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Ashok Radhakissoon : «L’objectif des amendements à l’IBA Act est de pénaliser»

Selon Me Radhakissoon, c’est un subterfuge pour venir enlever la liberté d’expression.

L’avocat et ancien Chairman de l’Independent Broadcasting Authority (IBA) a sévèrement condamné les amendements proposés à l’IBA Act. C’était durant son intervention dans l’émission « Au cœur de l’info » le lundi 22 novembre 2021. 

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Ashok Radhakissoon s’est exprimé, sans langue de bois, sur l’Independent Broadcasting Authority (Amendment) Bill. « L’objectif de ces amendements est de pénaliser, pénaliser et pénaliser », a d’emblée indiqué l’avocat et ancien Chairman de l’IBA alors qu’il intervenait sur Radio Plus lundi dans l’émission « Au cœur de l’info » animée par Ruth Rajaysur et Patrick Hilbert. 

L’invité a été très critique. « Les pénalités proposées ne sont pas des moindres. Si une radio se retrouve à payer des amendes de Rs 500 000 en plusieurs occasions, elle n’aura plus d’argent. C’est donc très dangereux », a-t-il fait ressortir. 

Interrogé sur le timing du projet de loi, il dit tout simplement croire que « tout ce qui est bon politiquement pour le gouvernement est le right timing ». Il a fait ressortir que Maurice est plongé dans la crise liée à la pandémie de COVID-19 et que l’attention de l’opinion publique ne sera pas nécessairement braquée sur le débat autour de l’IBA (Amendment) Bill. 

Ashok Radhakissoon a ajouté qu’en tant que défenseur de la liberté d’expression et premier Chairman de l’IBA, il est attristé de voir la direction que prend cette cause. « Le droit d’opérer une radio et de diffuser est reconnu par la Constitution. Quand on touche à la liberté d’expression et au droit de diffuser, des droits pour lesquels beaucoup de personnes se sont battues, je ne pense pas que ce soit une question de timing. Il faut voir le pourquoi de cela », a-t-il expliqué. 

Droit d’expression

Il a plusieurs fois tenu à rappeler qu’une radio, à travers son propriétaire, a un droit d’expression à travers le médium qu’il a mis sur pied. « C’est cela sa liberté d’expression. Lorsque vous voyez le prix d’une licence d’une radio passer à Rs 800 000, qu’une licence qui se renouvelait tous les trois ans le sera désormais chaque année, sans compter que l’IBA peut venir avec des pénalités, je constate un paradoxe. En 2019, le gouvernement avait présenté des amendements à travers le Finance Bill afin d’augmenter l’actionnariat du privé et des investisseurs étrangers à 49,9 % afin d’attirer des capitaux. Voilà que plus tard la durée d’une licence se voit écourter. C’est un mauvais signal envoyé aux investisseurs potentiels », a-t-il souligné.

L’avocat fait ressortir qu’avec de tels amendements et pénalités, les propriétaires de radio seront constamment dans la peur. « Ils devront faire plus de vérifications et ils auront peur que leur licence leur soit enlevée », a-t-il poursuivi. 

Autre élément qu’il a sévèrement critiqué : le fait qu’à travers une simple loi, le gouvernement touche à la liberté constitutionnelle. Selon lui, lorsqu’on vient faire des changements qui viennent toucher à la Constitution, il faut qu’un gouvernement obtienne trois quarts ou deux tiers des votes à l’Assemblée nationale. « C’est donc un subterfuge pour venir enlever la liberté d’expression à travers une simple loi. Ce sont les radios qui seront pénalisées car elles sentiront qu’elles ne pourront plus opérer. Au bout du compte, elles seront contraintes de déposer le bilan, exception faite de celles qui sont des ‘chosen ones’ », a-t-il déclaré. 

Pénalités administratives 

Ashok Radhakissoon s’est ensuite exprimé sur la création de l’Independent Broadcasting Review Panel, dont le Chairman devra être un avocat ayant au moins cinq années d’expérience. Il a mis en exergue le fait que lorsqu’une personne est nommée par le Premier ministre, elle doit lui être redevable. « Quand on est redevable envers un Premier ministre, l’institution qu’on préside passe au second plan. Je ne suis pas en train de dire que le Premier ministre ne doit pas faire de nominations. Mais lorsqu’il le fait, il faut que ce soit une personne capable de bien faire le travail », a-t-il nuancé. 

Il a ajouté que le régulateur doit réguler le secteur de l’audiovisuel, lequel, a-t-il soutenu, ne concerne pas seulement le Premier ministre et les membres du Board. « Ce secteur comprend aussi les opérateurs ainsi que les auditeurs. Quand on examine les amendements, il est clair et net que les objectifs sont d’imposer des pénalités administratives. C’est cela le morceau le plus critiquable de ce projet de loi », a expliqué Ashok Radhakissoon. 

Il est aussi d’avis qu’en imposant des pénalités à un opérateur, la qualité de la radio baissera. « Au final, ce sont les auditeurs qui en souffriront le plus. Ce texte de loi a été produit uniquement dans l’intention de verrouiller et d’écraser. C’est bien triste pour la démocratie », a-t-il affirmé. 

Autre point relevé par le légiste : les journalistes ne pourront plus assurer la protection de leurs sources. L’avocat rappelle que la protection des sources est primordiale dans un contexte où il n’y a pas de loi sur le droit à l’information. « Cette manœuvre est une atteinte au droit fondamental du journalisme. On est tout simplement en train de toucher à la pierre angulaire du journalisme », a-t-il dit. 

Projet de loi calqué sur la FIAMLA 

Après s’être longuement interrogé sur ce projet de loi, Ashok Radhakissoon dit être arrivé à la conclusion que les amendements à l’IBA Act ont été calqués sur la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA). « Comment peut-on prendre une loi spécifique destinée à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent pour l’appliquer au secteur de la diffusion ? Je ne sais pas qui a pu donner un tel conseil. Le broadcasting est régi par la Constitution », a-t-il détaillé. 

En somme, selon lui, ce projet de loi a été conçu pour faire peur. « C’est le directeur de l’IBA qui décidera si tel ou tel opérateur commet un crime financier et référera le cas à un tribunal », a-t-il dit. L’avocat estime qu’à travers ce Bill, l’IBA, régulateur de l’audiovisuel, a été « capturée par l’exécutif ». 

Ce qu’Ashok Radhakissoon déplore encore plus c’est le fait qu’une loi de cette importance ait été préparée sans consultation alors que le secteur comprend deux acteurs importants : l’opérateur lui-même et l’auditeur. « S’il y avait eu des consultations, on aurait déjà su qu’on ne peut aller de l’avant. Le régulateur ne joue pas son rôle », a-t-il avancé. 

L’ancien Chairman de l’IBA a lancé un appel pour que les députés fassent preuve de responsabilité lorsqu’ils seront appelés à voter pour ce projet de loi. « Il faut agir comme un député responsable. Je ne crois pas que leurs mandants seront d’accord avec une telle loi », a-t-il conclu.

  • LDMG

 

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