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Ça fait débat : l’avenir de la MIC en suspens 

Jitendra Bissessur et Sameer Sharma.

La question de l’avenir de la Mauritius Investment Corporation (MIC) est plus que jamais d’actualité. Après l’échec de L’Alliance Lepep aux élections générales, le gouvernement en place doit trancher sur le sort de cette institution controversée, fondée en 2020 et marquée par une gestion opaque et des investissements questionnés. 

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À la date du 30 septembre 2024, la Mauritius Investment Corporation (MIC) avait investi Rs 56,83 milliards dans 60 entités. Cependant, au 22 novembre 2024, le rapport annuel pour 2023 n’a toujours pas été publié. Cette situation intervient dans un contexte de bouleversements politiques après la défaite électorale de L’Alliance Lepep, entraînant des démissions au sein des institutions publiques, dont celle de Jitendra Bissessur, Chief Executive Officer (CEO) de la MIC, dans la semaine du 15 novembre 2024. 

Le conseil d’administration de la MIC, composé de membres comme Mardayah Kona Yerukunondu et Hemlata Sadhna Sewraj-Gopal, sous-gouverneurs de la Banque de Maurice, a lui aussi démissionné. La nomination d’un nouveau CEO pour la MIC, qui doit se faire avec l’approbation et la validation du Board, ne peut donc pas se faire. 

L’avenir de la MIC serait en suspens, apprend-on, alors que le nouveau gouvernement se penche sur les recommandations du Fonds monétaire international (FMI) à propos de l’institution. En vertu de l’Article IV, le FMI a, à deux reprises, suggéré une totale indépendance de la MIC. Cela passerait par un amendement de la loi sur la Banque de Maurice, permettant ainsi d’éliminer progressivement sa participation dans la MIC. En 2022, le FMI avait même suggéré à l’État de racheter la MIC ou d’intégrer l’organisme à la Development Bank of Mauritius.  

Faut-il démanteler la MIC ? Un ancien gouverneur de la Banque de Maurice ne passe pas par quatre chemins et répond par l’affirmatif.  « La Banque centrale a d’autres choses à faire que de gérer la MIC. La Banque de Maurice aurait pu mettre cet argent à la disposition des banques commerciales sous certaines conditions et à un faible taux. Cela aurait dû se faire suivant une décision du Cabinet et dans la transparence », argue-t-il. 

L’ancien gouverneur de la Banque de Maurice rappelle que l’argent de la MIC est celui des contribuables. Il craint qu’une partie de l’argent prêté aux entreprises ne soit « write-off ». « Tout était contrôlé par le ministre des Finances sortant, la Banque centrale agissant comme un ‘stamping office’. La MIC obéissait au gouverneur de la Banque de Maurice qui, à son tour, prenait ses ordres de l’ancien ministre Padayachy », déplore-t-il. 

Bilan de la Banque de Maurice 

À l’opposé, Jitendra Bissessur avait défendu le rôle de la MIC, qui, selon lui, a permis de maintenir à flot des entreprises durant la pandémie de COVID-19 et les a aidées à se consolider. Le but, avait-il dit, était que la MIC soit un accélérateur pour les nouvelles industries à Maurice tout en boostant le modèle économique. L’institution, selon lui, avait investi dans de nouveaux secteurs, dont l’énergie solaire et le secteur médical. 

Cependant, l’économiste Sameer Sharma considère que la MIC ne peut plus figurer dans le bilan de la Banque de Maurice. « La MIC est également financée par la Banque centrale par le biais de la planche à billets, ce qui contribue à faire déprécier la monnaie à chaque fois qu’elle prête de l’argent. Il faut une réévaluation complète et indépendante des actifs de la MIC qui sont surévalués. Ils doivent ensuite être retirés du bilan de la Banque centrale après avoir été correctement évalués », conseille-t-il. 

Conflit d’intérêts 

L’ancien gouverneur de la BoM est d’avis que plusieurs entreprises ayant bénéficié de l’aide financière de la MIC dans le passé sont aujourd’hui profitables. Ce qu’il suggère, c’est de leur accorder un délai pour qu’elles remboursent l’argent qu’elles ont reçu.  Dans ce même ordre d’idée, Sameer Sharma propose que toutes les transactions relatives à la MIC soient examinées par une entité indépendante, sans lien avec les bénéficiaires des fonds au niveau local pour éviter toute situation de conflit d’intérêts. « Il existe déjà de puissants groupes de pression qui tentent de faire avancer leurs hommes et des entreprises locales qui n’ont ni l’expertise ni la neutralité nécessaires pour faire ce travail. Toutes les transactions ont été mal évaluées à cause du manque de compétence, de la corruption potentielle et des conflits d’intérêts. La MIC était un outil permettant de privatiser les gains à bon compte tout en socialisant les pertes. Certains accords sont pires que d’autres, mais aucun n’a été bien structuré et gouverné », explique l’économiste. 

Si la MIC est maintenue dans sa forme actuelle, il y a le risque que le FMI et la Banque mondiale décident de ne plus lui venir en aide à Maurice. Pour rectifier le tir, Sameer Sharma conseille de retirer les actifs de la MIC du bilan de la Banque centrale. « La MIC aurait dû être structurée comme un véhicule spécial hors bilan et hors faillite, géré par des personnes compétentes qui n’entrent pas en conflit d’intérêts avec une banque centrale locale », insiste-t-il. 

 

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