Le 18 mars prochain, cela fera deux ans que les premiers cas de la Covid-19 ont été enregistrés à Maurice. Quel bilan et quelles leçons tirer de cette pandémie ? Le point avec quelques professionnels de santé.
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Pour nos professionnels de santé, il ne fait pas de doute qu’il y a de nombreuses leçons à tirer de ces deux années, marquées par la Covid-19, que le pays a connues. « Maurice doit se préparer à faire face à n’importe quel autre virus, car à n’importe quel moment, tout peut arriver. Nous n’étions pas suffisamment préparés pour faire face à la Covid-19 et pas prêts psychologiquement », explique Bholanath Jeewuth, secrétaire de la Nurses Union (NU).
« Chaque gouvernement doit prendre les mesures qui s’imposent en cas de l’émergence d’une maladie grave, telle que la Covid-19 », ajoute le Dr Bhooshun Ramtohul, président de la Government Medical Consultant In Charge Association (GMCICA). Maurice doit se doter d’un hôpital pour le traitement des maladies infectieuses, font ressortir Ram Nowzadick, président de la Nursing Association (NA) et le Dr Vinesh Sewsurn, président de la Medical and Health Officers Association (MHOA).
Ce dernier est d’avis que la pandémie a été le « wake up call », afin que le pays trouve des stratégies pour faire face aux maladies infectieuses. À ce propos, il salue l’initiative d’avoir installé un laboratoire à l’aéroport SSR à Plaisance pour les tests PCR. Le pays a aussi besoin d’un centre dédié pour les maladies infectieuses, avec tous les équipements et les infrastructures pour les tests PCR et de séquençage, entre autres.
Tout en félicitant les autorités pour leur gestion de la pandémie à Maurice, le Dr Ramtohul fait ressortir qu’il y a eu des manquements qui ont coûté cher au pays. Il cite, en exemple, les produits achetés à travers l’Emergency Procurement et le retard pour placer des commandes pour l’achat de vaccins, tels que Pfizer. « Est-ce que c’était judicieux de faire l’acquisition de vaccins comme Sinopharm ? » se demande-t-il.
Pour Bholanath Jeewuth, c’est grâce à la bonne volonté des frontliners que le pays a pu faire face à la situation de la Covid-19. Cela, en dépit de la frayeur qui les animait au départ. Après deux ans, il est aussi d’avis que les choses ont bien évolué. Le pays dispose de plus d’équipements et de matériel qui permettent de mieux gérer la situation, dit-il. « À travers l’expérience acquise au bout de ces deux ans, les frontliners sont plus aptes à faire face à d’éventuelles vagues de la pandémie », avance-t-il. Selon lui, avec le taux d’individus vaccinés et le nombre de personnes déjà infectées, le pays est assez « protégé », à travers l’immunité collective.
Le président de la NA reconnaît, cependant, que le système de santé et la société n’étaient ni prêts ni armés pour faire face à un ennemi invisible qu’est le virus de la Covid-19. « Nous ne savions pas comment lutter contre le virus qui a provoqué une crise sanitaire, sociale et économique énorme », lance-t-il. Ajouté à cela, on n’était pas préparés à ce nouveau virus, après avoir maîtrisé celui de l’influenza AH1N1.
Parmi les leçons à tirer de cette pandémie, c’est une vigilance constante que le système de santé doit observer. Cela, afin de pouvoir faire face à l’émergence d’une éventuelle maladie infectieuse, souligne Bholanath Jeewuth.
Un avis que partage également Ram Nowzadick. Cela, afin de pouvoir prendre en charge la population, en termes de santé physique et mentale ainsi que de sa vie sociale. « Le pays doit se préparer à une crise sanitaire qui peut arriver à n’importe quel moment. Avec le changement climatique, il y a des virus qui n’attendent que le moment propice pour faire surface et Maurice ne sera pas épargné », indique-t-il.
Pour le Dr Sewsurn, les services des Covid-19 Testing Centres (Flu Clinics) devraient être décentralisés afin qu’il n’y ait pas de regroupement de patients dans ces lieux. Ce qui peut favoriser davantage la propagation d’un virus. Il insiste aussi pour l’établissement d’un protocole pour la prise en charge des malades. Cela va cependant demander la construction de nouvelles salles dans les hôpitaux, dit-il. Actuellement, les patients positifs à la Covid-19 sont transférés dans des salles existantes, qui sont converties en salles Covid.
Isabella Ponen : « Nous ne nous attendions pas à la perdre »
« C’est encore difficile pour nous de réaliser qu’elle n’est plus là. Elle prenait pourtant toutes les précautions nécessaires pour ne pas être infectée et nous donnait même des conseils », confie sa fille, Isabella Ponen. Sa maman Vedy Chinnarassen est décédée de la Covid-19, le 19 décembre dernier.
Depuis, la vie de ses quatre enfants n’est plus la même. « La vie n’est plus pareille sans elle. Nous ne nous attendions pas à la perdre dans de telles conditions », explique Isabella Ponen. Sa mère était malade et a été infectée sur son lieu de travail. Elle est tombée subitement malade et a commencé à se soigner à domicile. Mais en raison de la détérioration de son état quelques jours après, la famille a dû faire appel au SAMU qui l’a transportée à l’hôpital ENT. Après trois jours dans le coma, elle a poussé son dernier soupir, laissant ses proches dans une profonde tristesse.
« D’autres membres de la famille avaient été infectés. Nous pensions qu’elle allait s’en sortir elle aussi. Tel n’a pas été le cas malheureusement », regrette Isabella Ponen.
Claire Cheong : « Le temps n’effacera pas sa mémoire »
« La douleur est toujours vive, mais nous ne pouvons rien y faire, nous devons continuer à vivre. C’est ce qu’aurait préféré mon frère. Il n’aurait pas aimé qu’on se lamente sur notre sort ». C’est ce que déclare Claire Cheong, la sœur du regretté Dr Bruno Cheong. Même deux ans après son départ, ce qu’il a représenté pour les membres de sa famille est toujours vivant. « Nous ressentons son absence, particulièrement lors des rencontres familiales. Nous nous consolons entre nous. Ce qui est arrivé est arrivé. Nous ne pouvons rien y faire », lâche-t-elle. Le temps n’effacera pas sa mémoire, ajoute-t-elle. « Il restera toujours dans notre cœur », fait ressortir Claire Cheong.
Notre interlocutrice déplore, toutefois, que son frère s’en est allé à un moment où le pays avait le plus besoin de lui, de par ses compétences professionnelles en tant que spécialiste en médecine interne. Ajouté à cela, il était en bonne santé. Il a été infecté par le « patient zéro le 16 mars 2020 et est tombé malade peu de temps après. Admis à l’hôpital par la suite, il est décédé après plusieurs semaines d’hospitalisation, soit le 27 avril 2020.
« Nous gardons de lui le souvenir de quelqu’un qui était à l’écoute de ses patients qu’il souhaitait voir en bonne santé. Cela était primordial pour lui, tout comme sa famille était sa priorité ». Heureusement que la situation s’est améliorée avec la vaccination. La Covid-19 a modifié en profondeur la manière d’être de beaucoup de personnes. Entre « booster dose » et passe vaccinal, nous ne sommes pas tout à fait sortis de l’auberge. Beaucoup d’entre nous font dorénavant un discernement quant à notre priorité, en faisant plus attention à notre santé, notre famille et en n’accordant pas trop d’importance aux choses matérielles.
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