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128 démissions en un an : incursion dans l’atmosphère hostile de la CWA

Plusieurs sources critiquent vertement l’ancienne direction de la CWA.
  • Des menaces de mort à peine voilées lancées à un haut cadre

Le rapport de l’ex-Chief Internal Auditor de la Central Water Authority (CWA), déjà source de controverses, revient sur le devant de la scène. Cette fois, c’est le ministre de l’Énergie et des Services publics, Patrick Assirvaden, qui relance le débat en mettant en lumière non seulement les irrégularités entourant le programme de remplacement de tuyaux, mais aussi une facette bien plus sombre de la gestion passée.

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Au Parlement, mardi 17 décembre, Patrick Assirvaden a dévoilé un élément inédit : une véritable hémorragie au sein des effectifs de la CWA sous la direction de Prakash Maunthrooa. Avec 128 démissions, 9 départs sans solde et 2 licenciements jugés déguisés, l’organisme public a traversé une crise interne alarmante, reflétant un climat de travail toxique qui aurait fortement impacté les employés.

Le Défi Quotidien, qui a enquêté sur ce dossier, a recueilli les témoignages de plusieurs employés et anciens cadres de la CWA, qui ont requis l’anonymat. Leurs récits dressent un tableau particulièrement sombre. Menaces, représailles et pressions constantes auraient marqué cette période. Certains évoquent des pratiques qui auraient instillé une véritable culture de la peur au sein de l’institution. « C’était un climat de terreur, où les décisions semblaient davantage dictées par l’arbitraire que par la rationalité », confie l’un des anciens cadres.

S’il fallait résumer l’atmosphère qui régnait sous l’ancienne direction de la CWA, une phrase glaçante suffirait : « Aret to bann manier difisil-la, to lekor pou fini dan enn larivier par-la. » Cette menace, rapportée par des anciens ingénieurs et comptables de l’organisme, incarne le climat oppressif et les méthodes autoritaires dénoncées par ceux qui ont vécu cette période. 

Selon plusieurs témoignages recueillis sous le couvert de l’anonymat, l’ancienne direction de la CWA n’hésitait pas à montrer son mécontentement lorsque des employés appliquaient scrupuleusement les procédures en matière d’allocation de contrats ou d’exécution de travaux. « Nous étions taxés d’anti-MSM, de pro-opposition, voire d’antipatriotes, dès qu’on refusait de contourner les règles comme le souhaitait l’ancien management », raconte un ancien ingénieur, dont le temps de service de plus de 15 années de service à la CWA s’est achevé par une démission amère face à ces pressions incessantes. 

Un ancien cadre de l’institution dénonce, pour sa part, un épisode particulièrement choquant, illustrant une dérive personnelle dans les méthodes de gestion. Selon cet ancien cadre, un mémo signé par des membres de l’ancienne direction lui aurait été adressé après qu’il a émis des réserves sur un projet spécifique. Mais ce document, loin de répondre aux enjeux professionnels soulevés, comportait des remarques désobligeantes sur sa foi religieuse. « Ce mémo était une attaque directe, une tentative de me discréditer non pas sur mes compétences, mais sur mes convictions personnelles », confie-t-il, encore marqué par cet incident. 

Un cadre du ministère de l’Énergie et des Services publics affirme que l’ancienne Chief Internal Auditor de la CWA aurait été la cible d’un traitement indigne après avoir soumis un rapport critique sur l’exécution du programme de remplacement de tuyaux internes. Selon cette source, trois mémos, qualifiés de « très dénigrants », auraient été signés par l’ancien directeur général de la CWA et adressés à cette auditrice. Ces documents contiendraient des propos jugés tout simplement « choquants » sur son appartenance ethnique, un contenu inadmissible non seulement sur le fond, mais également sur la forme, car, juridiquement, un tel mémo devrait émaner de l’Audit and Risk Committee, et non de la direction.

Malgré la gravité de la situation, aucune action n’aurait été entreprise par les membres de l’Audit and Risk Committee, pourtant alertés. « Il n’y a eu ni prise de position ni tentative de solidarité envers l’ancienne Chief Internal Auditor. Peut-être craignaient-ils une confrontation avec Prakash Maunthrooa », avance cette même source. 

Selon ce cadre du ministère de l’Énergie et des Services publics, ces trois mémos adressés à l’ancienne Chief Internal Auditor de la CWA seront intégrés dans l’enquête sur la gestion du projet de remplacement de tuyaux internes. Cette investigation aura pour principal objectif de faire la lumière sur la disparition inexpliquée de Rs 700 millions, une somme qui, selon le ministre Patrick Assirvaden, se serait tout simplement « volatilisée ». 

Le HRD sous pression

Outre les accusations liées aux procédures d’allocation de contrats, plusieurs employés de la CWA dénoncent un autre aspect troublant de la gestion sous l’ancienne direction : les pressions exercées sur le département des Ressources humaines (HRD). Ce département aurait été fréquemment ciblé par l’ancien management, notamment lorsqu’il s’agissait de favoriser la promotion de certains individus sélectionnés par la direction pour gravir les échelons de l’organigramme. 

Selon les témoignages recueillis, les décisions relatives aux promotions internes ne semblaient pas reposer sur des critères de mérite ou d’objectivité, mais plutôt sur des consignes directes de l’ancien management. « Tout était dicté d’en haut. Ceux qui osaient questionner ou s’opposer à ces choix faisaient face à des menaces et à des propos dénigrants », affirme un employé. 

Nous avons sollicité Prakash Mauthrooa pour une réaction, mais en vain.

Quel a été le rôle de l’ancien ministre Joe Lesjongard ?

Une question essentielle reste en suspens : quel a été le rôle de l’ancien ministre de l’Énergie et des Services publics, Joe Lesjongard, durant cette période marquée par des démissions massives et un climat professionnel jugé délétère ? Officiellement, le ministère de l’Énergie dispose d’un représentant au sein du Conseil d’administration de la CWA, ce qui aurait dû permettre à Joe Lesjongard d’être informé des tensions internes. Pourtant, plusieurs employés estiment que l’ancien directeur général ne répondait qu’au Prime Minister’s Office (PMO), contournant systématiquement le ministre. 

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 128 démissions, des départs sans solde et des licenciements déguisés. Face à une telle hémorragie, Joe Lesjongard aurait-il pu ignorer la gravité de la situation ? « Il est impossible qu’un ministre ne soit pas tenu informé d’un tel volume de départs dans une institution publique », confie un ancien cadre de la CWA. 

Interrogé par téléphone, Joe Lesjongard a montré une certaine irritation face aux questions sur son rôle dans cette controverse. « Au sujet du rapport de l’ancienne Chief Internal Auditor, j’ai déjà répondu à ce sujet au Parlement », a-t-il déclaré. Mais lorsqu’il a été relancé sur les 128 démissions et le climat professionnel, il a sèchement conclu : « Vous m’avez posé une question, vous n’avez pas le droit de m’en poser d’autres. »

Des contrats fragmentés pour contourner les règles ?

Un aspect clé de l’enquête qui sera lancée en janvier sur le controversé projet de remplacement de tuyaux internes de la CWA portera sur les méthodes d’attribution des contrats. Selon une source bien informée au ministère de l’Énergie et des Services publics, de nombreux contrats d’une valeur comprise entre Rs 8 millions et Rs 10 millions auraient été délibérément fragmentés pour contourner les procédures d’appels d’offres.

Dans le cadre des réglementations en vigueur, les contrats dont la valeur est inférieure à Rs 10 millions n’exigent pas l’approbation du Central Procurement Board (CPB), un mécanisme clé pour assurer la transparence dans les appels d’offres publics. Cette exemption aurait été exploitée à grande échelle. Des contrats de petite envergure auraient été systématiquement octroyés à diverses entreprises, mais c’est le cas particulier d’une compagnie qui suscite de vives préoccupations.

Cette entreprise en question aurait bénéficié de 11 contrats, tous évalués entre Rs 8 millions et Rs 10 millions, pour un montant total avoisinant Rs 100 millions. Cependant, son incapacité à exécuter pleinement ces projets pose problème. La CWA a dû reprendre au moins cinq de ces contrats. 

Cette même compagnie aurait pourtant perçu un financement de Rs 150 millions de la Mauritius Investment Corporation (MIC).

 

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