
L’ancien CEO de la MIC et l’ex-Gouverneur de la BoM ont fait des allégations contre Renganaden Padayachy dans l’affaire de malversation de Rs 300 millions en faveur des hôtels Apavou. L’éthique d’Harvesh Seegolam et de Jitendra Bissessur suscite des interrogations, étant donné qu’aucune preuve n’a été apportée quant à des pressions subies lorsqu’ils étaient en fonction.
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L’ex-ministre des Finances, Renganaden Padayachy, est incarcéré depuis quelques jours au Moka Detention Centre, en lien avec son implication présumée dans l’affaire des Rs 2,4 milliards de la Mauritius Investment Corporation (MIC) pour l’achat de l’hôtel Ambre d’EastCoast Hotel Investment Ltd, également connue sous le nom d’Apavou Deal. Toujours lié à cette affaire, l’avocat d’Harvesh Seegolam, Roshi Bhadain, avait déclaré la semaine dernière que son client a fourni des preuves aux enquêteurs de la Financial Crimes Commission (FCC) sur l’implication de Renganaden Padayachy. Selon un article publié par Le Défi Quotidien à ce propos, Harvesh Seegolam aurait déclaré aux enquêteurs que « Padayachy ti propoz mwa Rs 5 milyon pou aprouv sa deal Rs 2,4 milyar-la ».
Dès lors, plusieurs questions subsistent. Pour Sudhir Seesungkur, ancien ministre des Services financiers, le mode de fonctionnement des institutions peut laisser croire que les dirigeants du pays avaient placé des tentacules dans des institutions clés. « Ces derniers n’ont pas d’éthique professionnelle. Parmi ceux qui ont été convoqués par la FCC dans cette affaire, il y a un ancien président de la Financial Services Commission (FSC) et l’autre était CEO de cette même institution. C’est au sein de cette institution que des liens ont été créés. Ils étaient déjà proches de celui qui a occupé le poste de Premier ministre par la suite. On peut mettre en doute leur intégrité ».
Pression discutable
Des pressions ont-elles été exercées sur Harvesh Seegolam par Renganaden Padayachy ? Sudhir Seesungkur soutient qu’il est difficile à croire que l’ancien Gouverneur de la Banque de Maurice ait agi sous une simple pression. « Je ne pense pas qu’Harvesh Seegolam soit le seul qui aurait pu prendre les décisions. On peut se demander si c’est le montant de Rs 5 millions qu’Harvesh Seegolam allègue que Renganaden Padayachy lui a proposé dans cette affaire qui lui a fait refuser de donner son approbation. Est-ce qu’il a estimé que ce montant est insuffisant ? », poursuit l’ancien ministre des Services financiers. L’ex-ministre des Finances n’a pas le droit d’appeler un Gouverneur pour lui mettre la pression, ajoute-t-il.
L’avocat Penny Hack explique que si la pression mise par un ministre des Finances sur un Gouverneur de la Banque de Maurice devient trop forte, ce dernier doit se tourner vers la police. Il ajoute que c’est une offense, car c’est illégal de mettre la pression sur un Gouverneur. Or, déplore l’avocat, « Harvesh Seegolam n’avait rien fait. Idem pour le CEO de la MIC. Cette logique d’avoir reçu des pressions n’a pas de sens. L’acte illégal est aujourd’hui accompli et celui ou ceux qui ont participé deviennent des complices. Le problème aujourd’hui est qu’on ne sait plus où se trouve la vérité ou le mensonge ».
Indépendance
Le Fonds Monétaire International (FMI) a toujours mis l’emphase sur l’indépendance d’une Banque centrale. Il fut un temps où les banques centrales à travers le monde étaient rattachées au ministère des Finances. Cela avait provoqué une gestion confuse entre la politique fiscale et la politique monétaire, ce qui n’était pas sain pour gérer l’économie d’un pays. D’où l’insistance du FMI pour que les banques centrales opèrent en étant indépendantes.
Sudhir Seesungkur explique que techniquement, le ministre des Finances n’est pas censé donner des instructions au Gouverneur de la Banque de Maurice. Ce dernier ne doit pas non plus accepter si c’est le cas. Cependant, fait-il observer, le fait que l’ex-ministre des Finances ait placé ses pions au sein de certaines institutions, les personnes concernées se sont senties redevables envers Renganaden Padayachy.
« Le CEO d’une institution a la responsabilité primaire de l’intérêt de celle-ci. C’est tout le système de gouvernance à tous les niveaux qu’il faut mettre en cause. Cela témoigne du “State capture” sous l’ancien régime. Il faut que la Banque de Maurice fonctionne de manière indépendante. Son Gouverneur doit prendre les décisions de manière indépendante, dans l’intérêt de l’institution et du pays. Aucune décision qui pourrait éclabousser l’image de la Banque centrale ne doit être prise », argumente Sudhir Seesungkur.
La Bank of Mauritius Act 2004 indique que « the Bank shall, in the pursuit of its objects, perform its functions independently ». Selon Me Penny Hack, il y a d’autres lois générales pour un Gouverneur de la Banque centrale, qui ne doit pas, par exemple, agir avec négligence. La Bank of Mauritius Act 2004 mentionne également que le Gouverneur est le principal représentant de la Banque et est responsable de l’exécution de la politique du Conseil et de la supervision générale de la Banque. Dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées par la présente loi, le Gouverneur est responsable devant le Conseil. Or, Penny Hack estime que si la fidélité de l’ancien Gouverneur de la Banque de Maurice est ailleurs, ce sera compliqué. « Il faudrait analyser le comportement d’Harvesh Seegolam dans ses anciens postes », avance l’avocat.

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