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Activités en plein air : la sécurité remise en question 

Le décès d’Akhilesh Gopalsing, 29 ans, après une chute d’une tyrolienne dans un parc d’aventure remet sur le tapis la question sur les dispositifs pris pour assurer la sécurité des participants. La sécurité est-elle vraiment de mise ou y a-t-il des lacunes ? 

Certaines activités en plein air semblent davantage rimer avec danger qu’avec sécurité. C’est en tout cas la perception de plus en plus grandissante avec les accidents répertoriés au fil des ans. En août 2016, une Sud-Africaine et une Française avaient dû subir des interventions chirurgicales après avoir été blessées alors qu’elles pratiquaient de la tyrolienne dans un parc d’aventure dans l’Ouest de Maurice. 
En février 2020, une touriste allemande en séjour sur l’île avait fini les jambes fracturées après s’être essayé à la tyrolienne dans un centre d’attractions. Voilà qu’un an plus tard, le pire se produit. Un homme perd la vie. Le samedi 13 février 2021, Akhilesh Gopalsing, qui était âgé de 29 ans, décède après une chute de tyrolienne au Domaine de Chazal à Chamouny. Selon les premiers éléments recueillis, un câble se serait rompu. 

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Securite en questionsLa sécurité est-elle vraiment de mise ou y a-t-il des lacunes ? Des professionnels du secteur ont accepté de livrer leurs points de vue.

Shayaan* (prénom modifié), âgé d’une quarantaine d’années, propose des activités à sensations fortes en plein air depuis plusieurs années déjà. Ce professionnel évoluant dans le domaine de l’écotourisme tient d’emblée à faire ressortir que dans la nature, le risque zéro d’accidents n’existe pas. 

En revanche, il soutient qu’il y va de la responsabilité de l’opérateur offrant ce type de services de prendre des dispositions pour veiller à la sécurité des participants. Il précise que ces derniers doivent, en contrepartie, suivre les consignes de sécurité qui leur sont expliquées afin de l’expérience se déroule sans encombre. 

Ce qui l’inquiète surtout, c’est la prolifération des opérateurs « novices » dans le secteur. Il prend l’exemple des guides qui, après avoir travaillé avec des professionnels, décident, après deux ou trois ans, de fonder leur propre entreprise d’activités en plein air. « Je trouve cela aberrant. Nous, en tant que professionnels, suivons des formations en continu pour offrir des attractions dans les conditions les plus sécuritaires qui soient à nos clients. » 

Sans compter, dit-il, les investissements continuels dans les équipements répondant aux normes internationales. Shayaan souligne qu’a contrario, ces guides non-qualifiés opèrent avec les moyens du bord. « Ils ne s’assurent donc pas de réduire les risques sur les sites où se déroulent leurs activités. Prenons le cas d’un guide ayant un ou deux ans d’expérience et qui travaille à son compte qui décide de proposer la descente en tyrolienne à des touristes après une randonnée en montagne. On ne saura jamais si ses équipements sont aux normes requises et que tout est en règle », déplore-t-il. 

Ce qu’il a malheureusement constaté à ce niveau-là c’est qu’il n’y a pas encore de règlements en la matière à Maurice. Shayaan émet aussi des réserves sur les compétences de l’instance régulière chargée de délivrer les licences d’écotourisme aux opérateurs proposant des activités en plein air et surtout celles à sensations fortes. 

Aucun permis émis depuis 2017 

Après le terrible accident de Chamouny où il y a eu mort d’homme, la Tourism Authority a suspendu le permis du Domaine de Chazal jusqu’à nouvel ordre. Le directeur de l’organisme régulateur, Lindsay Morvan, qui est en mission à Rodrigues, a été sollicité pour des explications. Il confirme que c’est la Tourism Authority qui agit comme le Regulating Body pour délivrer des licences d’écotourisme aux demandeurs évoluant dans ce domaine. 

Fermeture temporaire du Domaine de Chazal 

Le Défi-Plus a contacté la direction du Domaine de Chazal à plusieurs reprises. Nous l’avons interrogée sur la fréquence de l’entretien des câbles et les protocoles de sécurité dont dispose le site où 6 Ziplines sur 1,5 km sont proposées aux participants. Mais à l’heure où nous mettions sous presse, son département de communication ne nous avait pas encore fourni de réponses. Toutefois, dans un communiqué émis le lundi 15 février 2021, le Domaine de Chazal avait indiqué :  « …Pour information, la direction a enclenché le protocole de secours dès le moment du drame jusqu’à l’arrivée du SAMU. Elle souhaite préciser qu’elle fera tout son possible afin de faire la lumière sur ce drame. D’ailleurs, une enquête a déjà été initiée par les autorités avec lesquelles la direction s’est engagée à collaborer pleinement et en toute transparence. Vu les circonstances, nous avons donc décidé de fermer temporairement le domaine jusqu’à ce que l’enquête soit bouclée… » 

Dans le même communiqué, elle indique qu’Incentive Partners Ltd est une entreprise spécialisée dans l’événementiel et des activités extérieures depuis plus de 15 ans. Elle soutient que c’est la première fois qu’un accident de cette nature se produit et que « tout le matériel technique est régulièrement vérifié selon un cahier des charges bien établi et qui a tout le temps opéré selon des normes strictes de sécurité ». 

Il a fait ressortir que la dernière licence d’écotourisme a été émise par la Tourism Authority en 2017. « Aucun autre permis n’a été émis depuis », a-t-il insisté. Car selon lui, « le panel constitué de professionnels chargés de se pencher sur les demandes travaillent sur de nouveaux règlements que le ministère du Tourisme transmettra au State Law Office. Ceux-ci devront être respectés à la lettre par les détenteurs de permis d’écotourisme ». 

Mais en temps normal, dit-il, tout demandeur d’une licence d’écotourisme doit soumettre tous les documents attestant du type d’activité qu’il entend proposer et certifiant que ses équipements répondent toutes aux normes de sécurité imposées par la Tourism Authority. « Notre équipe technique, composée de nos officiers, de consultants dans ce domaine spécifique et d’ingénieurs, entre autres, fait une vérification des sites, des activités, du matériel, etc. » 

Lindsay Morvan a souligné que cette unité rédige ensuite un rapport qu’elle remet à un comité de la Tourism Authority. « Celui-ci, après avoir évalué le dossier et étudié les recommandations de l’équipe technique, délivre le permis d’écotourisme au demandeur. »  

Mais cela ne s’arrête pas là, selon lui. Il ajoute qu’un suivi est fait auprès des opérateurs au niveau de la réduction des risques. Dans ce cas, comment expliquer le drame qui s’est produit au Domaine de Chazal ? Lindsay Morvan soutient que parallèlement à l’enquête policière, la Tourism Authority en a ouvert une à son niveau. « Nous convoquerons le directeur et le personnel du parc afin qu’ils s’expliquent », conclut-il. 
Afin de savoir comment ce parc d’attraction de renom, qui aurait aussi enregistré des accidents pour certaines de ses activités, gère la réduction des risques, Le Défi-Plus  a contacté sa direction. 

La direction du Domaine de Chazal nous a fait comprendre qu’elle ne souhaitait pas se prononcer sur la question (voir encadré). Elle s’est contentée de dire : « Nous suivons rigoureusement une série de mesures et de protocoles de sécurité très strictes pour nos différentes activités. » Nous n’en saurons pas plus, du moins pour l’instant, en attendant que les enquêtes en cours soient bouclées.

En 2016, un homme de 18 ans meurt noyé au Domaine de Chazal 

Un retour dans le passé démontre tristement que le décès d’Akhilesh Gopalsing le 13 février 2021 n’est pas le seul à avoir été répertorié au Domaine de Chazal à Chamouny. En août 2016, Shyamal Sewraj, un étudiant de 18 ans qui était originaire de Phoenix, meurt noyé lors d’une randonnée. Il était en compagnie de proches et d’amis. Le jeune homme s’était rendu au Domaine de Chazal pour une journée d’activités, comprenant escalade, tyrolienne et promenade en pleine nature. Le drame avait eu lieu peu avant 14 heures lorsque le jeune homme avait décidé de faire quelques brasses dans un bassin. 
Mais il s’était retrouvé en difficulté. Ses proches avaient tenté de lui porter secours, en vain. La police de Chemin-Grenier avait alors fait appel au Groupement d’intervention de la police mauricienne pour retrouver le jeune homme. Au bout d’une heure de recherches, le cadavre, qui se trouvait à une profondeur de quatre mètres, avait été retiré de l’eau.

 


Krish Hardowar, directeur de Vertical World : « La clé du bon déroulement d’une activité est l’instructeur principal » 

Krish Hardowar

Krish Hardowar est catégorique : les prestataires d’activités en plein air doivent tout faire pour minimiser les risques d’accidents. S’il intervient, c’est en sa qualité de directeur de Vertical World Ltd, société qui organise des activités en plein air. Il détient aussi un brevet en Wilderness Paramedical de la National Outdoor Leadership School des États-Unis. 

En général, comment procédez-vous pour identifier les sites où vous souhaitez offrir vos activités en plein air ? 
La sécurité est notre préoccupation majeure. Nos activités sont donc conçues en tenant compte de l’expérience du site utilisé et de la gestion de la sécurité des participants. Il faut d’abord comprendre pourquoi le client entreprendra une activité. 

Les clients ont des besoins et des attentes différents. Les plus courants sont le goût de l’aventure, la quête de frissons, l’envie d’être dans la nature, le souhait de faire quelque chose d’effrayant ou de ressentir le sentiment du danger. 

Quid de la réduction des risques en pleine nature ? 
C’est impossible d’éliminer complètement tous les éléments de risque lors d’une activité en plein air. Mais nous faisons tout pour les minimiser autant que possible. En revanche, toute la sécurité des participants dépend des qualifications de l’entreprise, de l’organisateur des événements et de ses formateurs. 

Où les ont-ils obtenues et sont-elles réelles ? Ou encore l’établissement de formation qu’ils ont fréquenté est-il reconnu et si oui, par qui ? Par quel Etat, par quel pays ou par quel organisme professionnel ? Ont-ils une scolarité et une formation formelles dans l’industrie de l’aventure en plein air ? 
La clé de la sécurité et du bon déroulement de toute activité est le chef de voyage, c’est-à-dire l’instructeur principal. C’est lui qui déterminera l’expérience du participant et assurera sa sécurité sur le site. D’ailleurs, rien ne remplace une expérience variée. C’est ce qui contribuera à faire des appels de bon jugement. 

Nous appelons cela un leadership efficace dans les activités de plein air. Plusieurs pays ont leurs systèmes et exigences en matière de formation des instructeurs. Il faut des années avant de devenir instructeur ou leader d’aventure. 

Pour ce qui est de l’évaluation des risques, chaque activité doit en faire l’objet. Cet exercice déterminera les précautions à prendre. 

Comment a été fait l’entretien ? À Maurice, il n’y a pas encore de réglementation qui définit cela."

Quelles sont les mesures de sécurité appliquées à partir de là ? 
Tout dépend de l’activité choisie. Il y a, par exemple, le type et le contenu de la trousse de premiers soins. Ou encore la météo et son impact sur l’activité, de même que le type de participants (niveau physique, enfant, jeune, personne âgée, etc.). Il y a aussi le matériel, tel que les cordes, les baudriers, les harnais et les équipements d’urgence, entre autres. 

Pour ce qui est des protocoles de sécurité, nous, à Vertical World, faisons une évaluation des risques. Nous disposons d’un plan de sauvetage solide, testé et mis à jour en continu. Nous vérifions aussi les équipements avant et après chaque activité De plus, nous travaillons dans le respect des recommandations de l’Union européenne. 

Comment se déroule l’initiation des novices et la préparation des habitués de sports à sensations avant l’activité ? 
Tout commence par ce que le client recherche en termes de « sensations ». Cependant, lorsque le niveau d’activité physique et technique est supérieur à ce qu’ils peuvent faire, nous leur recommandons de ne pas y participer. 

Il y a un briefing avant le début de l’activité. Des consignes de sécurité leur sont données. Pendant ce temps, nous les équipons de notre matériel qui a, au préalable, été vérifié. 

Pour les enfants, comme ils ne peuvent pas discerner le danger, ils doivent être davantage supervisés par des adultes.

Activités en plein air

Malgré une bonne préparation, il existe des imprévus ? 
Les activités d’aventure en plein air comportent des risques qui ne peuvent être supprimés. Vous ne pouvez pas, par exemple, faire de descente en rappel sans l’élément de la hauteur. En tant que professionnel qualifié, vous apprenez à minimiser les risques afin que même en cas de problème, vous puissiez gérer la situation. 

C’est votre évaluation des risques qui déterminera ce qui peut mal tourner dans n’importe quelle activité. Bien qu’il soit impossible de tout prévoir, cet exercice mené au préalable, en énumérera les plus probables. Cela vous permettra de planifier ce qu’il faut faire. Vous pourrez également essayer de réduire les « imprévus » pour être prêt à faire face au pire. 

Qu’est-ce qui peut mal tourner?
Glisser et tomber. Ou encore que les rivières soient inondées ou qu’il y ait des chutes de pierres. Il y a aussi le risque de tomber d’une falaise. Certaines conditions médicales peuvent également entrer en jeu, comme la déshydratation, des problèmes cardiaques ou des difficultés respiratoires des participants. 

Il faut imaginer le pire des scénarios afin d’être préparé. Le rôle premier du guide est de comprendre les risques, de les minimiser et comme dernière ressource, de démarrer le sauvetage et la stabilisation du patient. 

Si vous faites de la randonnée à proximité d’un lac ou d’étangs fluviaux, par exemple, le guide doit être en mesure de se jeter à l’eau et de faire un sauvetage par contact. Il doit pouvoir le faire rapidement et efficacement. Un guide de rappel doit, lui, être capable de faire une multitude de sauvetages sur corde avec un équipement prévu pour. 

Quand votre équipe paramédicale entre-t-elle en jeu ? 
En plein air, nous sommes loin des secours, parfois à plus d’une heure. Il y a aussi le défi pour les sauveteurs de localiser et d’accéder à la personne blessée. Le guide doit porter une trousse de premiers soins correctement conçue pour l’extérieur. Une formation normale dispensée pour porter secours dans des régions urbaines où l'aide est facilement disponible est généralement insuffisante. 

Vous aurez besoin d’une formation en secourisme en milieu sauvage pour faire face aux personnes blessées pendant des heures dans un environnement extérieur : la tombée de la nuit, la pluie, la chaleur extrême, les fleuves remplis, etc. Chez Vertical World, nous pensons régulièrement à des scénarios avec des formateurs qualifiés.

Quels sont les dangers que courent les participants en cas de non-respect des consignes de sécurité ? 
Il peut y avoir mort d’homme dans les cas extrêmes. Ou encore la perte de membres du corps ainsi que des traumatismes cliniques voire psychologiques engendrés par les accidents. 

Cependant, lors que je m’entraînais en tant qu’éducateur pour des activités en plein air et en sauvetage, nous faisions de nombreux comptes-rendus sur le trouble stress post-traumatique. 

Des conseils à ceux qui veulent faire des activités en plein air ? 
Assurez-vous que votre guide et l’entreprise choisie possèdent des qualifications. Nous avons de plus en plus de « pseudo guides » à Maurice avec peu de formation et beaucoup d’expérience de vidéos trouvées sur YouTube. 

Interrogez le guide. Où a-t-il été formé ? Quel est son plan en cas d’urgence ? Demandez à voir son évaluation des risques. Ce n’est pas parce qu’ils ont de belles photos Instagram et de belles références Google ou sur les réseaux sociaux qu’ils sont qualifiés. 

Assurez-vous qu’ils ont les assurances appropriées, pas seulement une responsabilité civile mais aussi une qui couvrira les frais médicaux si vous vous blessez. Demandez si vous avez des doutes. 
Y a-t-il une instance qui vérifie que les activités sont aux normes ? 

Lorsque nous parlons de normes, nous devons être clairs. C’est un sujet délicat. Chaque pays a ses propres normes (l’Europe, l’Afrique du Sud, l’Australie, la Chine, etc.) et elles peuvent différer. 

Vous pouvez faire une escalade et le guide vous assure que l’équipement est aux normes. Mais il faut savoir quand l’équipement a été acheté ? Comment a été fait l’entretien ? Est-ce le bon équipement pour cette activité ? À Maurice, il n’y a pas encore de réglementation qui définit cela. 

 

 

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