
L’enquête sur la mort de Soopramanien Kistnen, cinq ans après, sera relancée le mois prochain. Une décision « attendue » par la famille de l’ex-activiste et la population.
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Cinq ans après la découverte du corps de Soopramanien Kistnen dans un champ de canne à Telfair, l’émission « Au Cœur de l’Info » du lundi 13 octobre a été consacrée à un développement majeur : l’annonce de la réouverture de l’enquête le mois prochain, accompagnée d’un projet d’amendements législatifs visant à permettre l’intervention d’enquêteurs étrangers dans des dossiers sensibles. Sur le plateau, Patrick Hilbert avait réuni Roshan Kokil, ancien assistant surintendant de police, Ranjit Jokhoo, ex-inspecteur de police, ainsi que les avocats Sanjeev Teeluckdharry et Neelkanth Dulloo.
D’emblée, les invités ont salué une décision « attendue » par la famille et la population, tout en rappelant qu’un homicide ne se « ferme » jamais juridiquement. Selon eux, l’enquête peut et doit rebondir si de nouveaux éléments ou des manquements passés le justifient. L’ex-inspecteur Ranjit Jokhoo a souligné l’intérêt d’un regard externe, qu’il vienne du Royaume-Uni ou d’ailleurs, pour renforcer la chaîne d’investigation. Même prudence du côté de Roshan Kokil, favorable à une coopération technique internationale, mais qui insiste pour que le leadership opérationnel reste mauricien « afin de préserver l’appropriation institutionnelle et la crédibilité du processus ».
Le débat a rapidement porté sur les défaillances constatées lors de la phase initiale de l’enquête, notamment la préservation de la scène, la collecte et la traçabilité des scellés, l’exploitation des images Safe City, ainsi que la coordination entre autopsie, toxicologie et enquête. Plusieurs intervenants ont souligné qu’un glissement sémantique était survenu très tôt, passant de « suspected homicide » à « suicide » ou « no foul play », avant même que toutes les pièces médico-légales ne soient consolidées.
Sur le plan technique, les invités ont identifié trois leviers. D’abord, la ré-exploitation des pièces déjà versées – ADN, fibres, traces, résidus, appareils électroniques et données associées – dont l’analyse numérique récente pourrait révéler de nouvelles pistes jusque-là considérées comme closes. Ensuite, la ré-audition structurée des témoins, avec grille d’incohérences et vérifications croisées entre services, devrait permettre de réduire les contradictions. Enfin, la gouvernance de l’enquête : mise en place d’une équipe dédiée, attribution de tâches nominatives, revues hebdomadaires de l’avancement et communication claire face aux obstacles administratifs ou juridiques.
Pour Neelkanth Dulloo, l’enjeu dépasse le simple dossier : il s’agit de réaffirmer la capacité des institutions à faire triompher la vérité judiciair. De son côté, Sanjeev Teeluckdharry a souligné qu’il est désormais impératif d’agir. « Si les constats sont établis, il faut enclencher les suites, notamment sur l’homicide lui-même et, le cas échéant, sur les volets connexes », a-t-il dit.
Expertise étrangère
Tous ne considèrent pas l’intervention d’experts étrangers de la même manière. Roshan Kokil a mis en garde contre une « externalisation » de l’enquête : l’apport extérieur doit rester ciblé – forensique, imagerie, exploitation de données, chaîne de custodie – et transférable, afin de renforcer durablement les compétences locales. Ranjit Jokhoo a rappelé que les policiers mauriciens sont déjà formés à l’étranger et que l’échange de savoir-faire n’est pas nouveau ; la différence réside désormais dans la possibilité d’impliquer directement des spécialistes dans les actes d’enquête. « Cela nécessite un cadre légal précis et une gestion rigoureuse des conflits d’intérêts », a-t-il insisté.
L’émission a également souligné l’importance d’une méthodologie rigoureuse. Relancer une enquête cinq ans après implique de composer avec certaines limites : des traces peuvent avoir disparu, des témoins être à l’étranger ou décédés, et les souvenirs s’être altérés. D’où la nécessité d’un plan d’opérations précis, d’objectifs mesurables, d’un pilotage interservices (police judiciaire, FSL, IT forensics, DPP) et d’une communication claire et responsable avec le public et la famille.
Pour conclure, les invités ont replacé l’affaire Kistnen dans un contexte plus large, insistant sur la dignité des victimes, les droits de la défense, l’indépendance des investigations et la confiance entre citoyens et institutions. La réouverture annoncée impose une obligation de résultat procédural : non pas condamner à tout prix, mais conduire une enquête complète, rigoureuse et intelligible. « La vérité ne doit pas être une option, mais une exigence pour que la justice retrouve toute sa crédibilité », a déclaré Me Neelkanth Dulloo.

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