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Chagos : circonstances, souveraineté et survie stratégique

La base militaire sur l’île de Diego Garcia.

Ce jeudi 3 octobre, une étape historique a été franchie : le Royaume-Uni a officiellement reconnu la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos, y compris la base militaire américaine de Diego Garcia. Cette décision dépasse largement le cadre de la politique locale.

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Histoire

En 1965, le Royaume-Uni excise les Chagos de Maurice. Les Américains construisent une base militaire sur Diego Garcia. Entre 1968 et 1973, les Chagossiens sont expulsés vers Maurice et les Seychelles, entre autres. Stigmatisés et marginalisés, ils n’ont de cesse de réclamer justice, que leur refuse le Royaume-Uni qui, tour à tour, décrète la création d’une réserve marine en 2010 et brandit, cinq années plus tard, la carte de sécurité, pour écarter toute possibilité de retour.

Diego Garcia

Diego Garcia, l’atoll principal de l’archipel des Chagos, s’étend sur environ 44 kilomètres carrés. C’est sur cette île stratégique, située à un carrefour entre le Proche-Orient et l’Asie, que les États-Unis, en étroite collaboration avec le Royaume-Uni, ont construit une base militaire aéronavale. En moyenne, y résident quelque 4 000 militaires et civils américains et britanniques.

Ce choix s’inscrit dans le contexte de la Guerre froide, où les superpuissances se disputaient l’influence mondiale.

Au cours des décennies 70 et 80, les États voisins s’insurgent contre les travaux d’expansion, mettant l’accent sur l’aspect/statut de non-militarisé de l’océan Indien.

Selon le Britannica, c’est de Diego Garcia que sont menées les attaques durant la Guerre du Golfe, sur l’Afghanistan et la phase initiale de la guerre contre l’Irak.

SAJ

De retour au pouvoir, après les législatives de décembre 2014, sir Anerood Jugnauth revêt sa toge de Queen’s Counsel pour plaider la souveraineté de Maurice sur les Chagos. La Cour internationale de justice conclut que l’excision est illégale. En mai 2021, les Nations unies intègrent les Chagos dans la cartographie de Maurice. SAJ décède au mois de juin.

Compensation

Les trois millions de livres sterling que reçoit Maurice en échange de l’excision sont dérisoires. Car, un demi-siècle plus tard, les Chagossiens, premières et nouvelles générations incluses, portent toujours les séquelles de la déportation. Les Britanniques reconnaissent ce tort commis. Il est question de l’institution d’un Trust Fund en faveur des Chagossiens vivant à Maurice. Lors de son intervention, Pravind Jugnauth a aussi fait mention de repeuplement de deux îles. Entre-temps, les Chagossiens vivant en Grande-Bretagne se disent exclus des négociations.

Une seconde compensation sera incluse dans le traité final – « an indexed annual payment for the duration of the agreement and the establishment of a transformational infrastructure partnership, underpinned by UK grant funding, to deliver strategic projects generating meaningful change for ordinary Mauritians and boosting economic development across the country ».

En guise de comparaison, le montant pour le bail de Diego Garcia aux Américains, dont le budget militaire pour 2024, est de 886,3 milliards de dollars (55 fois le Produit intérieur brut de Maurice). Est-ce que les Américains sont d’accord pour payer les arrérages ? Quel sera le montant du bail annuel ? En dollars ou livre sterling ? Cela dit, l’argent atterrirait dans les caisses de l’État.

Diplomatie, géopolitique

Les négociations en vue de la rétrocession des Chagos démarrent en 2022. Dans le camp britannique, les conservateurs au pouvoir ne veulent point céder, citant l’importance stratégique et militaire, et traitant Maurice comme un allié de la Chine. La victoire du Labour de sir Keir Starmer accélère le processus de rétrocession. L’annonce tombe jeudi, à la veille de la dissolution du Parlement mauricien et à un mois des élections présidentielles aux États-Unis.

Les details

L’accord annoncé le 3 octobre, bien qu’historique, reste un accord-cadre soumis à la négociation de traités et d’instruments juridiques détaillés. Les deux parties se sont engagées à mener à bien ces travaux dans les meilleurs délais.

Toutefois, une clause de cet accord suscite de vives controverses. Citant le rôle vital de la base de Diego Garcia dans la sécurité régionale et globale, il est dit que « United Kingdom will be authorised to exercise with respect to Diego Garcia the sovereign rights and authorities of Mauritius required to ensure the continued operation of the base well into the next century ».

Cette formulation ambiguë laisse planer un doute sur la réelle souveraineté de Maurice sur l’ensemble de l’archipel.

Positionnement

La République de Maurice dispose d’une zone économique exclusive (ZEE) s’étendant sur 2,3 millions de kilomètres carrés. Avec les Seychelles, Maurice gère le Plateau des Mascareignes. En incluant les Chagos, la zone s’étendrait jusqu’aux Maldives. De plus, avec l’aéroport flambant neuf d’Agaléga, celui de Plaisance et les futures infrastructures similaires à Rodrigues (financées par la Banque mondiale), Maurice se positionne comme un point stratégique dans cette zone de l’océan Indien. 

Toutefois, cette position privilégiée s’accompagne de vulnérabilités : Maurice ne dispose pas de moyens suffisants pour assurer une surveillance complète de sa ZEE. C’est pourquoi le pays s’appuie sur la coopération avec des puissances comme l’Inde, le Royaume-Uni et les États-Unis. Cette dépendance explique en partie la présence importante d’ambassades et de hautes commissions sur le territoire mauricien, reflétant les enjeux géopolitiques complexes de la région.

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