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Brayen Sooranna, Mauricien et conseiller municipal en France : «Marine Le Pen a une réelle opportunité au second tour de la présidentielle»

Il est ancré à gauche et conseiller municipal depuis décembre 2021 à la ville du Pré Saint-Gervais. Selon Brayen Sooranna, les résultats du premier tour de la présidentielle poussent à la réflexion sur le paysage politique en France, notamment au niveau des partis traditionnels de gauche.

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Présentez-vous, s’il vous plaît.
Pour faire court, je suis originaire de Curepipe, où ma famille vit depuis de nombreuses années. J’ai quitté le pays à l’âge de 19 ans. Je me suis envolé pour Marseille dans le cadre de mes études. 

La politique m’intéressait déjà, mais j’ai mis de côté l’idée d’étudier les sciences politiques, au cas où je serais dans l’obligation de rentrer au pays. Résultat, j’ai fait une licence en Administration économique et sociale, et un premier Master de Management des transports et de la logistique en milieu international, à l’université d’Aix-Marseille II. 

Parlez-nous de votre parcours à Maurice. 
Ma mère travaillait comme commerciale dans le secteur du tourisme et mon père, qui nous a quittés il y a quelques années, était coiffeur. Mes parents étaient des personnes modestes, qui ont toujours mis en avant la réussite scolaire de leurs enfants, quels que soient les sacrifices. 

À l’âge de 15 ans, j’ai travaillé comme manutentionnaire à J. Kalachand de Curepipe pendant les vacances scolaires. Puis après le Higher School Certificate, j’ai travaillé pendant quelques mois auprès d’une entreprise de téléphonie comme accounts clerk et ensuite rapidement comme aide-maçon.

Pourquoi avoir quitté Maurice ?
En 2005, j’ai décidé de partir. Je voulais voir le monde. Je souhaitais faire mes études en France pour découvrir un autre système éducatif et apprendre à vivre par mes propres moyens, ce qui était, me semblait-il, un impératif. De plus, intéressé par la politique à l’époque déjà, je voulais voir ce qu’il se passait à ce niveau en Europe, afin d’alimenter ma réflexion sur l’état de la politique dans le pays. 

La Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, Saint-Pierre et Miquelon ou encore la Réunion ont voté largement pour Jean-Luc Mélenchon»

Êtes-vous marié et avez-vous des enfants ?
En couple, mais sans enfants pour le moment. Ma compagne et moi avons concentré une partie de nos premières années, après nos études, à nos carrières respectives. Mais à 36 ans se pose la question, même si le monde actuel pose d’autres questions. Ça viendra.

Quelle est votre profession actuelle ?
J’ai commencé ma carrière professionnelle comme consultant dans des cabinets de conseil (avec des missions aussi bien sur des projets portuaires que l’appui aux collectivités territoriales et autres services publics), tout en m’impliquant en tant que militant dans un parti politique. 
En 2014, ayant toujours la volonté de travailler dans le milieu politique, j’intègre le Master Administration du Politique et des Affaires Publiques de Panthéon-Sorbonne et je fais des stages en parallèle à l’Assemblée nationale. Après un aller-retour dans le secteur des affaires publiques, orienté vers les questions européennes et un passage à la Direction générale de Pôle Emploi, je suis revenu en tant que collaborateur parlementaire en 2017 auprès de Josette Manin, députée de la Martinique. 

Par ailleurs, je suis intervenant sur des cours magistraux dans des Masters de science politique tels que le Master 1 (M1), Action Publique et Stratégie France - International, de l’université Sorbonne Paris Nord.

Depuis quand êtes-vous conseiller municipal ?
Je suis conseiller municipal depuis décembre 2021 à la ville du Pré Saint-Gervais, une ville historique pour la gauche en Seine-Saint-Denis (93) et plus largement en France. Avant cela, j’ai aussi été candidat à d’autres élections, par exemple sur les listes de la Seine-Saint-Denis pour les régionales de 2021 au titre de l’Union de la Gauche.

Rien n’est joué pour le second tour, même s’il y aura un barrage républicain»

Que pensez-vous des résultats du premier tour de la présidentielle ? 
Ce résultat, hormis peut-être une forte poussée de Jean-Luc Mélenchon et de la France Insoumise, était annoncé depuis un moment : un duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. En-dehors du Rassemblement national (ex-Front national), les partis traditionnels de gauche (Parti Socialiste, Europe Écologie les Verts, Parti communiste français) et de droite (tels que Les Républicains, ex-Union pour un mouvement populaire) n’ont pu faire plus de 5 % (ce qui est obligatoire pour se faire rembourser les frais de campagne). 

Il y a là peut-être une réflexion à avoir sur leur avenir et sur la continuité ou la fin de la recomposition du paysage politique français entamée en 2017. 

Mais encore ?
Nous avons une frange de la gauche, symbolisée par Jean-Luc Mélenchon et Les Insoumis, qui rate la possibilité d’être au second tour. Pourtant, ils arrivent largement en tête dans la majorité des territoires d’outre-mer (la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, Saint-Pierre et Miquelon ou encore à la Réunion), alors qu’à Mayotte, c’est Marine Le Pen qui sort en tête. Emmanuel Macron, quant à lui, récolte la majorité des suffrages exprimés dans les pays et territoires du Pacifique et dans des départements comme la Seine-Saint-Denis, qui font partie des départements et territoires les plus pauvres de France. 

Vous militez toujours ?
Pour le militant que je suis, la question essentielle est de savoir si une main tendue « de la gauche vers la gauche » n’aurait pas permis d’avoir un autre résultat au premier tour. Il manquait un peu plus de 400 000 voix à la France Insoumise pour être présente au second tour. Maintenant, il faudra voir comment les cinq prochaines années vont permettre à l’ensemble des partis à gauche de l’échiquier de se tirer les uns les autres pour atteindre un programme et une candidature communs. Il faudra, bien évidemment, mettre les colères et les rancœurs de côté pour y arriver.

Il y a l’échéance des législatives, bientôt…
Une des réponses à ce que je viens de dire se trouve dans la capacité des partis de gauche à travailler très rapidement ensemble pour les législatives qui approchent à grands pas. Il ne faut pas oublier que, dans la Ve République, un président est très puissant seulement s’il a la majorité à l’Assemblée nationale. Et au Sénat bien sûr, mais là n’est pas la question pour le moment. Sans cela, c’est une cohabitation qui s’installerait avec ses avantages et ses inconvénients.

Et le match Marine Le Pen – Emmanuel Macron s’annonce comment ?
Pour la première fois, alors qu’en 2002 et 2017, il y avait eu un front clair face au Rassemblement national, il y a une réelle possibilité pour Marine Le Pen. Elle ne fait plus peur, car son image a été transformée. D’une part, du fait de sa propre campagne. Et, d’autre part, avec l’arrivée du candidat Eric Zemmour, dont les propos très outranciers et les propositions extrêmes ont achevé le travail de dédiabolisation de la candidate frontiste.  

Rien n’est joué donc pour le second tour ?
Rien n’est joué pour le second tour, même s’il y aura un barrage républicain. Après, comme je le disais en amont, il s’agira de voir si les deux candidats auront une majorité pour gouverner, s’ils parvenaient à s’imposer à l’issue du deuxième tour. Par ailleurs, se pose la question de la représentativité, sachant que le taux d’abstention est de 26,31 % (contre 25,44 % en 2017). Ainsi, le candidat qui a obtenu le plus de voix, Emmanuel Macron, représente 20,07 % des personnes inscrites. 

Face à cela se posent des questions de légitimité, qui ne manqueront pas de refaire surface lors du prochain quinquennat, comme nous l’avons vu tout au long de celui-ci. Il serait peut-être temps de revoir le mode et le calendrier du scrutin de la présidentielle, d’élire les députés à la proportionnelle afin que l’ensemble de la composante de la vie politique soit représenté et de rendre le vote obligatoire avec la comptabilisation du vote blanc.

 

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