
Coiffeur de métier, il a cette fois coupé l’herbe sous les pieds des géants que sont le MMM et le PTr dans leur bastion, en les battant à la surprise générale au Ward 8 de Port-Louis. Ajay Teerbhoohan peine encore à y croire. Nous l’avons rencontré chez lui.
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Il ne paie pas de mine. D’abord, la communication et lui ne font pas bon ménage, car il se braque à la moindre de nos questions. Pourtant, Ajay, le coiffeur de Vallée-des-Prêtres, a fait courber l’échine à l’Alliance du Changement en sortant en tête de liste au Ward 8 de la capitale.
Il faisait nuit, presque 20 h 30. Comme il ne répondait pas à nos appels depuis mardi, on décide jeudi de nous inviter chez lui dans une ruelle au fin fond de Vallée-des-Prêtres. Tout le monde le connaît dans le quartier, mais une chose saute aux yeux : « Li enn konseye ki kasiett, li pa kontan piblisite ek lapres », nous dit un homme tout sourire. Et il nous indique où nous diriger.
Sans le 4x4 du bureau, impossible de grimper, tellement l’impasse est sinueuse, serrée et impraticable. On y arrive quand même. « Bonswar madam, nounn koze plizir fwa. Eski ou mari lamem, nou bizin li zis pou de trwa minit ». Sa réponse : « Li pa la, me mo kapav appel li, rantre, asiz dan salon ».
Et Neelam, de son vrai nom Jaya Pradha, appelle son mari : « Ajay, ena sa zournalis ki pe rod twa depi de trwa zour-la, vini, linn deranze ». Puis la gentille dame nous demande d’attendre, car son mari Ajay « pe vini la ».
Le porte-à-porte qui paie
Effectivement, on voit un gars, bien bâti, tatoué, barbu, portant un short stylé et un t-shirt assorti, qui débarque. « Sori, mo pena labitid koz ek lapres, mo gagn ekstra stress parski mo pa ti atann sa levennman-la, mo pankor krwar ki monn sorti an tet. Pou eli mo ti kone mo ti pou eli, parski bann kliyan, bann abitan konn mwa, me selma sorti an tet, zame, kas piso zame mo ti pou krwar », dit Ajay, timidement.
Il estime que sa stratégie a porté ses fruits : « On était quatre candidats indépendants. Quand je faisais du porte-à-porte, ils venaient avec moi, et j’allais aussi avec eux quand c’était leur tour. Cette méthode a marché, d’autant plus que je suis bien connu dans le quartier : beaucoup d’électeurs sont mes clients. »
Cet homme de 43 ans a fréquenté l’école primaire de Chitrakoot et le collège DAV, tout près du Champ de Mars. « Je ne suis pas un intellectuel. Je bosse dur pour ma famille. J’ai mon épouse, ma fille et ma maman et mes clients. Je mène une vie simple, mais j’aime le confort chez moi. À mes heures perdues, j’aime bricoler et créer », nous dit Ajay.
Voilà un homme venu de nulle part, mais apprécié dans localité, qui parvient à créer une brèche — aussi mince soit-elle — dans un bastion qui, il y a à peine six mois, rejetait encore le MSM et ses alliés aux législatives.
Artiste et bricoleur à ses heures
Ajay, c’est aussi un McGyver. Chez lui, chaque objet, chaque coin, respire la créativité. Il transforme de simples palettes en meubles uniques : canapés, meuble télé, structures murales... Et surtout, ce mur entièrement peint au pistolet dans un décor si trompeur qu’on croirait du papier peint. Le tout fait à la main, avec minutie.
En phase de finition : un bar, toujours à base de matériaux de récupération, avec luminaires encastrés et stools en bois de palette. Une œuvre en devenir.
Et cette passion pour le bricolage, d’où lui vient-elle ?
« Monn aste bann lekipman pou reysi mo pasion : fer tou par momem. Le parquet, les murs travaillés de façon artistique… Je me laisse guider. Il faut avoir de la créativité, de la patience et surtout de l’amour pour ce qu’on fait »
Chez Ajay, chaque recoin reflète son esprit créatif et une humilité palpable. Un homme simple, passionné, qui laisse une empreinte là où il passe.
Le passionné
Depuis plus de 20 ans, Ajay s’occupe de la coiffure des habitants de son quartier… et pas seulement. Coiffeur de métier, il est une figure bien connue à Vallée-des-Prêtres. Mais comment a-t-il choisi cette voie ? Il nous raconte : « Kan mo ti adolesan, mo papa ti dir mwa al fer apranti kwafer kot so kwafer pou li ki ti pe bizin led. Mo pa ti kapav dir non sinon… »
Une entrée dans le métier un peu forcée, mais qui, de fil en aiguille, s’est transformée en vocation. Avec le temps, Ajay s’est mis à son compte en ouvrant son salon. Avenant, discret, toujours poli, il se bâtit rapidement une clientèle fidèle.
La particularité de son salon, A. J. Air Cut, c’est qu’il ouvre tous les jours – sauf le mardi – et reste accessible jusqu’à minuit si besoin. « Mo enn pasione, mo pa enn dimounn ki galoup deryer kas. »
Un homme disponible, passionné, et qui ne compte pas ses heures.

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