Les PME sont préoccupées par l’incertitude entourant le paiement du 14e mois. Même si le gouvernement propose un soutien financier, la forme de cette aide, notamment un prêt sans garantie, suscite des inquiétudes, les entreprises craignant une nouvelle charge financière dans un contexte déjà difficile.
Les PME s’accordent à dire que l’éventualité d’un prêt sans garanti n’est pas souhaitable. Certaines d’entre elles ont communiqué sur le 14e mois à leurs employés et les nouvelles ne sont pas réjouissantes.
« Nous devrons aider les PME, car elles ne pourront financer le paiement du 14e mois. Cela coûtera Rs 2,3 milliards à l’État », avait indiqué le Premier ministre Navin Ramgoolam lors d’une conférence de presse le 14 décembre. En fin de semaine dernière, le Conseil des ministres avait approuvé l’octroi d’un soutien financier aux PME sous réserve de critères de rentabilité, pour le paiement de la prime du 14e mois et de la compensation salariale. Pour autant, cela n’a pas permis de rassurer les PME dont l’angoisse est de plus en plus croissante.
Qu’est-ce qui explique cela ? Pour Kelvin Dardenne, directeur de Storm Boats, à n’en point douter, le 14e mois reste un sujet d’inquiétude pour les PME. « Sans l’intervention du gouvernement, cela provoquera un déficit dans notre trésorerie », fait-il ressortir. Cependant, avance le directeur, il faudra effectuer ce paiement, et cela ne sera pas sans conséquence sur les caisses de l’entreprise. Il déplore le fait que la forme du soutien financier qui sera apporté par l’État est floue.
La vice-présidente de la SME Chambers, Maya Sewnath, s’aligne sur cet argumentaire. Elle est d’avis que l’absence de détails concernant la traduction de cette aide financière aux PME laisse place à la confusion. D’ailleurs, l’éventualité que ce soutien financier pourrait prendre la forme d’un prêt sans garantie aux PME est tout sauf rassurante. « Nous sommes endettés.
La situation est bien mal embarquée avec la hausse des prix, le salaire minimum, l’augmentation salariale ou encore la relativité salariale. Nous ne pouvons contracter un nouveau prêt dans un tel contexte. Nous avons emprunté pour payer le boni de fin d’année durant la pandémie. On nous demande d’emprunter de nouveau ? Quand pourra-t-on souffler ? Il ne reste plus qu’à mettre la clé sous le paillasson. Il ne faudrait pas aider les PME de façon déguisée », fait comprendre Maya Sewnath.
Bénéfices
Quid des critères de rentabilité qui devraient être pris en compte pour l’éligibilité des PME à l’aide financière de l’État ? Maya Sewnath suggère que la profitabilité soit proprement définie. La raison avancée est que les bénéfices sont différents pour les entreprises en fonction de leur taille. « Cela semble ambigu. Une entreprise peut être profitable, mais le montant peut être dérisoire », argue-t-elle.
Pour sa part, Faizal Bahemia, directeur d’Innobox, explique que la trésorerie d’une entreprise peut être interprétée de diverses façons. De l’argent a été mis de côté par Innobox avec l’objectif d’investir dans des équipements et de changer de modèle d’affaires à compter de 2025. « Ce n’est pas nous qui avons fait la promesse électorale de payer un 14e mois. On ne peut prendre cette charge et la mettre sur le dos d’un autre. C’est à celui qui a promis de le financer ! » martèle-t-il.
Certaines PME ont adopté une approche transparente avec leurs employés. Elles ont expliqué que, sans l’intervention du gouvernement, il serait difficile de tenir cette promesse électorale. Chez Innobox, par exemple, Faizal Bahemia a souligné à son équipe : « Nous n’avons pas les moyens de payer le 14e mois ».
Maya Sewnath reconnaît que l’attente des travailleurs est palpable. « La démotivation pourrait rapidement s’installer. Que va-t-il se passer pour un employé qui, en raison des difficultés financières de la PME pour laquelle il travaille, ne perçoit pas de 14e mois, tout en sachant que des salariés ailleurs bénéficieront de cette prime ? » s’interroge-t-elle.
Perspectives 2025
L’héritage économique du pays présenté par le nouveau gouvernement laisse présager que le robinet de l’État s’ouvrira avec prudence. L’horizon 2025 s’assombrit pour les PME, dont la santé financière est fébrile. La compensation salariale 2025 devrait être d’actualité dès janvier. Maya Sewnath précise qu’une bonne partie des PME a déjà fermée ses portes et que d’autres pourraient suivre.
« Des solutions palliatives sont essentielles pour stimuler l’économie et permettre aux PME de rester à flot. Une réduction de Rs 5 sur le prix de l’essence n’aura pas un impact significatif sur les PME », précise-t-elle. Kelvin Dardenne souligne, pour sa part, que l’octroi d’un prêt sans intérêt serait un lourd désavantage pour les PME. Maya Sewnath abonde dans ce sens en affirmant qu’un grant serait une solution bien plus efficace.
Amar Deerpalsing, président de la Fédération des PME : « Il aurait fallu avoir un pied d’égalité »
Le Cabinet ministériel a approuvé l’octroi d’un soutien financier aux PME, sous réserve de critères de rentabilité, pour le paiement de la prime du 14e mois et de la compensation salariale. Comment accueillez-vous cette mesure ?
Il est important de souligner que sans l’aide du gouvernement, les entreprises en difficulté ne pourront pas financer le paiement du 14e mois. Cependant, cette mesure est accueillie avec des réserves. On pénalise, en quelque sorte, les bons élèves qui ont réussi leurs examens. Les entreprises bien gérées sont généralement celles qui sont rentables. Pourtant, des facteurs externes peuvent entraîner des pertes malgré de bonnes intentions.
Quand on dit que seules les entreprises non profitables bénéficieront du soutien financier, on prive les bons élèves qui devront alors supporter les coûts. Le critère de « cut-off » soulève ainsi des inquiétudes. Il est essentiel de rappeler que la majorité des entrepreneurs sont aussi des employés dans leurs propres entreprises.
Un des critères qui devrait être pris en compte pour le soutien du gouvernement aux PME sera celui de la profitabilité. Est-ce justifié ?
Il aurait fallu instaurer un véritable pied d’égalité, que certaines entreprises aient enregistré des bénéfices ou non. Il est important de se questionner sur l’avenir des entreprises actuellement déficitaires mais qui seront rentables demain. Il n’est pas juste de privilégier certaines entreprises au détriment d’autres, comme cela a été le cas avec la Mauritius Investment Corporation (MIC).
L’année 2024 tire à sa fin, est-ce que vous anticipez une année 2025 difficile pour les PME ?
Les chiffres démontrent clairement que les PME sont en nette perte de vitesse. Elles sont en régression sur les indices de performance. depuis la pandémie. La situation devient de plus en plus difficile. On peut inverser la tendance en misant sur de nouvelles mesures afin de donner un nouveau souffle aux PME.
Concrètement, quelles sont les mesures qui peuvent permettre aux PME de garder la tête hors de l’eau ?
Les PME sont les laissés-pour-compte. Plusieurs mesures pourraient pourtant leur être favorables. Considérées comme un secteur à risque, elles font face à des coûts d’emprunt bien plus élevés que les grandes entreprises. Cette situation complique davantage leur accès au financement, d’autant plus qu’elles sont déjà endettées. Un allègement des contraintes administratives s’avère également nécessaire.
Option pour le paiement
Shalini Anmol, directrice de Top Detergent :
« Nous attendrons que le gouvernement accorde le soutien financier via la MRA pour payer le 14e mois. Il nous faut déjà trouver le financement pour le 13e mois. C’est difficile, voire impossible de payer un 14e mois sans l’aide du gouvernement. »
Kelvin Dardenne, directeur de Storm Boats
« Nous ferons le paiement en deux fois en raison du nombre d’employés. Avec la période cyclonique, il faut prévoir des jours sans, voire une période creuse. Les agences avec lesquelles nous travaillons ont déjà vendu nos services aux touristes à un tarif précis. Nous ne pourrons pas passer la hausse du coût d’opération à nos clients. »
Faizal Bahemia, directeur d’Innobox :
« L’entreprise court à perte depuis la pandémie. Les récentes révisions salariales n’avaient pas été budgétées, mais nous avons joué le jeu. Nous n’avons pas les moyens de financer le 14e mois. Un prêt reviendra au même. L’entreprise ne pourra effectuer le remboursement. Nous ne pourrons avoir recours à la Cour. Comment va-t-on payer les frais légaux si nous ne parvenons pas à financer le 14e mois ! »
Le 14e mois peut être paye en 4 tranches
Selon le Special Allowance Bill :
(5) (a) Sous réserve du paragraphe (b), tout employeur doit payer l’allocation spéciale en deux versements égaux où :
(i) le premier versement est effectué au plus tard le dernier jour ouvrable de décembre 2024 ; et
(ii) le dernier versement est effectué le dernier jour ouvrable de janvier 2025.
(b) Un employeur et un employé peuvent convenir du paiement de l’allocation spéciale en quatre versements égaux au maximum à condition que le premier versement soit effectué le dernier jour ouvrable de décembre 2024 et que les autres versements soient effectués aux dates dont ils conviennent ou, en l’absence d’accord, à la fin de chaque mois successif suivant le mois de décembre 2024.
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