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Sir Bhinod Bacha : l’homme de tous les gouvernements ou presque

La rigueur de l’ancien fonctionnaire a été évoquée avec insistance lors des différents témoignages.

La contribution de sir Bhinod Bacha aux affaires du pays a été majeure. Sa carrière au service de l’État s’est faite sous différents gouvernements. Après avoir pris sa retraite de fonctionnaire en 1996, c’est avec le même principe de loyauté qu’il est revenu œuvrer dans l’ombre en tant que conseiller.

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Il aura été l’une des rares personnalités à avoir résisté à la culture du « lev pake ale » à Maurice. Alors qu’il est courant pour chaque gouvernement d’évincer ceux qui ont travaillé en étroite collaboration avec le régime précédent, Bhinod Bacha fait figure d’exception. De sir Seewoosagur Ramgoolam à Pravind Jugnauth, en passant par Navin Ramgoolam, il a servi différents bords politiques. 

La confiance dont sir Bhinod Bacha a joui au sein du Mouvement socialiste militant (MSM) mais aussi du Parti travailliste (PTr) s’explique par la loyauté dont il a fait preuve tout au long de sa carrière. C’est du moins le point de vue exprimé par l’ancien chef de la Fonction publique Sateeaved Seebaluck, qui a côtoyé sir Bacha pendant de nombreuses années dans différentes sphères de l’administration. « Il faut avant tout rappeler que Bhinod Bacha a été fonctionnaire jusqu’à son départ à la retraite en 1996. Il a donc servi sir Anerood Jugnauth et sir Seewoosagur Ramgoolam en tant que fonctionnaire avant tout. Et comme tout fonctionnaire qui se respecte, il a fait de la loyauté envers le gouvernement du jour un principe. » 

Après avoir travaillé en tant que proche collaborateur de Ramgoolam père au Bureau du Premier ministre (PMO), sir Bhinod Bacha est resté en poste après la défaite du PTr aux élections de 1982. « L’équipe qui est alors arrivée au pouvoir était composée de jeunes élus. Il était donc nécessaire de pouvoir compter sur des fonctionnaires de qualité ayant une bonne connaissance des rouages de la Fonction publique. À cette époque, Maurice était encore une nation très jeune et Bhinod Bacha faisait partie des rares fonctionnaires de cette trempe. C’est pourquoi sir Anerood Jugnauth a décidé de continuer à s’appuyer sur lui », poursuit Sateeaved Seebaluck. 

Notre interlocuteur affirme que les différents Premiers ministres ont pu entièrement compter sur les qualités diplomatiques, administratives et politiques de sir Bhinod Bacha. « Il a également eu une renommée internationale pour sa contribution en Afrique, car lorsqu’il a pris sa retraite, il a été appelé par le gouvernement rwandais pour mettre en place toute l’administration après la guerre civile survenue dans ce pays. Il possédait donc une connaissance institutionnelle qui aurait pu servir n’importe quel gouvernement. »

Un autre haut fonctionnaire, préférant garder l’anonymat, soutient que le retour de sir Bhinod Bacha au Bâtiment du Trésor en 2017 illustre bien le fait qu’il était considéré comme un élément indispensable pour un gouvernement. « Après le retour du MSM au pouvoir en 2014, sir Anerood Jugnauth ne voulait pas entendre parler de sir Bhinod Bacha. La proximité que ce dernier avait cultivée avec le Parti travailliste était mal perçue par SAJ et son entourage. Cependant, lorsque Pravind Jugnauth est devenu Premier ministre en 2017, il était convaincu qu’il devait s’entourer de personnes expérimentées et il a finalement choisi de faire appel à lui. Sa contribution a été d’une grande importance pendant le mandat de Pravind Jugnauth. On se souviendra notamment de son implication dans la visite du pape ». 

Dans les affaires courantes, c’est au niveau de la rédaction des réponses parlementaires de Pravind Jugnauth que sir Bhinod Bacha s’est le plus illustré, nous confie-t-on. « C’était une routine pour lui de se rendre chaque samedi au Bâtiment du Trésor pour préparer les réponses de Pravind Jugnauth avec d’autres fonctionnaires. C’était lui qui définissait le fil conducteur des réponses, et chaque fois qu’une réponse nécessitait un rappel historique, c’était sir Bhinod Bacha qui s’en occupait personnellement. » 

La même source trouve cependant dommage qu’il n’ait pas été davantage utilisé à d’autres niveaux : « Sir Bhinod Bacha opérait dans des paramètres bien définis, mais s’il avait été impliqué dans des décisions stratégiques du pays, je pense que le gouvernement aurait facilement pu éviter certaines crises. Il n’a jamais fait partie de l’entourage politique du Premier ministre et du MSM. »

Dans les couloirs du Bâtiment du Trésor, les différents fonctionnaires qui ont été témoins de la carrière de sir Bhinod Bacha affirment qu’il était considéré comme l’une des personnes les mieux informées du pays. « Le fait qu’il a été impliqué dans diverses tâches, allant de la préparation des discours à l’organisation des missions à l’étranger des différents Premiers ministres, signifie qu’il a, au cours des 40 dernières années, côtoyé d’importantes personnalités politiques dans leur intimité. Il était donc au cœur des secrets ». Ainsi, selon une source au PMO, il valait mieux avoir sir Bhinod Bacha dans ses rangs pour un gouvernement que de l’avoir en dehors. « Si un adversaire politique était parvenu à mettre la main sur lui, cela aurait pu être très inquiétant pour un autre parti en particulier. »

Bien que sir Bhinod Bacha se soit fait beaucoup plus d’amis que d’ennemis en politique, certains anciens ministres ne peuvent s’empêcher de dire que lorsqu’une personne est appréciée de tous, surtout en politique, peut susciter des questions.L’empreinte de sir Bhinod Bacha dans la fonction publique est belle et bien réelle. « L’histoire est l’histoire, le reste n’est que dérisoire », conclut un membre du gouvernement.

« L’Hôtel du gouvernement me manque », confiait-il en 2015

Dans un entretien accordé au Défi Media Group en 2015, sir Bhinod Bacha confiait : « L’Hôtel du gouvernement me manque certainement. J’ai toujours travaillé à l’Hôtel du gouvernement, de 1969 à 2014. J’ai servi sir Seewoosagur Ramgoolam, sir Anerood Jugnauth et tous les autres qui se sont succédé, directement ou indirectement. J’ai contribué au premier miracle économique. J’ai servi mon pays avec sincérité. C’est sûr qu’une certaine dose de nostalgie est inévitable. » Il avait, lors du même entretien, parlé de l’importance de la Fonction publique dans la vie d’un pays ainsi que de sa conviction de pouvoir continuer à servir l’État mauricien.

 

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