à zéro, mais le succès a été vite au rendez-vous. J’ai utilisé mes connaissances sur diverses destinations, notamment l’Inde et l’Extrême-Orient. D’ailleurs, je dois rendre hommage à mes employés, surtout à ceux et celles qui depuis plus de 25 ans me sont restés fidèles », indique-t-elle.
La motivation
À l’époque coloniale, son père était officier de police. Il va sans dire qu’au sein de sa famille, discipline et rigueur étaient les maîtres-mots. Malgré cela, Leckrani Soobagrah confie que son père s’est toujours montré libéral. « Il était mon modèle et ma source d’inspiration. Depuis mon mariage, je voue la même admiration pour mon époux qui m’a toujours soutenu et m’a donné carte blanche pour mes activités professionnelles. C’est cela qui m’a permis de faire mes preuves au fil des années dans le secteur touristique », ajoute Leckrani Soobagrah.
Les défis
Pour arriver à relever les défis du quotidien, elle souligne l’importance de la transmission des valeurs et des connaissances pour la réussite des jeunes dans le monde d’aujourd’hui. « Malgré la dégradation de notre société, il incombe aux dirigeants politiques, économiques, administratifs et sociaux de se ressaisir pour remettre les pendules à l’heure », renchérit-elle. Cela tout en faisant ressortir qu’un esprit pratique, lucide et profond est pareillement essentiel pour avancer et réussir dans la vie. « Moi, je considère chaque obstacle comme un défi, mais je pense qu’à chaque difficulté, il y a une solution. J’ai fait partie de plusieurs organisations professionnelles et sociales, c’est ce qui a forgé ma vie », dit-elle.
Vie de femme
Aujourd’hui à la retraite, Leckrani Soobagrah indique qu’elle a réussi à concilier ses multiples rôles de femme : épouse, mère, grand-mère, directrice d’entreprise, membre d’associations professionnelles et philosophiques, entre autres. Son secret : « Je m’efforce d’être l’exigence, même de l’exemplarité pour mon propre bonheur ».
Le palmarès
Quand elle travaillait, Leckrani Soobagrah a géré à la fois une agence de voyages, un bureau de réceptif, un bureau de change, une flotte de véhicules et un complexe de bungalows. De plus, cette professionnelle du tourisme a effectué des visites durant cinq semaines dans plusieurs états des États-Unis. Elle a aussi été impliquée dans l’organisation du Congrès annuel de 250 délégués de la Fédération des Agences de voyages de l’Inde à Maurice. De plus, elle a participé au Congrès mondial des Femmes Chefs d’Entreprises au Maroc en Tunisie et à Beijing. Présidente de l’Association Mauricienne des Femmes Chefs d’Entreprise, Leckrani Soobagrah a aussi été une des cinq nominés du TECOMA Award comme l’entrepreneure de l’année. Puis après avoir été élue comme une des « Africa’s most influencial women in business », elle a été extrêmement heureuse d’avoir passé le relais de son entreprise à sa fille ainée, Minakshi.
Face à la Covid-19
En ces temps difficiles, comment Bonny Air Travel Tours garde la tête hors de l’eau ? « Nous travaillons comme une famille soudée. Depuis que la pandémie fait rage dans notre secteur, notre équipe n’a jamais baissé les bras, malgré une réduction considérable du chiffre d’affaires. Notre agence de voyages cible au maximum le marché de Rodrigues et les hôtels mauriciens », dit-elle.
« La femme doit être célébrée tous les jours »
« Certes, le 8 mars prochain, c’est la Journée mondiale de la femme, mais cette dernière, selon moi, doit être célébrée tous les jours. Non seulement pour sa contribution dans sa famille, mais également au travail et à travers ses multiples activités », affirme Leckrani Soobagrah. Elle cite ces mots qui font le tour des réseaux sociaux : « Une femme est un mélange d’amour, de bonté, d’esprit et de courage. Elle possède une particularité incroyable : celle de créer l’humanité par la grâce de Dieu. Aujourd’hui c’est la journée de la femme. Mais pour le respect de la gent féminine c’est 365 jours, 24h/24 ».
Secteur touristique : un challenge pour les femmes ?
Selon Leckrani Soobagrah, les femmes font un excellent travail au niveau du réceptif et des agences de voyages. Elle partage son constat que les femmes sont responsables du développement et du progrès réalisés dans ces secteurs. « Elles occupent aussi des positions clés et elles attendent que l’ouverture des frontières pour remettre l’industrie touristique à flots. Aujourd’hui, avec la Covid-19, nous avons gardé nos employés qui ont accepté les conditions de work from home ou à temps partiel. Pour ma part, dans le secteur touristique, je n’ai jamais subi de discrimination parce que je suis une femme. En revanche, de nos jours, il y a encore des machos », avoue-t-elle.
# FEMME CHERCHEUSE
Divya Naginlal, Modi-Nagowah du MRIC : «J’ai pris des risques calculés pour accomplir mon rêve»
Âgée de 30 ans, Divya Naginlal Modi-Nagowah est chercheuse à la Mauritius Research and Innovation Council (MRIC). Cette ancienne élève du Collège Lorette de Quatre-Bornes détient un diplôme en génie chimique et environnemental de l’université de Maurice. Elle a aussi une maitrise en environnement et technologie durable de l’université de Manchester. Actuellement, elle poursuit un PhD en énergies renouvelables.
L’audace
Depuis son enfance, Divya Naginlal Modi-Nagowah aime les sciences. En voulant explorer pleinement le potentiel de cette filière, elle développe une passion intrépide qui lui permet de poursuivre son rêve de devenir chercheuse. « Au Royaume-Uni, j’étais l’unique étudiante mauricienne de ma classe. Comme la recherche offre de nombreuses opportunités à travers des publications et des conférences, cela m’a fait réaliser que le seul moyen de faire connaître mon pays au niveau international, c’est dans mon travail », dit-elle.
La motivation
Étudier les sciences était comme une évidence pour elle, étant issue d’une famille de scientifiques. D’ailleurs, ses modèles sont sa tante (professeure agrégée à l'université de Maurice) et son oncle (consultant en neurochirurgie). Ambitieuse de tout temps, la jeune chercheuse indique qu’elle s’est aussi assurée de reconnaître chaque opportunité qui se présentait à elle pour concrétiser ses rêves. Pourquoi ce choix de carrière ? À cela, elle répond : « Je crois fermement que la recherche est ce qui propulse l'humanité vers l’avant. Comme elle est alimentée par la curiosité, nous devons nous poser des questions et nous plonger dans la découverte de tout ce qu’il y a à savoir. Sans curiosité et recherches, les progrès ralentiraient et s’arrêteraient et nos vies seraient complètement différentes. Moi, j’ai pris des risques calculés pour accomplir mon rêve », renchérit la jeune femme.
Les défis
Lorsqu’elle effectuait son diplôme et sa maitrise, il y avait davantage de garçons que de filles dans sa classe. Lors de ses stages dans les industries, elle travaillait dans un environnement majoritairement masculin et qui incluait des activités physiques comme l’escalade des immeubles hauts. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle a été découragée à poursuivre sa vocation. Néanmoins, elle avoue que le plus gros défi a été de trouver un emploi adapté à ses compétences et à ses intérêts. « Un autre défi a été de quitter Maurice pour continuer mes études à l’étranger, alors que mon père était tombé gravement malade. C'était une décision et une phase très difficiles. Mais grâce au soutien de ma mère, j'ai terminé mes études et j’ai obtenu des résultats brillants », confie la chercheuse.
Quels sont les défis quotidiens de sa carrière professionnelle ? « C’est de pouvoir appliquer pleinement ses connaissances et ses compétences acquises au cours de ses études supérieures », dit-elle.
Sa vie de femme
En ce qu’il s’agit de sa vie de femme, épouse et de chercheuse, Divya Naginlal Modi-Nagowah arrive à la concilier en maintenant un équilibre entre les différents rôles qu’elle est appelée à jouer tous les jours. « Mais il y a souvent des conflits entre ces divers rôles. C’est pourquoi l’auto-motivation, la bonne gestion du temps et la capacité à établir des priorités sont des facteurs essentiels. Certaines personnes le comprennent et d’autres non, mais je suis chanceuse d'avoir une famille et un environnement de travail favorables. Cela dit, faire tant de choses en même temps nécessite des sacrifices, mais cela ne devrait pas être un obstacle pour passer du temps de qualité avec la famille et les amis », renchérit la chercheuse.
Success Story
Les clés de sa réussite, Divya Naginlal Modi-Nagowah les attribue au fait qu’elle a été élevée par des parents extraordinaires. « Ils n'ont jamais fait de discrimination entre mon frère et moi. Je me considère privilégiée d’avoir eu les mêmes opportunités. La confiance et les valeurs inculquées par mes parents me permettent de poursuivre mes rêves et ne pas avoir peur d’être autonome. C’est un travail acharné, la persévérance et une attitude positive qui font de moi la chercheuse que je suis aujourd’hui », relate-t-elle.
La recherche
Le Conseil mauricien de la recherche et de l’innovation a mené une étude sur les femmes dans les STEM en 2019. Cette étude a fait ressortir les défis les plus importants auxquels elles sont confrontées dans ce secteur. D’une part, elles manquent de modèles d’inspiration, d’autre part, le manque d’accès à l’enseignement scientifique demeure un obstacle. De plus, l’étude a aussi mis en exergue l’absence d’encouragement des parents et des enseignants. Ce sont, selon Divya Naginlal Modi-Nagowah, des facteurs qui entravent la participation des filles à la science et à la technologie. « Vous devez toujours croire en vous et ne pas avoir peur. Nous pouvons jouer nos différents rôles avec succès durant la journée. Être une femme ambitieuse ne doit pas être considérée comme une erreur. Soyez donc audacieuses, intrépides et prêtes à prendre des risques calculés. Nous devons investir dans les filles et les femmes qui sont les clés vers le développement », conclut-elle.
# FEMME MÈRE CÉLIBATAIRE
Stéphanie Puttyah, gérante de tabagie : «J’ai osé changer le cours de ma vie»
Âgée de 42 ans, Stéphanie Puttyah habite à Cité Mangalkhan, à Floréal. Là-bas, cette mère célibataire gère une tabagie pour subvenir aux besoins de ses deux enfants âgés de 16 et 7 ans. Même si elle n’a fait que la Forme V, l’audace dont elle fait preuve dans sa vie, malgré une enfance difficile et une vie familiale compliquée, force l’admiration.
Depuis cinq ans, Stéphanie Puttyah a repris le commerce de son défunt père. Initialement, c’était un snack, mais elle l’a converti en tabagie et propose également une sélection de pâtisseries faites maison. Ce succès, elle le doit aux nombreux atouts acquis lors des cours qu’elle suit en tant que bénéficiaire de l’ONG Lovebridge. Mais c’est aussi grâce à sa détermination et à sa persévérance qu’elle arrive à s’en sortir chaque jour de sa vie. Pour mieux comprendre son histoire, retour sur son passé.
Premier boulot à 15 ans
Témoin dès son jeune âge de la violence domestique que subissait sa mère, Stéphanie n’a jamais osé défier son père. « La seule façon de m’échapper de cet enfer, c’était d’aller à l’école, même si mon père faisait partie de ceux qui pensent que la place d’une fille est à la maison. J’ai quitté le collège Adventiste après ma Forme V à l’âge de 15 ans », relate-t-elle.
« Mon père m’a obtenu un emploi chez un de ses amis qui avait une agence spécialisée dans les travaux électriques. J’ai travaillé comme réceptionniste durant deux ans, puis j’ai rejoint Courts Mammouth. Ensuite, j’ai travaillé chez un particulier qui faisait de l’import et l’export de produits de luxe, toujours comme réceptionniste. Par la suite, j’ai rejoint mon père dans son snack pour vendre des boulettes et des faratas », ajoute Stéphanie. Mais la situation familiale étant toujours infernale, elle se marie dans l’espoir d’une vie meilleure. Comme elle avait peur de la réaction de son père, elle s’est mariée civilement avant de le lui annoncer la nouvelle. Mis devant le fait accompli, son père s’est résigné. Stéphanie va s’installer dans sa nouvelle maison, mais vit dans l’angoisse de ce qui adviendra de sa mère, victime de violence domestique.
Cap sur l’Italie
Peu de temps après, le mari de Stéphanie décide d’aller travailler en Italie. « Mon fils était en grade I et il était hors de question pour moi d’aller vivre clandestinement dans ce pays », indique-t-elle. En attendant ses papiers, elle gagne sa vie comme réceptionniste à Square Beauté, puis elle met le cap sur Italie où elle décroche un travail dans une maison. « J’y suis restée pendant deux ans, même si la femme pour laquelle je travaillais était exigeante. Tout ce que je faisais n’était jamais assez. De plus, c’était difficile pour moi de m’adapter », raconte Stéphanie. Face à son stress et au mal du pays, son époux lui conseille d’aller en vacances à Maurice.
« Je lui ai alors dit que si je retourne à Maurice, je ne reviendrais pas en Italie, mais il tenait à rester pour travailler et économiser de l’argent. Au final, il est retourné avec moi et notre fils », ajoute la mère de famille.
Une fois à Maurice, son mari décide de se lancer dans l’élevage de volailles. « Il a investi nos économies dans son nouveau commerce et dans la rénovation de notre maison ». Mais, après avoir travaillé dur pendant deux ans, le couple se retrouve à la case départ. Sollicitée pour travailler à nouveau à Square Beauté, Stéphanie a refusé, étant enceinte. À la maison, la situation n’est pas au beau fixe lorsqu’elle apprend que son mari est accro aux jeux de hasard, mais elle tient bon.
Le « Happy Ending »
Stéphanie Puttyah parle à sa mère de ses finances, et celle-ci lui conseille de reprendre le commerce familial, vu que son père est mort. Elle accepte la proposition et s’arme de patience pour donner un nouveau souffle à sa vie et à celles de ses deux enfants. Entre-temps, vu que la situation s’est empirée avec son mari, elle n’a pas eu d’autre choix que de mettre fin à son mariage.
La mère de famille retourne à Cité Mangalkhan et fait tout son possible pour assurer la scolarité de son fils admis au Collège Royal de Curepipe. Après avoir bénéficié de l’encadrement proposé par l’ONG Lovebridge, elle est aujourd’hui autonome. Elle gagne sa vie en toute quiétude et suit des cours pour améliorer ses aptitudes. « Le fait de n’avoir jamais baissé les bras malgré les circonstances de la vie a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Je suis fière de moi, car j’ai pu offrir à mes enfants une nouvelle vie », se réjouit-elle.
En effet, Stéphanie Puttyah est une femme accomplie et c’est pourquoi elle conseille aux autres femmes qui rencontrent des difficultés de ne pas hésiter à en parler et de se faire aider pour s’en sortir, et ce sans tarder. « Il suffit d’avoir de la volonté pour changer le cours de sa vie », conclut-elle.
# FEMMES SCIENTIFIQUES
Dr Devika Saddul, scientifique au FAREI : «Le défi reste de donner le meilleur de soi-même sur tous les plans»
Le Mauritius Chapter of the Organisation for Women in Science for the Developing World (OWSD) a été créé en 2018. Ce réseau scientifique à Maurice est affilié au réseau international (OWSD), présent dans presque 150 pays. Sur le plan local, il compte environ une quarantaine de membres. Parmi, on retrouve des professionnelles de différents instituts de recherche, d’enseignement tertiaire, des établissements secondaires et des firmes privées, indique la présidente de OWSD Mauritius Chapter, Dr Devika Saddul.
Le temps d’un entretien, cette scientifique fait le point sur l’engagement de cet organisme pour l’épanouissement professionnel des jeunes filles, des femmes et des jeunes dans la société mauricienne.
Quelle est la mission de l’OWSD ?
Notre plateforme vise à encourager les échanges entre les scientifiques et ceux qui sont engagés dans les filières à portée scientifique et éducative. Elle contribue aussi à valoriser davantage la contribution des femmes scientifiques et celles engagées dans la science et au développement du pays. L’OWSD vise pareillement à leur épanouissement professionnel et personnel. Nous faisons uniquement du bénévolat. Le soutien que nous accordent l’Ambassade de l’Australie, l’Ambassade de France, la FAREI, l’Agence Universitaire de la Francophonie est fortement appréciable. Idem pour les autres instances qui croient en la pertinence de nos engagements pour l’épanouissement professionnel des jeunes, des filles, de la femme et de la société mauricienne.
Il manque des modèles à Maurice qui pourraient inspirer les jeunes.
Quid des objectifs et priorités ?
Je dirais que l’objectif principal est de conscientiser la population sur l’importance de la science et d’encourager l’intérêt pour les études de la science, technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STEM – en anglais, STIM- en français). Quant aux priorités, elles sont, d’une part, de privilégier la proximité avec le grand public, et d’autre part, de conscientiser la population et d’encourager l’exposition à l’environnement scientifique dès le jeune âge. Le but est de créer le déclic qui amènera l’enfant à s’intéresser aux sujets d’étude et aux lectures portant sur les sciences en les reliant à tout ce qui l’entoure.
La science : challenge pour les femmes à Maurice ?
Les professionnelles scientifiques et celles impliquées dans la science à Maurice, comme dans les autres pays, sont avant tout, des femmes. Malgré toute la charge de responsabilités qui leur incombe et les défis de tous genres dans leur vie quotidienne, le challenge, c’est cette lutte constante pour maintenir l’équilibre personnel, familial et professionnel, sans qu’aucune facette prenne le dessus. D’ailleurs, OWSD salue le courage et la persévérance de ces femmes, mais aussi celles qui travaillent dans les autres filières. Ce sont des modèles pour la jeune génération afin d’assurer la pérennisation de l’engagement de la femme professionnelle pour aspirer à une société responsable et meilleure.
Comment les aider à mieux faire leurs preuves ?
Je pense que l’encadrement est là et il est bien meilleur que dans le passé. Il faut juste se fixer des objectifs dans la vie, œuvrer et persévérer pour progresser par palier. Certes, la route est longue et jalonnée d’obstacles, mais cela fait partie du processus d’apprentissage et de l’épanouissement personnel. Il y aura toujours des opportunités. Il faut savoir où les chercher et les saisir. Par ailleurs, même si après des années de dur labeur et d’études, on n’arrive pas à trouver un créneau professionnel attrayant, il faut être prêt à commencer dans un autre secteur et persévérer afin de gravir graduellement les échelons. Cela forme partie fondamentale du cheminement professionnel. Le défi reste de donner le meilleur de soi-même sur tous les plans. Les établissements scolaires et de formation ainsi que les lieux de travail doivent être adaptés pour favoriser l’innovation et les start-up.
Qu’est-ce qui freine l’évolution des femmes scientifiques ?
Déjà, le plus grand challenge est d’ordre global avec un ralentissement de l’engagement des filles et femmes, sans exclure le sexe opposé, pour les études scientifiques au niveau secondaire et tertiaire. Tant que ce problème n’est pas résolu, l’évolution des femmes scientifiques sera toujours au ralenti. D’où l’intérêt du réseau scientifique local et global pour constamment encourager les études et l’engagement des filles et femmes dans les filières scientifiques. Sur le plan local, les femmes dans le domaine des sciences font souvent face aux préjugés. Ainsi, elles doivent lutter constamment pour se faire une place et se positionner dans la hiérarchie professionnelle. Ensuite, il est regrettable qu’il manque des modèles à Maurice et qui pourraient inspirer les jeunes. Mais tel n’est pas le cas ailleurs dans le monde, d’où le rôle du réseau scientifique.
What’s Next pour l’OWSD ?
Je dirais que c’est de continuer nos activités de proximité avec le grand public à des buts de conscientisation scientifique et œuvrer également à l’épanouissement des membres de notre réseau. Un évènement de taille et de portée internationale est prévu pour la fin du mois de mars. Nous invitons le public à nous suivre pour les détails.
À l’occasion de la Journée mondiale de la femme, avez-vous un message ?
Aux femmes, je leur dirais de continuer de croire en soi et de persévérer afin d’atteindre les objectifs fixés. Je les invite aussi de nous rejoindre dans notre engagement de conscientisation sur l’intérêt pour les sciences (STEM /STIM) afin de transmettre le message aux personnes de leur entourage pour assurer la relève de demain.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !