Interview

Arrestation arbitraire - Me Rouben Mooroongapillay : «Une arrestation doit être justifiée»

Dans un entretien au Défi Plus, Me Rouben Mooroongapillay aborde le sujet d’arrestation arbitraire. Pour l’avocat, lorsque la police embarque une personne, il ne faut pas qu’il y ait abus ou excès de zèle. Cet exercice doit se faire dans le respect et doit être justifié. Il avance que la Constitution mauricienne protège les droits fondamentaux d’une personne avant, pendant et après son arrestation.

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Quels sont les droits d’une personne avant et au moment de son arrestation ?
Je dirais que le moment le plus important pour la protection des droits d’une personne est manifestement au moment de son arrestation, à cause du caractère dérangeant, envahissant et intimidant de toute détention. La Constitution est claire : « Quiconque est arrêté ou détenu, doit être informé, dans une langue qu’il comprend, les motifs de son arrestation ou de sa détention. » Donc, le policier qui arrête une personne est tenu d’expliquer immédiatement à celle-ci pourquoi elle est arrêtée, l’informer de son droit au silence et son droit de consulter et d’être représenté par un avocat de son choix sans délai.

La police peut-elle refuser qu’une personne s’entretienne avec son avocat avant son arrestation et pendant son interrogatoire ? Pourquoi ?
Non. Le policier n’a pas le droit de refuser qu’une personne s’entretienne avec son homme de loi avant son arrestation, ni au cours de son interrogatoire, surtout s’il y a une demande en ce sens par le client.

Le client peut consulter son avocat à n’importe quel moment. Souvent, il y a abus ou la police refuse carrément qu’un suspect en détention ait accès à son avocat. Parfois, une note est même inscrite sur le Charge Sheet ou sur le tableau dans les centres de détention : « No Interview Allowed. » C’est illégal.

Mais défendre son client dans un poste de police n’est toujours pas facile. Les clients sont vulnérables, inquiets, nerveux, entre autres. Les enquêteurs sont parfois difficiles ou mêmes agressives. L’homme de loi est sur le territoire de la police, sujet à l’ordre du jour de la police. Il est souvent perçu comme un intrus qui perturbe le déroulement de l’enquête.

De facto, il est essentiel que les avocats qui travaillent dans cet environnement connaissent leur rôle et aient une bonne connaissance du droit et des procédures et possèdent les compétences nécessaires pour être efficaces. Il y a également toujours une tentative d’intimidation pour que l’avocat joue un rôle effacé. Le rôle de l’homme de loi est de protéger les intérêts de son client. Or, un « inactive lawyer renders more a disservice to the client than a service. »

« Ce qui se passe dans un poste de police pendant l’interrogatoire est plus important de ce qui se déroule lors d’une audience. »

S’il y a eu refus, à quelle autorité cette personne peut-elle recourir pour faire valoir ses droits ?
Il faut passer par la cour. Par exemple, dans le cas de Sanjeev Nunkoo, qui a été blanchi, en juillet 2015, aux assises pour le meurtre d’Hélène Lam Po Tang, on a dû avoir recours à l’intervention de l’autorité judiciaire, afin d’avoir accès au client.

Quelle est l’importance d’être assisté par un avocat à un poste de police ?
Même si les efforts de la défense sont habituellement concentrés sur le procès lui-même, en matière criminelle, je suis d’avis qu’en réalité, ce qui se passe dans un poste de police pendant l’interrogatoire est plus important de ce qui se déroule lors d’une audience et de ce qu’il résulterait.

Souvent, des prévenus parlent d’arrestation arbitraire. Que dit notre législation ?
On parle d’arrestation arbitraire quand la police va à l’encontre des droits fondamentaux garantis par la Constitution. La police a seulement le droit d’arrêter une personne qu’elle estime être en vue d’être traduit devant une cour de justice en exécution d’une ordonnance judiciaire ; ou la personne étant raisonnablement soupçonné d’avoir commis ou d’avoir été sur le point de commettre une infraction ; ou la personne étant raisonnablement soupçonnée d’être susceptible de commettre un attentat contre l’ordre public, entres autres.

Cette personne peut-elle contester son arrestation, si elle estime qu’elle est arbitraire ? Comment ?
Certainement. La personne peut contester son arrestation, si elle la juge arbitraire. Pendant la détention illégale de la personne, il est impératif que son avocat fasse une demande de l’intervention judiciaire pour sauvegarder les droits fondamentaux de son client. Il faut que le citoyen sache qu’un juge reste à tout moment au service de la justice. L’enquêteur sera sommé par le juge à la suite d’un Order of Habeas Corpus pour écouter ce que les parties concernées ont à dire. Le juge décidera après s’il faut donner à cette personne sa liberté ou pas. Par contre, dans des détentions et arrestations arbitraires jugées comme « motivées politiquement », l’approche est différente.

Comment éviter qu’il n’y ait une arrestation arbitraire ?
Toute arrestation doit être justifiée. Qu’il y ait une rééducation de la force policière pour qu’elle sache dans quelle situation elle peut se permettre d’arrêter une personne ou pas, qu’on arrête de tirer les ficelles d’en haut, comme disent les officiers qui ont reçu des ordres émanant d’échelons supérieurs. À cela, je réponds qu’il convient de savoir que dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées par les dispositions de la Constitution, le Commissaire de police n’est soumis à l’autorité ou au contrôle de nulle autre personne ou autorité.

En outre, il faut un changement des mentalités. Que chacun fasse son travail correctement, sans abus ou excès de zèle. Mais il faut le faire dans le respect de chacun.

 

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