Allégations de blanchiment d’argent et d’entente délictueuse : la FCC enquête sur plus de 100 compagnies dans l’affaire Ravatomanga

L’Acting Head of the Financial Crimes Investigation Division, Daniel Chung Yen, indique que des analyses financières sont en cours sur un ensemble de documents représentant quelque 10 000 pages. De plus, la Financial Crimes Commission (FCC) mène des enquêtes sur plus de 100 compagnies. Il s’exprimait, le jeudi 6 novembre 2025, devant le tribunal de Port-Louis, dans le cadre de la comparution de l’homme d’affaires malgache Maminiaina « Mamy » Ravatomanga. 

D’emblée, il a fait le point sur l’avancée de l’enquête menée par la FCC concernant le magnat malgache. Mamy Ravatomanga a été inculpé, jeudi, sous trois accusations provisoires : une pour entente délictueuse et deux autres pour blanchiment d’argent. Les délits reprochés auraient été commis les 14 et 24 octobre 2025.

L’Acting Head of the Financial Crimes Investigation Division a expliqué que l’homme d’affaires malgache a été placé en état d’arrestation le 24 octobre 2025. Ce n’est toutefois que le 5 novembre 2025 que la FCC a pu recueillir sa première déclaration, en raison de son état de santé.

Par ailleurs, il a révélé que la commission a déposé une demande pour un « Judge’s order » et un « disclosure order » afin d’obtenir des documents auprès de certaines institutions financières dans le cadre de cette affaire.

La FCC a également mis sur pied une équipe chargée d’analyser quelque 10 000 pages de documents. En parallèle, elle mène des investigations sur plus d’une centaine d’entreprises, parmi lesquelles des firmes privées, offshore, locales et internationales, impliquant plusieurs juridictions étrangères. Selon l’Acting Head of the Financial Crimes Investigation, il s’agit d’une enquête longue et complexe, mais qui progresse de manière soutenue.

Daniel Chung Yen a aussi indiqué que la FCC enquête en parallèle sur une affaire distincte de trafic d’influence. Il a ajouté que la commission a déjà entendu plusieurs témoins ainsi que des personnes considérées comme des « suspects » dans ce dossier. Ces déclarations de l’Acting Head of the Financial Crimes Investigation Division ont été faites lors de son interrogatoire par Me Atish Roopchand, avocat de la FCC.

Motion pour que les accusations provisoires soient rayées

Lors de l’audience de jeudi, Me Siddhartha Hawoldar a demandé que les accusations provisoires portées contre son client, Mamy Ravatomanga, soient rayées. Il a invoqué un abus de procédure, une arrestation illégale et l’absence de soupçon raisonnable. Il a soutenu que les droits de l’homme d’affaires ont été bafoués, en violation des articles 5(b) et 10(1) de la Constitution, le privant ainsi de sa liberté et de son droit à un procès équitable, d’autant plus que son client est un diplomate. 

L’avocat a également affirmé qu’il n’existe pas de « substantial evidence » pour maintenir les accusations provisoires contre le milliardaire malgache. Il a en outre remis en question la légitimité de l’Acting Director de la FCC, Tritudeo Sanjay Dawoodarry, ainsi que la compétence de la commission, qu’il accuse d’enquêter sur « son propre personnel », une situation qu’il qualifie de conflictuelle.

Me Siddhartha Hawoldar a, d’autre part, ajouté que cette affaire cause d’énormes préjudices à son client.

Les avocats de la FCC, Mes Atish Roopchand et Preesha Bissoonauthsing, ont objecté à cette motion. Les débats ont été fixés au 27 novembre 2025 par le magistrat Prashant Bissoon.

Il est à noter que Mamy Ravatomanga a aussi retenu les services de Mes Khushal Lobine et Nirakar Hawoldar. 

Ce qui est reproché à Mamy Ravatomanga

Mamy Ravatomanga, 56 ans, fait face à trois accusations provisoires devant le tribunal de Port-Louis, soit deux accusations de blanchiment d’argent et une d’entente délictueuse.

Selon la première et la deuxième accusation, ce directeur de compagnie, résidant actuellement à Belle Vue Harel, est soupçonné d’avoir été en possession de Rs 6 456 055 996,29 et de Rs 858 489 298,21 respectivement dans diverses institutions bancaires. Ces sommes proviendraient d’activités illicites. Les délits auraient été commis le 24 octobre 2025 sur le territoire mauricien.

Quant à la troisième accusation, il est reproché à Mamy Ravatomanga d’avoir conclu un accord avec David Jean Christian, Nasser Osman Beekhy et Me Junaid Haroon Fakim, ancien commissaire de la FCC, en vue de commettre un délit de trafic d’influence dans le cadre d’une enquête actuellement menée par la commission.

L’état de santé du milliardaire fait débat

Le milliardaire fait face à des accusations provisoires et la question de savoir s’il serait reconduit en cellule policière ou transféré à la clinique Premium Care à Phœnix s’est posée. Le jeudi 6 novembre, le magistrat Prashant Bissoon a tranché après avoir entendu le médecin traitant de l’homme d’affaires malgache, le Dr Mamode Aniffkhan Yearoo, cardiologue. Il a ordonné que Mamy Ravatomanga soit placé en détention provisoire dans une cellule policière, tout en précisant qu’il devra bénéficier d’une assistance médicale en cas de malaise.

Cette décision intervient après que Me Atish Roopchand a attiré l’attention de la cour sur le fait que l’homme d’affaires se trouve désormais sous contrôle judiciaire.

Lors de l’audience, Me Siddhartha Hawoldar a insisté sur l’état de santé de son client, mentionnant une lettre du médecin traitant remise à la FCC détaillant la situation médicale de Mamy Ravatomanga. Pour Me Roopchand, toutefois, cette correspondance concerne uniquement l’enquête en cours, et c’est à la cour de trancher sur cette question.

L’avocat de la défense a également précisé que son client est admis dans une clinique privée « on his own cost » et que la Cour « has to protect the welfare of a suspect ». Il a ajouté que toutes les dispositions nécessaires seront prises pour que son client puisse être traduit devant l’instance.

Ce jeudi, Mamy Ravatomanga a été transporté en ambulance, accompagné du personnel médical et escorté par des membres de la Special Response Unit, de la Special Supporting Unit, ainsi que des officiers de la FCC, dans le cadre de sa présentation en cour pour inculpation provisoire. Un dispositif de sécurité renforcé a été mis en place pour sa comparution, avec la présence de policiers en uniforme et en civil.

Vers 13 h 45, la Cour a ordonné que le Dr Yearoo soit convoqué afin d’éclairer le magistrat sur l’état de santé du milliardaire. Le Dr Ahmud Soreefan, consultant cardiologue à l’hôpital Victoria, était également présent en cour au nom de la FCC.
À 14 h 42, le Dr Yearoo s’est présenté. Appelé à la barre, il a expliqué qu’il suit Mamy Ravatomanga depuis 15 ans et que ce dernier souffre de « spastic angina pectoris », une maladie pour laquelle il est sous traitement. Selon le cardiologue, son patient a besoin de repos et doit éviter tout stress, faute de quoi il risque une crise cardiaque potentiellement fatale.

Le médecin a précisé que l’état de santé de Mamy Ravatomanga « is not completely stabilized and needs further investigation. He may face a surgical intervention ». Il a ajouté que le patient a été examiné par sept médecins de l’État, dont les diagnostics concordent avec le sien.