La demande du Commissaire de Police de recourir à une révision judiciaire dans l’affaire Betamax a été rejetée le mercredi 25 avril. La Cour suprême a conclu que le communiqué émis par le DPP, justifiant sa décision de ne pas initier de poursuites contre certains protagonistes, bien qu’atypique, n’est pas entaché d’irrégularités.
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Le Commissaire de Police (CP) avait saisi la Cour suprême pour demander une révision judiciaire de la décision du Directeur des poursuites publiques (DPP) de prononcer un non-lieu en faveur des personnes inculpées provisoirement dans l’affaire Betamax (voir hors-texte).
Le CP avait sollicité l’avis légal du DPP sur le dossier Betamax, le 16 novembre 2015, à la suite d’une enquête policière sur des allégations de délits de faux, d’entente délictueuse et de corruption. Cette enquête avait démarré après réception d’une lettre, datée du 12 février 2015, du secrétaire permanent du ministère de l’Industrie et du Commerce. Par la suite, ce dernier a fait plusieurs dépositions dans cette affaire.
Communiqué du DPP
L’enquête portait sur l’octroi d’un contrat de Rs 10 milliards à la compagnie Betamax pour le transport de produits pétroliers entre l’Inde et Maurice, sans l’aval du Central Procurement Board (CPB). Le DPP a décidé de ne pas initier de poursuites au pénal contre ces personnes en vertu des pouvoirs qu’il dispose sous l’article 72 de la Constitution et avait émis un communiqué, le 23 novembre 2016, pour expliquer sa décision.
Or, le CP s’est dit lésé par la publication de ce communiqué, n’ayant pas été dûment avisé par le biais d’un Police Form 100. Ce dernier estime que cela constitue une atteinte à son autorité et une entrave au fonctionnement du système de justice pénale et une « irrégularité procédurale ».
Le CP soutient que ce n’est que le 21 février 2017 que le DPP lui a envoyé le dossier avec une note du procès-verbal, faisant état de sa décision ne pas enclencher des poursuites contre les personnes arrêtées dans l’affaire Betamax.
Les juges Abdurrafeek Hamuth et Prithviraj Fekna ont reconnu que le DPP avait eu recours à un moyen atypique, en émettant un communiqué. Toutefois, ils n’ont pas trouvé une quelconque irrégularité justifiant un recours à une révision judiciaire.
Délai statutaire
Dans un premier temps, les deux juges ont rejeté l’objection soulevée par le DPP selon laquelle la demande de recourir à une révision judiciaire a été déposée en dehors du délai statutaire de trois mois. Le CP s’était défendu en disant que ce retard s’explique par le fait que le DPP ne lui a pas communiqué le dossier à temps, afin qu’il prépare sa demande de révision judiciaire avec diligence.
La Cour suprême a rejeté l’objection du DPP, précisant que ce dernier avait un devoir de communiquer le dossier. « Il was not for the applicant (CP) to go chasing the respondent for its own police file to be returned to it », ont souligné les juges.
Transparence
Le CP avance que le non-lieu émis par le DPP en faveur des six personnes arrêtées est le fruit d’une décision motivée par des considérations non pertinentes. Les deux juges ont rejeté cet argument, estimant que, ce qui compte, c’est que la décision du DPP soit transparente et clairement expliquée.
« Any right-thinking citizen cannot claim to have his confidence in the criminal justice system undermined as long as the decision not to prosecute was fully justified, in view of the interests at stake and the personalities involved in this case, the publication of the decision of the respondent by way of a communiqué may have achieved more good in the public eye », peut-on lire dans le jugement.
Compléments d’enquête
Le CP avait soutenu que le DPP aurait dû lui renvoyer le dossier, si l’investigation policière comportait des lacunes afin que des compléments d’enquête soient menés. Les juges ont trouvé que cet argument ne peut tenir la route, vu qu’il existe des preuves que le DPP avait réclamé des compléments d’enquête aux policiers responsables du dossier.
En outre, les juges affirment que les échanges entre le DPP et le CP pour des compléments d’enquête ne peuvent se poursuivre indéfiniment. Ils estiment que cet exercice doit prendre fin à un certain moment pour qu’une décision finale soit prise sur la base des éléments contenus dans le dossier de la police.
Appel déguisé
Une distinction a également été faite entre un appel et une demande de révision judiciaire. Les juges ont conclu que la démarche du CP s’apparente plus à un appel déguisé qu’à une demande de recours à une révision judiciaire. Ils précisent que la révision judiciaire sert à examiner la légalité d’une décision administrative. Et d’ajouter que cette procédure ne peut, en aucun cas, être assimilée à un appel.
Me Satyajit Boolell : « Nous accueillons cette décision favorablement »
Sollicité pour une réaction, le Directeur des poursuites publiques souligne que le DPP « est redevable devant une cour de justice en ce qui concerne une décision prise par son bureau ». Pour le DPP, « n’importe qui peut recourir à la cour pour une révision judiciaire concernant une décision prise par mon bureau ». Il soutient qu’une décision du DPP n’est pas arbitraire.
« Nous accueillons favorablement cette décision et sommes toujours prêts à défendre des décisions qu’on a prises. Comme c’est le cas dans l’affaire Betamax », maintient le DPP. Et de préciser : « Notre système de justice nous fait toujours honneur. À Maurice, il existe un système démocratique, où il y a la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le judiciaire et le législatif. »
Les protagonistes
Six personnes avaient été arrêtées dans l’affaire Betamax. Il s’agit de Navin Ramgoolam, l’ex-Premier ministre, d’Anil Bachoo, l’ancien ministre des Infrastructures publiques et du Transport, de Veekram Bhunjun, directeur de Betamax Ltd, de Reshad Hosany, l’ex-secrétaire permanent, de Ranjit Singh Soomarooah, l’ancien directeur général de la State Trading Corporation et de Kalindee Bhanji, ancienne secrétaire permanente au ministère du Business, des Entreprises et des Coopératives.
L’inspecteur Shiva Coothen : « On décidera de la voie à suivre après connaissance du jugement »
L’inspecteur Shiva Coothen, responsable de communication des Casernes centrales, a indiqué que l’état-major de la police déciderait de la voie à suivre après qu’on aura pris connaissance du contenu du jugement des juges Abdurrafeek Hamuth et Prithviraj Fekna. « On n’est pas en présence du jugement. On décidera de la voie à suivre par la suite. »
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