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[Blog] Carte d’identité nationale : Infraction du Gouvernement et outrage à la Cour ?

Plus de 985 000 citoyens mauriciens sont détenteurs de la nouvelle carte d’identité nationale, selon les chiffres publiés par la presse. Beaucoup ont obtempéré à cause des lourdes sanctions prévues le cas échéant.

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Toutefois, un fait troublant m’a été communiqué : les récents demandeurs de la carte d’identité n’étaient même pas au courant que la déclaration suivante figurait, ou devait figurer, sur le formulaire de demande électronique :

« I do not have any objection to my fingerprints being taken, processed and recorded. I understand that this information will be erased permanently from the register once the identity card has been printed. »

Cette déclaration est prescrite par le First Schedule du National Identity Card Regulations 2013 [GN 216/2013] et fut introduite par le National Identity Card (Amendment) Regulations 2015 [GN 178/2015]. Donc, à partir du 11 septembre 2015, ladite déclaration doit nécessairement figurer sur le formulaire de demande électronique.

Le format électronique du formulaire de demande et le First Schedule sont eux-mêmes prescrits par l’Article 3(1)(a) du National Identity Card Regulations 2013 [GN 216/2013] et concerne l’Article 3(2)(b) du National Identity Card Act.

Au bas du First Schedule, tout juste avant l’unique espace réservé à la signature du demandeur et l’inscription de la date du jour, figure une remarque qui stipule que le demandeur doit affirmer que le contenu du formulaire de demande lui a été montré/lu et expliqué dans un langage qui lui est familier. L’affirmation se lit comme suit - “The above entries have been shown to me/read over and explained to me in a language that I understand* by Mr/Mrs/Ms (…)”

D’après l’Article 4(h) du National Identity Card (Civil Identity Register) Regulations 2015 [GN No. 177 of 2015], le formulaire électronique doit être dûment signé.

Ainsi, alors que la loi prévoit que la déclaration susmentionnée doit non seulement être portée à la connaissance du demandeur mais encore lui être expliquée dans un langage qui lui est familier, beaucoup de demandeurs ont affirmé n’avoir jamais été (verbalement ou autrement) mis au courant de ladite déclaration ou de ladite affirmation.

Certains de ces demandeurs ont même demandé aux officiers du Mauritius National Identity Card (MNIC) Unit des explications sur l’utilisation de la signature électronique qu’ils ont fournie. Ces officiers les ont assurés que leur signature était uniquement destinée aux fins d’inscription sur la carte d’identité.

Toutefois, si la déclaration et l’affirmation susmentionnées figurent dans le formulaire de demande électronique selon les provisions légales, cela voudrait dire que les signatures des demandeurs ont été utilisées pour signifier l’acceptation de ladite déclaration et l’attestation de ladite affirmation, à l’insu des demandeurs et sans leur consentement au préalable.
Les questions suivantes méritent une considération particulière:

(a) Si la déclaration et l’affirmation susmentionnées ne figurent réellement pas sur le formulaire de demande électronique, le gouvernement aurait enfreint sa propre loi, en l’occurrence le National Identity Card Act et les règlements y relatifs.

Cette omission est une très grave infraction, passible de la sanction prévue sous l’Article 9(3) du National Identity Card Act et qui consiste en une peine maximale d’une amende ne dépassant pas Rs 100 000 et une peine maximale d’emprisonnement de 5 ans. Ce serait intéressant de voir la sanction que la judiciaire infligera au gouvernement pour cette infraction très grave !

(b)    Si, au contraire, la déclaration et l’affirmation susmentionnées figurent sur le formulaire de demande électronique, mais n’a pas été montrée, lue et expliquée au demandeur, cela impliquera que le gouvernement, à travers les officiers des centres de la MNIC, agit de mauvaise foi : le gouvernement aurait fait croire aux demandeurs de carte d’identité que leurs signatures étaient destinées uniquement aux fins d’inscription sur leurs cartes d’identité alors que ces signatures ont été utilisées à leur insu pour lesdites déclaration et affirmation.
I    Cela constituerait, entre autres, une infraction aux deux premiers principes du Data Protection Act (First Schedule).

CITATION

First Principle
Personal data shall be processed fairly and lawfully.

Second Principle
Personal data shall be obtained only for any specified and lawful purpose, and shall not be further processed in any manner incompatible with that purpose.

FIN DE CITATION

II    D’autres questions se posent : se pourrait-il que le gouvernement, à travers les officiers des centres MNIC, ait :
(i)    expressément omis de mettre les demandeurs au courant de la déclaration et l’affirmation susmentionnées qui sont légalement tenues de figurer dans le formulaire de demande électronique ?
(ii)    agi de la sorte pour ne pas donner le choix aux citoyens à ne pas fournir leurs empreintes ?
(iii)    agi de la sorte pour couper court aux résistances qui se seraient soulevées si les citoyens apprenaient que leur consentement était requis pour fournir leurs empreintes ?
(iv)    agi de la sorte afin d’être en possession des empreintes de toute la nation et afin de pouvoir contrôler celle-ci d’une manière anti-démocratique ?

En tout cas, cette situation ravive les doutes et angoisses liés aux dangers de soumettre sa signature et autres données biométriques (e.g. photo) électroniquement et dans un formulaire électronique qu’on ne voit pas en entier et qui émane d’un système dont les détails du software n’ont pas été communiqués au grand public. Ainsi, le demandeur ne garde alors aucun contrôle sur les données biométriques soumises électroniquement. Par exemple, ce formulaire peut aussi être modifié à l’insu du demandeur en portant toujours sa signature ; sa signature peut être apposée contre une clause, contre son gré et à son insu ; sa photo peut être échangée pour une autre...

Pour conclure, il paraîtrait que :
1.    Le gouvernement soit en train d’utiliser les signatures des demandeurs pour signifier, à l’insu des demandeurs, le consentement de ces derniers quant à la prise et traitement de leurs empreintes.
Cela constituerait, entre autres, une infraction, de la part du gouvernement mauricien, aux deux premiers principes du Data Protection Act.
2.    Si au contraire le gouvernement agit de bonne foi, et que la déclaration et l’affirmation susmentionnées ne figurent pas dans le formulaire de demande électronique, le gouvernement commettrait une infraction à ses propres lois, en l’occurrence le National Identity Act, et les règlements y relatifs.

Finalement, il convient de souligner que le traitement des empreintes nécessite leur stockage dans la base de données du gouvernement pendant une durée maximum de 7 jours. Le gouvernement serait donc aussi en train de commettre un outrage à la cour en continuant à produire les cartes d’identité biométriques - et cela, que ce soit avec ou sans le consentement des demandeurs quant au traitement (et stockage) de leurs empreintes - car la Cour Suprême avait émis une injonction permanente contre le stockage des empreintes durant le procès Pravind Kumar Jugnauth v The State of Mauritius & Anor [2015] SCJ 178. Cet ordre de la Cour Suprême se lit comme suit : “We grant a permanent writ of injunction prohibiting the defendants from storing, or causing to be stored, as the case may be, any fingerprints or biometric information data obtained on the basis of the provisions in the National Identity Card Act and the Data Protection Act”. 

Par Mahentee Boolakee
Citoyenne de l’île Maurice par sa naissance

 

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