Nouvelles exigences économiques ou signe des temps modernes… Les salariés sont appelés à changer d’employeurs plus d’une fois au cours de leur carrière. La plupart du temps, ils le font bien malgré eux, étant sous contrat à durée déterminée.
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«Tout comme nos aînés, nous aurions souhaité garder nos employés indéfiniment car finalement leur expérience est un atout pour l’entreprise. Malheureusement, ce temps est révolu », explique Patrick, patron d’une société privée. Il ajoute qu’avec la rude concurrence tant sur le marché local qu’international, l’avenir même des entreprises est menacé sur les court, moyen et long termes. Il cite de grosses entreprises qui ont fermé pour des raisons économiques.
Patrick montre du doigt la globalisation qui a finalement tourné en faveur des multinationales. « Si dans ce monde impitoyable les entreprises se battent pour leur survie, une chose est sûre : ce sont les travailleurs qui sont les plus grands perdants. »
Le chef d’entreprise trouve logique qu’une entreprise confrontée à des difficultés financières prenne des mesures drastiques, dont le dégraissage du personnel, pour assurer sa survie. Ce qui explique, dit-il, que les firmes recrutent de plus en plus de personnes sur des contrats à durée déterminée. « Les employés sont conscients que leur contrat de travail n’est pas de nature permanente. Psychologiquement, ils sont préparés à toute éventualité. »
Toutefois, il estime que les employés ne doivent pas se faire passer pour des victimes expiatoires : « Au contraire, ils doivent poursuivre leur formation professionnelle de façon à faciliter leur mobilité dans le monde du travail. »
Situation précaire
Pour Dev Luchmun, consultant en relations industrielles, c’est une situation peu enviable pour les salariés. Il s’insurge contre certains employeurs qui en abusent. « Ils offrent des emplois à durée déterminée pour ne pas accorder de congés payés et d’autres droits à leurs employés », déplore-t-il. Il explique que ces derniers, étant en situation de précarité, n’ont plus le pouvoir de marchandage et sont donc obligés de travailler dans des conditions souvent difficiles.
« Outre l’absence de congés payés – car généralement leur contrat de travail ne passe pas la rampe des 11 mois –, ils sont privés des autres droits préconisés par la loi, dont le paiement d’une lump sum à l’âge de la retraite au même titre que les travailleurs permanents », constate Dev Luchmun.
Il souligne que ces employés ne peuvent se fier qu’à leur maigre pension du National Pensions Fund et leur pension de vieillesse. « Cela les cantonne dans une situation de vie précaire. Ils sont contraints de s’user les os même dans leurs vieux jours pour subvenir à leurs besoins. »
En sus de ceux qui travaillent dans le secteur informel, Dev Luchmun cite le cas des employés du secteur manufacturier et des domestiques dans les résidences privées et autres établissements. D’où sa proposition pour l’introduction d’un Portable Pension Scheme. « Les travailleurs auraient ainsi l’assurance d’avoir une pension décente à l’âge de la retraite et d’obtenir une lump sum même s’ils n’ont pas travaillé pour le même employeur durant leur carrière. »
Le consultant en relations industrielles souhaite aussi que le gouvernement introduise au plus vite le salaire minimal et qu’il applique le concept du travail décent dans tous les secteurs d’activité.
Dev Luchmun espère que le gouvernement s’assurera d’appliquer la convention 175 du Bureau international du travail portant sur le part-time work. « Il serait souhaitable que l’État mauricien ratifie aussi la convention 177 ayant trait au travail à domicile, afin que les personnes tombant sous ces deux catégories perçoivent de meilleurs salaires et bénéficient de meilleures conditions de travail », dit-il.
Job Hoppers
L’expert en relations industrielles fait ressortir qu’il existe une autre catégorie d’employés (généralement des professionnels) qui ne travaillent pas longtemps pour un seul employeur. Ils sont connus comme des Job Hoppers. Forts de leurs diplômes professionnels, ils peuvent trouver de meilleurs salaires et d’autres conditions de service dès qu’ils en ont l’occasion. Il cite le cas des Américains qui, en moyenne, ne restent que 4,6 ans dans un même emploi.
Cependant, précise Dev Luchmun, si les Job Hoppers sont quasi sûrs d’obtenir des avantages, c’est, en revanche, un désavantage pour le patronat. Il explique que les entreprises risquent de perdre leurs meilleurs éléments du jour au lendemain.
Le syndicaliste Rashid Imrith contre le contrat à durée déterminée
Rashid Imrith, président de la Fédération des syndicats du secteur public, dénonce le fait que l’État ait de plus en plus recours aux contractuels pour travailler dans la Fonction publique. Il cite le cas des Scientific Officers au sein du ministère de l’Agro-industrie où, selon ses renseignements, le gouvernement compte faire appel à des contractuels. Il s’insurge aussi contre le fait que les Supply Teachers du ministère de l’Éducation soient toujours sous contrat après des années de service. Il estime qu’en faisant cela, l’État encourage le secteur privé à lui emboîter le pas.
« S’il y a des postes vacants dans la Fonction publique, le gouvernement a le devoir de les remplir de manière permanente pour assurer le bon fonctionnement des services publics », dit-il.
Rashid Imrith regrette que l’objectif de créer plus de 10 000 emplois dans ce secteur, comme annoncé dans le Budget 2016-17, n’ait pas été atteint. Il estime que le service public s’est dégradé après la réduction des dépenses des ministères par le gouvernement.
Lors de la dernière conférence annuelle de l’Organisation internationale du travail, le syndicaliste a dénoncé le travail précaire dû à l’octroi de contrats à durée déterminée. Il a aussi dénoncé le Youth Employment Programme, dont il réclame toujours l’abolition.
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