Pouvoir se réinventer est essentiel pour la survie de toute entreprise. Propos de Yousuf Jeeva, PDG de Neel Group of Companies. Il estime que la proximité de l’employeur avec ses employés est aussi important que la profitabilité. La stabilité de l’entreprise en dépend, dit-il.
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Passée de petite à moyenne entreprise en peu de temps, Neel Industries s’apprête à faire partie du cercle des grandes sociétés. Quelle est la recette de votre succès ?
Personne ne détient de recette magique, car tout succès émane de la volonté divine. Mais avec la persévérance, le respect mutuel, l’honnêteté et le dur labeur, tout le monde peut y trouver son compte. Dans le cas de Neel, l’ingrédient principal de la réussite, c’est nos employés. Nous croyons que, si nos employés ne sont pas heureux, nos clients ne le seront pas non plus. So, it’s all about putting our people first. Il s’agit avant tout d’avoir une proximité avec les employés pour connaître leurs attentes et pour les informer de la santé financière de l’entreprise.
Ce n’est pas évident de dénicher de la main-d’œuvre de nos jours, surtout auprès de la jeune génération ?
Il y a plusieurs raisons à cela.La première est l’aspect financier. Même avec le salaire minimum de Rs 8 500, vous n’embaucherez qu’un jeune sur cinq. Il y a aussi l’évolution de notre mode de vie. Les jeunes se couchent tard. Du coup, ils n’arrivent pas à se réveiller très tôt le matin. Ils arrivent souvent en retard au travail et en raison de ce manque d’assiduité, ils sont mis à la porte.
La troisième raison est que souvent le cœur n’y est pas. Faute d’avoir pu concrétiser leur rêve professionnel, ils se rabattent sur un emploi qu’ils font à contrecœur. D’où un appel aux entrepreneurs pour qu’ils fassent preuve de patience. Je concède que ce n’est pas évident pour eux, au vu de leurs responsabilités. Mais si nous faisons preuve de patience, nous pouvons faire le tri et ne garder que les bons éléments.
Ou alors, on peut se rabattre sur la main-d’œuvre étrangère…
La main-d’œuvre étrangère n’est pas forcément meilleure. Il s’agit avant tout de quelqu’un qui veut travailler, car il a des bouches à nourrir ou d’autres obligations. Lorsque vous êtes dans une telle situation, vous êtes obligés de donner le meilleur de vous-même. Pour répondre à votre question, cela fait plus d’une quinzaine d’années que Neel a recours à des travailleurs étrangers.
Vous vous réjouissez certainement de la décision du gouvernement d’étendre le « eight years work permit » à d’autres secteurs et de revoir le ratio employé mauricien-étranger ?
C’est une décision que j’accueille favorablement. Elle aurait dû être prise il y a longtemps. Toutefois, je souhaite que les entrepreneurs se montrent justes envers les Mauriciens. Les entrepreneurs doivent se montrer patients envers certains employés mauriciens. C’est une triste réalité.
Comment êtes-vous parvenu à surmonter les difficultés sur votre parcours professionnel ?
Lorsqu’une PME démarre, l’un de ses principaux soucis est le capital. Ce n’était pas évident pour moi d’obtenir un prêt, car je n’avais pas d’Assets. Cela m’a toutefois appris à jongler avec le peu d’argent dont je disposais. Puis, il y avait à l’époque un problème d’espace. Il n’y avait pas autant de sites industriels qu’aujourd’hui. Et troisièmement, il y avait ce problème de main-d’œuvre.
La réussite d’une PME réside dans le management de son directeur. L’entrepreneur doit être avant-gardiste et connaître le marché.C’est malheureux de se focaliser uniquement sur « comment devenir riche ? » sans pour autant penser à la stabilité de l’entreprise sur le long terme. C’est quand les affaires marchent que la situation devient plus dangereuse, car il faut savoir jongler avec les revenus. Un entrepreneur devrait se poser ces trois questions au quotidien : Le montant des investissements ? Combien d’argent j’ai en ma possession ? Comment l’utiliser ?
L’entrepreneur doit être avant-gardiste et connaître le marché»
Durant la semaine écoulée, le ministre Sunil Bholah a lancé un appel aux entrepreneurs pour qu’ils diversifient leurs opérations. Plus facile à dire qu’à faire, n’est-ce pas ?
La diversification est importante pour la survie et la stabilité de l’entreprise. Cependant, c’est compliqué de chambouler son management du jour au lendemain. Il faut tenir compte des éléments suivants : le domaine d’activité dans lequel nous opérons et notre clientèle. Lorsque nous diversifions nos activités, nous pouvons augmenter nos ventes en touchant cette même clientèle. C’est comme cela que Neel est passé de la réparation à la fabrication de meubles de bureau. On ne parle pas uniquement de tables et de chaises, mais aussi de meubles de rangement, d’étagères, de coffres-forts, de purificateurs d’eau et d’aménagement de bureaux. La toute dernière venue est le recyclage des déchets électroniques.
Cela ne vous a pourtant pas empêché de vous lancer dans l’élevage de bétail, n’est-ce pas ?
Étant des passionnés de la nature, nous nous intéressons fortement à l’agriculture et à l’élevage. Ainsi, depuis un an, nous cultivons des légumes bio. Nous faisons aussi de l’élevage de bœufs, de moutons et de cabris. Nous sommes en partenariat avec Agroboss et Master Breeders. L’avenir nous dira si ces deux sociétés feront aussi bien que Neel sur le marché, en proposant aux consommateurs de la viande d’agneau, de cabri et de bœuf, ainsi que des légumes de qualité. Le tout avec un meilleur service à un prix imbattable.
Pourquoi les PME sont-elles peu nombreuses à se lancer dans l’exportation ?
Pour pouvoir s’aventurer en dehors de nos frontières, un entrepreneur doit avoir une certaine connaissance, expérience et une réelle envie de le faire. Cela reste une tâche difficile, car Maurice est une petite île entourée par l’océan. Toutes ses ressources sont importées par avion ou par bateau. De ce fait, la matière première devient plus chère. Cependant, il y a d’autres moyens d’aller au-delà de cette frontière et faire un pas dans la région. Neel a créé Neel Madagascar Sarl, Neel Africa Sarl et la toute dernière, Neel South Africa PTY, où plusieurs projets ont été concrétisés.
Pensez-vous que les PME sont suffisamment encadrées par les autorités gouvernementales ?
Les autorités représentent un véhicule que le gouvernement du jour met à disposition pour faciliter la mise en place de projets et les entrepreneurs. Cependant, il est malheureux de constater que souvent, il y a eu une bonne intention dans l’utilisation de ce véhicule, mais que le conducteur a été mal choisi. Hormis les compétences, c’est souvent l’appartenance politique ou religieuse qui déterminera qui sera aux commandes du véhicule. Et cela ne profite guère aux entrepreneurs et au pays.
Six entrepreneurs sur 10 sondés par la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice pensent faire des investissements dans les 12 prochains mois. Est-ce bon signe ?
Je partage l’opinion de ces 60 % d’entrepreneurs, car je songe moi aussi à investir. Il y a pas mal de chantiers à travers le pays. Le Premier ministre est relativement jeune comparé à ses prédécesseurs. Il montre un certain intérêt à faire avancer le pays. S’il continue dans cette voie, cela favorisera davantage ce climat positif des affaires. D’ailleurs, la nation mauricienne souhaite que le pays progresse, que nous soyons moins endettés et que nous puissions manger à notre faim.
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