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Salaire minimal justifié : ces familles qui vivent avec moins de Rs 5000 par mois

Le président du National Wage Consultative Council a annoncé que le salaire minimal sera inférieur au salaire médian, estimé à Rs 12 800 pour 2017. Une estimation qui fait grincer des dents des syndicalistes, déplorant le manque de consensus sur ce chiffre. Un des objectifs du salaire minimal, qui deviendra une réalité dès 2018, est de faire de Maurice un pays à revenus élevés. Mais comment y parvenir, quand on sait qu’elles sont nombreuses, les familles à vivre avec moins de Rs 5 000 par mois. Rencontre avec quelques-unes d’entre elles.

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Burty Madou : «Notre priorité est de nourrir nos enfants»

Les conditions dans lesquelles vit la famille Madou, à Castel, sont plus que difficiles. Burty, le père, exerce le métier de manev mason depuis plusieurs années. Il confie qu’il n’a pas de revenus fixes et qu’il perçoit à peine Rs 4 000 par mois. Quant à son épouse Tasleemah, elle vient de décrocher un travail de femme de ménage dans le quartier. Le couple, qui a quatre enfants âgés de 15, 16, 17 et 18 ans, éprouve des difficultés à joindre les deux bouts.

Burty Madou, 45 ans, regrette, avec tristesse, de ne pas pouvoir payer de leçons particulières à ses deux filles, qui étudient assidûment au collège. Malgré ses problèmes, le père de famille se fait un point d’honneur de s’assurer que ses enfants ne dorment pas le ventre vide. « L’essentiel est que mes enfants aient toujours leur repas », souligne-t-il.

Il raconte alors qu’il leur est déjà arrivé, à son épouse et lui, de ne rien avoir à la maison pour préparer le dîner. « Fort heureusement, nous recevons de l’aide des autres membres de la mosquée. »

Comme un malheur n’arrive jamais seul, la maison dans laquelle vit toute la famille fuit comme une passoire. « Bizin met drom kan lapli tombe. Cette maison a déjà pris feu. Les feuilles de tôle ont été abîmées. Des amis nous ont aidés en nous offrant des tuyaux et des vérins. Nous avions une maison, à Lallmatie, qui a été saisie. Je n’ai pas pu rembourser mon prêt bancaire après mon accident », raconte Burty Madou.

Il avoue avoir un lopin de terre, mais faute de moyens, il ne peut y construire de maison. « Je ne suis pas non plus éligible pour un autre prêt. Nous devons manger et dormir en recevant des gouttes d’eau sur nous. J’ai fait une demande auprès des autorités pour obtenir des matériaux de construction, mais l’attente est longue. »

Le quagragénaire aimerait bien changer de métier pour offrir une meilleure vie aux siens, car il se dit conscient que « le fait de ne pas avoir un bon travail corse les choses ». Il est toutefois contraint de se rendre à l’évidence que c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire… 

Uma Devi Malayen : «Tout ce que nous voulons, c’est un toit décent»

Divorcée et mère de deux enfants, Uma Devi Malayen, 42 ans, vit à Saint-Pierre avec sa mère âgée et malade. La quadragénaire, qui travaille dans une usine, ne perçoit qu’un salaire mensuel de Rs 4 500. De cette somme, elle doit débourser Rs 2 800 par mois pour un terrain loué à bail pendant plus de 50 ans par sa famille. Sans compter le fait que la maison dans laquelle ils vivent fuit. « Le lit est souvent trempé en temps de pluies », confie-t-elle.

Entre une mère malade, son travail et son salaire insuffisant, Uma doit affronter un autre problème : ils risquent bientôt de se retrouver à la rue. « Le propriétaire nous a donné un avis pour quitter les lieux. Où vais-je aller avec un salaire aussi maigre ? » se demande-t-elle. Elle explique avoir entamé des démarches pour l’obtention d’une maison auprès de la National Empowerment Foundation depuis plus de dix ans. « Mes requêtes sont restées vaines. Ce n’est pas de la charité qu’on veut. Nous voulons tout simplement un toit pour vivre. Comment y arriver avec des revenus aussi faibles ? »

Sa fille aînée, âgée de 19 ans, vient de terminer ses études secondaires. Face à la détresse de sa mère, la jeune femme veut se faire embaucher à l’usine. Un avenir dont Uma ne veut pas pour son enfant, ne voulant pas qu’elle vive le même calvaire plus tard. « Je n’ai pas d’argent pour payer les études tertiaires de ma fille et mon ex-mari n’est pas riche non plus. En ce qui concerne mon fils, qui est en Form V, c’est son père qui finance ses études. »

Uma explique que, parfois, elle n’a d’autre choix que de prendre l’argent de la pension de vieillesse de sa mère, qui est septuagénaire, pour pouvoir acheter des aliments. « Je n’aime pas faire cela. D’autant plus que ma mère est souvent malade. On fait des va-et-vient à l’hôpital. Mais elle me dit qu’elle s’inquiète pour nous, vu les conditions dans lesquelles nous vivons. »

Rosemarie Azie : «J’aimerais scolariser tous mes enfants»

L’éducation est la clé du succès. Et cela, Rosemarie Azie, qui a 29 ans et habite Le Hochet, l’a bien compris. Mais cette mère de famille, qui a trois filles âgées de cinq, neuf et 12 ans, se dit aussi consciente que ses maigres revenus mensuels rendent son projet d’envoyer toute sa progéniture à l’école encore irréalisable. La famille dispose de Rs 4 000 par mois pour vivre.

La jeune femme, qui ne jouit pas d’une bonne santé, ne peut travailler. Son époux, lui, travaille sur un camion. « Il gagne à peine Rs 200 par jour », confie-t-elle. « Comment acheter à manger, réparer le toit de la maison qui fuit et envoyer nos enfants à l’école avec une aussi petite somme d’argent ? » 

D’ailleurs, poursuit-elle, le couple ne peut envoyer toutes ses filles à l’école. « Nous n’avons pas assez d’argent pour acheter le matériel scolaire. Scolariser tous mes enfants est mon seul souhait. » Le budget limité dont elle dispose ne lui permet pas non plus d’économiser de l’argent pour l’avenir.

Rosemarie Azie est dans l’impasse, d’autant que sa maison fuit en temps de pluie : « Dal inn grene. Kouma dir twa la pre pou tom lor nou. On partage une seule pièce pour manger, dormir, etc. Je dois mettre les matelas et les autres meubles au soleil quand ils sont trempés par la pluie. C’est ma mère qui nous aide pour les repas, car je dois nourrir ma famille. »

La jeune femme confie, avec de la tristesse dans les yeux, qu’il lui arrive de dormir le ventre vide. « Je dois avant tout penser à mes enfants. Notre voisine nous aide parfois, mais elle a elle-même ses propres soucis financiers. Je ne sais pas comment améliorer notre situation. »

Elle précise que son mari fait de son mieux pour trouver un autre travail, mais sans succès. « Nous voulons faire des efforts pour nous en sortir, mais comment y arriver sans un salaire décent ? » conclut la mère de famille.

Mitishraj Doorgha : «Ceux au bas de l’échelle sont condamnés à vivre ainsi»

Des ambitions, Mitishraj Doorgah, 33 ans, n’en manque pas. Des rêves, il en a beaucoup pour son enfant de trois ans. Mais cet habitant de Montagne-Longue se dit conscient que sa situation ne lui permet pas d’entrevoir un avenir reluisant pour sa famille. Le trentenaire, qui travaille comme maçon de temps en temps, ne perçoit pas assez d’argent pour subvenir aux besoins des siens. « On dit souvent que les gens pauvres ne font rien pour s’en sortir, mais c’est loin d’être mon cas. Cela fait plusieurs années que je fais des démarches au bureau de l’emploi pour décrocher un travail, mais en vain. »

Pourtant, poursuit-il, il est loin d’être analphabète. « J’ai étudié jusqu’à la Form III, mais je poirote à la maison. » Il relate que son épouse et lui avaient un restaurant auparavant. « Mais on a dû mettre la clé sous le paillasson, car l’affaire n’était pas rentable. »

Dans ce cas, comment Mitishraj Doorgah fait-il pour nourrir les siens ? Le trentenaire doit sa survie à ses parents, qui l’aident financièrement. « Mes parents habitent au rez-de-chaussée et ils nous aident beaucoup. Je suis triste qu’il en soit ainsi. Cela aurait dû être moi qui les aide, et non l’inverse », confie le jeune homme, qui peut également compter sur son épouse, qui a décroché un travail dans un magasin il y a quelques mois.

Mitishraj Doorgha déplore le fait que rien ne soit fait pour générer des emplois. « On parle de salaire minimal ? Avec la scolarité des enfants et les autres dépenses, comment voulez-vous que ceux qui vivent au bas de l’échelle s’en sortent ? Le prix des commodités ne cesse d’augmenter. On n’arrive jamais à épargner. Nous vivons au jour le jour. À chaque fois que j’ai un peu d’argent de mon entrepreneur, je vais à la boutique pour acheter des aliments. »

Pourtant, ajoute-t-il, ce n’est pas la vie dont il rêvait. « Ceux au bas de l’échelle sont condamnés à vivre un calvaire à vie… » conclut le trentenaire, résigné.

 

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