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Ces adolescents qui défient l’autorité

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Certains enfants mènent la vie dure à leurs parents. Ils échappent à tout contrôle à tel point que les parents demandent de l’aide des responsables des écoles et vont jusqu’à alerter la police, incapables de se faire respecter et de faire respecter la loi. Deux cas ont été enregistrés la semaine dernière.

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Deux adolescentes de 15 et 16 ans ont fait voir de toutes les couleurs à leurs mamans. À tel point que celles-ci ont dû alerter la police. La première maman qui habite un faubourg de la capitale explique qu’elle n’en peut plus. Après plusieurs réprimandes sur son comportement, dimanche dernier, il y a eu une nouvelle dispute. Elle confie que sa fille de 16 ans avait pris son portable pour parler à un garçon, mais qu’elle l’en a empêché. L’adolescente, vexée, l’a alors injurié. Le lendemain, elle voulait allumer une cigarette et la maman n’a pas apprécié le geste. Alors qu’elle essayait de l’en empêcher, la jeune fille s’est saisie d’une paire de ciseaux et l’a menacée. Dans une déclaration au Défi Quotidien la semaine dernière, au bord des larmes, la maman raconte  : « Elle m’a menacée avec les ciseaux. Je suis sortie de la maison pour informer la police. Je veux qu’elle puisse retourner en cours et se trouver un travail. Jusqu’à ses 18 ans elle est à ma charge. Ensuite c’est à elle de voir ce qu’elle veut faire ».

Confidences aux recteurs

Une autre adolescente de 15 ans a menacé de se suicider. Sa mère qui a huit enfants soutient que son aînée défie toute autorité. Celle-ci fréquentait une établissement de formation professionnelle, mais a préféré arrêter ses cours depuis neuf mois environ. Dans sa déclaration à la police, elle souligne que sa fille a fugué à plusieurs reprises ces derniers mois. Désemparée, la maman a relaté que lors d’une de ses fugues, elle a dit à l’adolescente qu’elle allait alerter la police et celle-ci l’avait alors menacée. Elle aurait dit à sa maman que si elle le faisait, elle allait se suicider. Ne sachant que faire lors de sa dernière fugue, la maman s’est tournée vers la police pour qu’ils aillent la chercher ensemble et la ramènent à la maison. Dans les deux cas, les policiers ainsi que les officiers de la Child Development Unit, ont été informés.

Comme ces deux mamans, ils sont nombreux à se tourner soit vers la police soit vers les responsables des collèges pour rechercher de l’aide. Le président de l’Union of Rectors and Deputy Rectors of State Secondary Schools, Soondress Sawmynaden, précise qu’il y a effectivement beaucoup de parents qui souffrent de cette situation. « Les enfants mettent l’accent sur leurs droits et pas sur leurs responsabilités. Certaines filles vont plus loin en disant à leurs pères que s’ils ne leur permettent pas de faire ce qu’elles veulent, elles iront jusqu’à porter painte pour attouchement contre eux, à la police. Les parents sont désemparés. »

Le recteur avance que le manque de communication entre parents et enfants en est pour quelque chose. « Les parents sont perdus. Entre leurs responsabilités professionnelles, familiales, ils ne savent plus comment faire. »

Soondress Sawmynaden ajoute que l’utilisation abusive du portable en est pour quelque chose, puisqu’il n’y a plus de communication entre parents et enfants.

«Child beyond control»

Il explique qu’au sein des écoles, les responsables expliquent aux élèves comment se comporter en société, leurs responsabilités, mais ce discours doit avoir un suivi à la maison. Chose qui n’est toujours pas évidente.

Les enfants qui se comportent mal, qui sont en conflit avec la loi, sont connus pour être des «  children beyond control ». Ils sont placés soit en maison correctionnelle (CYC) ou au centre de réhabilitation (RYC), dépendant de leur âge et de la gravité de leur délit.
Le travailleur social, Jacques Lafitte soutient avoir cherché en 41 ans de carrière dans l’éducation et plus de 15 ans dans le social, le phénomène, mais ne l’a pas trouvé. Il soutient : «J’ai rencontré quelques-uns à qui on a affublé cette étiquette, ils proviennent majoritairement des shelters. Je n’ai eu aucun problème avec eux. J’en ai même trouvé certains adorables. Méchamment, je dirais que leurs parents ont récolté ce qu’ils ont semé. »

Dans son analyse, il précise que ces enfants sont plus des victimes que des coupables. « Si vous voulez comprendre pourquoi une eau est polluée, remontez à la source. C’est aussi simple que cela. Quand ces enfants me parlent de leur vécu, je suis tout simplement horrifié. Dans certains cas, malheureusement, ceux qui sont entrés dans une spirale de violence ou de délinquance ne sont pas facilement récupérables. Pourtant, ils ne sont pas nés ‘monstres’, ils le sont devenus par la faute de leurs parents. »

Ayant travaillé avec les parents, Jacques Lafitte souligne que certains d’entre eux surprotègent ou contrôlent maladroitement leurs enfants. « Contrairement à la première catégorie de parents qui ont lâché leurs enfants dans la nature, eux sont tout simplement maladroits. Ce sont des parents qui veulent bien faire, mais qui n’ont pas été formés pour faire face aux défis d’un monde moderne où les enfants sont nés avec le portable... C’est ce que j’appelle ‘facing modern challenges with obsolete tools’. »

Le problème, souligne le travailleur social, réside dans la façon de faire des parents. « Ces parents ont tendance à reproduire ce que leurs parents leur ont appris ou leur ont infligé. En somme, ils n’ont pas d’autres modèles ou référence. Bien sûr, cela ne marche absolument pas. La formation afin de ‘upgrade’ ces parents est donc essentielle. »

Derniers chiffres de Statistics publiés en juin 2018.

Population au CYC

Population au CYC

De ces 172 cas, 21 sont condamnés pour divers délits. Les chiffres révèlent aussi que de ces 21 cas, 95 % sont condamnés pour des cas de vol.

Population au RYC

Population au RYC

En 2017, 76 % étaient ‘on remand’. Des 45 qui y sont admis, 41 sont considérés comme des ‘children beyond control’.


Rita Venkatasawmy : «C’est un signe d’un malaise profond chez l’enfant en souffrance»

ritaL’Ombudsperson for Children, Rita Venkatasawmy, insiste que l’enfant considéré comme child beyond control, est en réalité en souffrance. C’est quelqu’un qui a besoin d’être aidé et entouré.

Selon vous, pourquoi avons-nous des ‘children beyond control’ ?
Les enfants avec un problème de comportement sont ainsi qualifiés, selon la Juvenile Offenders Act. Ce sont des enfants qui dérangent, qui fuguent, qui frappent leurs parents ou qui cassent tout sur leur passage. Cependant, je peux dire que c’est un signe d’un malaise profond chez l’enfant en souffrance.

Quel est le profil de ces enfants ?
Beaucoup d’enfants considérés comme « child beyond control » sont issus de familles brisées, parents séparés, victimes de violences, d’abus physique, émotionnel ou sexuel. Il existe aussi ceux qui font fi de toute discipline.

Quel est le rôle des parents ?
Il y a certains parents qui sont dépassés par les événements. Dans certains cas, il faut réhabiliter les parents. Ils ne savent pas comment exercer leur rôle de parent, alors l’enfant qui est perçu pour être un « child beyond control » est en souffrance et ne sait pas comment s’exprimer.

En tant qu’Ombudsperson for Children, quelles sont les solutions que vous souhaitez voir introduites pour réhabiliter ces enfants ?
Les enfants ont besoin d’être aimés et d’une approche individualisée. Les educational social workers et l’unité de psychologie du ministère de l’Éducation répondent positivement à chaque fois que nous faisons appel à eux. Je pense qu’il faut aussi davantage de networking, entre la Child Development Unit (CDU), l’Alternative Care Unit, le ministère de l’Éducation et tout autre unité travaillant pour le bien-être de tous les enfants.

Combien de cas votre bureau a dû traiter en 2018 ?
Je dirais une centaine de cas. Il faut toutefois préciser que certains sont identifiés pour être des children beyond control, alors qu’ils ne sont que des victimes.


Sam Lauthan veut prévenir l’éclatement des familles

samLe travailleur social Sam Lauthan se dit très concerné par les enfants se trouvant en situation difficile. Il ne mâche pas ses mots et reprend une déclaration faite il y a quelques années. « Je trouve aberrant que les enfants placés dans les RYC et CYC soient étiquetés children beyond control. Il aurait fallu dire child who has gone through situations which are beyond their control. » 

Sam Lauthan souligne que cette affirmation vient d’une étude qu’il avait commanditée auprès d’encadreurs et de psychologues des enfants. À la suite de plusieurs rencontres, il a été conclu que ces enfants qualifiés d’incontrôlables proviennent de familles désunies, alcooliques, qui ont des soucis avec la justice, entre autres. Étant ministre, avec la responsabilité des prisons, il a tenu à rencontrer plusieurs prisonniers. Il nous confie avoir découvert que la plupart avait eu un passé dans un centre de RYC ou CYC et se sont retrouvés pour d’autres délits à la prison. Suite à cette expérience, il a lancé le programme Éducateurs de rue.

Pour Sam Lauthan, la cause de la délinquance juvénile est le dyfonctionnement au sein des familles. « Les membres de la famille ne sont plus soudés aujourd’hui. Avec les réseaux sociaux, il n’y a qu’à voir lorsqu’une famille va manger dans un restaurant. Pendant une bonne trentaine de minutes, personne ne va échanger un seul mot, tous sont sur leur téléphone. »

Le travailleur social insiste sur la structure de notre société. Il croit dans une réflexion sincère avec des spécialistes et experts de la société. « Je fais appel à des personnes de bonne volonté pour que nous puissions mettre nos idées ensemble pour prévenir l’éclatement de nos familles. Nos enfants ont besoin de nous. Lorsqu’on voit une enfant de 13 ans qui tombe enceinte, cela m’interpelle, c’est un vrai problème de société. Je suis déterminé à aller de l’avant. Cela ne peut plus continuer ainsi », martèle Sam Lauthan.

 

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