Lors de cet entretien, Cédric de Spéville avance que les affaires politiques ont toujours eu une incidence sur le climat des affaires. Il craint aussi qu’avec le salaire minimal et la compensation salariale, certains secteurs aient des difficultés à suivre.
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Le gouvernement continue de lutter pour atteindre une croissance de 4%. Quel regard portez-vous sur l’économie mauricienne qui piétine avec une faible croissance ?
Il y a de nombreuses initiatives en cours qui vont dans la bonne direction pour booster l’économie comme, par exemple, certaines mesures de soutien à l’industrie, le projet de e-licensing, les reformes au niveau du global business. C’est important de noter le progrès en matière d’‘Ease of Doing Business’ où nous sommes désormais 20e au niveau mondial. C’est très encourageant. Même s’il est vrai que 2018 a été une année globalement « correcte » d’un point de vue économique, ce n’est pas suffisant. La croissance du PIB reste en dessous de 4% et notre déficit commercial va crescendo. Cela indique que nous vivons au-dessus de nos moyens. De plus, nous avons du mal à concrétiser notre rôle de ‘hub’ vis-à-vis de l’Afrique.
D’un point de vue sectoriel, la situation dans le secteur cannier est particulièrement préoccupante en dehors de son apport économique. Certes réduit aujourd’hui, c’est un secteur qui joue un rôle fondamental dans le paysage mauricien.
Comment s’annonce 2019 sur le plan économique ?
Nous estimons, tout comme ‘Statistics Mauritius’, que le taux de croissance global devrait avoisiner les 4% en 2019, avec notamment une croissance de 8,5% pour le secteur de la construction et de 5,4% pour le secteur financier. Mais la partie n’est vraiment pas gagnée d’avance !
Étant une économie très ouverte, il faudra rester attentif à certains facteurs externes, comme la signature de nouveaux accords commerciaux entre les États-Unis et la Chine, les développements consécutifs au Brexit ou encore le prix du pétrole qui va augmenter. Nous devrons également pousser encore plus loin nos efforts au niveau de l’innovation et des nouvelles technologies pour améliorer notre compétitivité, et mettre les bouchées doubles pour établir le fameux corridor Asie-Afrique.
Nous plaidons pour la mise en place de mesures d’accompagnement pour ces différents secteurs. Sans cela, je crains que cette hausse salariale ne génère des pertes d’emploi.»
2019, c’est aussi une année électorale. Pour ‘Business Mauritius’, le financement des partis politiques est-il une question d’actualité ?
Effectivement. Cela fait longtemps que nous demandons une vraie législation à ce sujet. C’est très important pour la démocratie et pour la bonne gouvernance, tant dans les secteurs public que privé. C’est un sujet que nous continuerons de défendre. Nous avons soumis des propositions suite à la demande du gouvernement. C’est bien qu’il a fait un premier pas sur cette question même s’il reste encore beaucoup à faire.
Quid des problèmes qui affectent actuellement les entrepreneurs, et y a-t-il des moyens pour les aider ?
Chez Business Mauritius, notre principal objectif est l’amélioration d’‘Ease of Doing Business’. Cela veut dire qu’il faut éliminer les obstacles et autres inefficiences pour ceux qui veulent investir et faire du business. Nous estimons que l’e-licencing pour les entrepreneurs est une des plus importantes étapes pour que nous puissions les aider de manière adéquate. Quant aux entreprises d’exportation, plusieurs mesures d’accompagnement ont été mises en place l’année dernière et déjà, elles commencent à porter leurs fruits. Au niveau des entreprises impliquées sur le marché local, la compétition internationale est très féroce, et il leur est parfois difficile de faire face aux politiques de prix agressives de leurs compétiteurs. Nous devons continuer de promouvoir le ‘Made in Moris’ !
Selon vous, le salaire minimum peut-il avoir une incidence sur la productivité au sein des compagnies mauriciennes ?
Si les salaires augmentent plus vite que la productivité, (nous savons déjà que l’Unit Labour Cost continue d’augmenter), nous perdrons en compétitivité. C’est mathématique ! Il faudra attendre les conclusions du ‘Minimum Wage Impact Assessment’ pour identifier les problématiques et ensuite prendre les mesures nécessaires. Évidemment, les salaires doivent augmenter. Tout l’objet du développement économique est qu’il soit partagé et inclusif. Sinon ça ne sert à rien. Mais notre productivité doit aussi suivre de manière plus rapide. Au cas contraire, nous serons « out of the game » comme c’est déjà le cas dans certains secteurs. Nous serons tous perdants et, en premier, ceux qui sont les plus vulnérables ! Le sujet sur lequel nous ne nous pouvons pas nous tromper, c’est qu’il faut continuer de développer notre capital humain !
Certains économistes avancent que les PME auront des difficultés à dépenser Rs 400 supplémentaires en sus du salaire minimum. Votre avis.
En effet, certains secteurs auront des difficultés à suivre. À l’instar la distribution, des petits commerces, du secteur manufacturier (local et l’export), les entreprises de nettoyage et de sécurité, l’agriculture, bref toutes les entreprises impliquées dans des domaines hautement ‘labour intensive’. Nous plaidons pour la mise en place de mesures d’accompagnement pour ces différents secteurs. Sans cela, je crains que cette hausse salariale ne génère des pertes d’emploi.
Maurice souffre-t-il d’une crise de gouvernance relative à des affaires politiques ?
Les affaires politiques ont toujours eu une incidence plus ou moins forte sur le climat des affaires. Il est clair que le développement durable de notre pays ne peut se faire sans un climat de bonnes gouvernances et de confiance dans nos institutions. L’intégrité, tant au sein des entreprises que de nos institutions gouvernementales, est obligatoire si l’on veut maintenir le progrès à Maurice. Nous devons pouvoir nous reposer sur des institutions fortes, fiables, indépendantes. Sans quoi, nous perdrons la confiance des investisseurs, et notre compétitivité va en pâtir.
Business Mauritius a fait une demande pour la mise en opération du ‘Minimum Wage Consultative Council’ qui devrait se rencontrer de manière régulière. Pouvez-vous nous en dire plus.
Je vous le confirme. Nous estimons qu’une rencontre tripartite par an est loin d’être suffisante pour établir le ‘Minimum Wage’. L’objectif du ‘Minimum Wage Consultative Council’, qui regrouperait la communauté des affaires, les regroupements syndicaux et le gouvernement, serait avant tout d’établir un ‘Wage Determination Mechanism’. Nous devons trouver une façon de calculer automatiquement le ‘Minimum Wage’ en tenant compte de l’inflation, du coût du panier de la ménagère et des charges financières des entreprises. Ce serait plus juste pour tout le monde car la manière de faire actuelle est loin d’être rigoureuse.
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