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Proposition de l’ICTA : Les dangers du contrôle des réseaux sociaux

L’Information and Communication Technologies Authority (ICTA) propose dans un document de consultation publié le 14 avril 2021, de contrôler les réseaux sociaux. Un système interceptera, décryptera, stockera et analysera tout ce que les Mauriciens consultent et publient sur les réseaux sociaux, notamment Facebook. Les contenus jugés préjudiciables seront retirés et des pages pourront être bloquées. Cela aura des conséquences sur les internautes et leurs publications. Le point.

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Intrusion

Le système de contrôle proposé par l’ICTA lui permettra d’intercepter, de décrypter et d’archiver le trafic interne en provenance et vers les réseaux sociaux, bref tout ce que les Mauriciens consulteront ou publieront sur ces plateformes. L’informaticien, Ish Sookun explique que lorsqu’un internaute mauricien se connectera à un réseau social contrôlé par l’ICTA, la connexion ne se fera pas au niveau des serveurs du site internet, mais au niveau de celui du régulateur. Ce dernier interceptera donc l’identifiant et le mot de passe de l’utilisateur, puis les stockera. « Je ne suis pas d’accord que l’ICTA fasse ce qui est généralement considéré comme illégal, non éthique et intrusif », lance-t-il. 

Censure

Le National Digital Ethics Committee (NDEC) pourra décider si un contenu est préjudiciable et demander à l’unité technique de le retirer, voire de bloquer la page en question. Selon Ish Sookun, le flou persiste sur la nomination des membres du NDEC. Il ajoute que le comité sera seul à juger si un contenu est préjudiciable. « Le NDEC aura la liberté complète de décider ce qui est préjudiciable. Si un article de presse en ligne expose le gouvernement à un scandale et génère une protestation de la part du public, le NDEC pourra le juger préjudiciable à l’harmonie sociale et demander à l’unité technique de bloquer le site », commente-t-il.

Traçage

Les données interceptées par l’ICTA permettront aux autorités de connaitre les activités que les individus font en ligne, selon Brian Dean Madanamootoo, ingénieur en informatique. « Bien souvent, les sites internet où il est nécessaire de se connecter (log in) proposent de le faire via les comptes Facebook. Il sera donc possible à l’ICTA de connaitre en détail les activités en ligne d’internautes », explique-t-il.

D’autres sites concernés

Selon Brian Dean Madanamootoo, l’ICTA pourra avoir accès aux données confidentielles présentes sur de nombreux sites, même ceux d’Internet Banking. Cette opinion est partagée par Ish Sookun. « Il n’y a rien dans le document qui limite l’application de la censure aux réseaux sociaux uniquement. Le document fait mention des réseaux sociaux, mais le NDEC décidera de ce qui est préjudiciable. Donc le NDEC a aussi le mandat de décider quels sont les sites internet qui sont  préjudiciables », affirme-t-il. Le document de consultation indique que le trafic internet des réseaux sociaux sera séparé des autres. Mais l’informaticien souligne qu’il n’est pas précisé ce que l’ICTA considère comme des réseaux sociaux.

Message sur Facebook

Dans son communiqué émis le lundi 19 avril 2021, l’ICTA assure que les services de messagerie ne seront pas concernés et que les messages qui y sont envoyés ne seront pas décryptés. Cependant, l’un de ces services, Messenger, est également disponible directement sur le site internet de Facebook qui sera contrôlé par l’ICTA. « Les messages privés seront donc accessibles par l’ICTA, car le protocole de sécurité est le même », souligne Vrigesh Futta, Account Executive de Gartner Inc. en Afrique du Sud. Il ajoute que le contrôle des visioconférences sur les services spécialisés comme Zoom ou Teams, par exemple, est aussi techniquement possible de contrôler, même si c’est moins pratique à faire.

Impact sur l’économie

L’informaticien expert d’internet et de cybersécurité, Loganaden Velvindron, a déclaré dans Le Défi Plus du samedi 17 avril 2021 que la proposition de l’ICTA va faire fuir les investisseurs et entreprises étrangers. « De nombreuses entreprises utilisent les réseaux sociaux. Intercepter le contenu au niveau national va poser des problèmes de confiance pour le troisième pilier économique du pays. L’ICTA propose un contrôle à cause des dérives, mais il y aura des répercussions sur l’économie du pays. Twitter s’installe au Ghana et avec de telles mesures, les réseaux sociaux ne viendront pas à Maurice et les firmes d’internet, comme Google, pourraient même mettre Maurice sur une liste noire », fait-il remarquer. 

Piratage

Brian Dean Madanamootoo note que les données confidentielles stockées par l’ICTA ne seront pas à l’abri d’un piratage informatique. S’ils trouvent une faille, des pirates informatiques pourraient mettre la main sur des données privées des utilisateurs mauriciens de Facebook. « À Maurice, nous n’avons pas les compétences pour développer un tel système de contrôle. Il faudra donc faire appel à des sous-traitants étrangers, ce qui posera un problème pour les mises à jour de sécurité », dit-il.

Ralentissement

Le système de contrôle proposé par l’ICTA pourrait avoir un impact sur la vitesse de connexion à internet, notamment sur les réseaux sociaux. En effet, selon Loganaden Velvindron, l’interception, le décryptage et le stockage du trafic internet en provenance et vers les réseaux sociaux prendront du temps. Les utilisateurs subiront donc un ralentissement.

Coût pour les contribuables

Le coût d’un tel système de contrôle sera très élevé pour les contribuables, selon Vrigesh Futta. Il nécessitera, entre autres, un data center conséquent pour stocker les nombreuses données consultées et publiées par les Mauriciens sur les réseaux sociaux. Il faut ajouter à cela le coût des logiciels de décryptage et de surveillance des données, ainsi que les ressources humaines. « Je serai surpris que ce projet voie le jour quand on sait qu’un data center de Facebook ou Google coûte entre 250 millions et 500 millions de dollars (soit entre Rs 10 milliards et Rs 20 milliards). Nous avons d’autres priorités. Il est préférable de trouver un accord avec Facebook », commente Vrigesh Futta.

Qu’en est-il dans le reste du monde ?

Chine

La Chine est l’un des pays où l’internet en général et les réseaux sociaux, en particulier, sont les plus contrôlés. Les réseaux sociaux internationaux, ainsi que de nombreux sites internet, y sont purement bloqués. Les Chinois n’ont officiellement pas accès à Facebook, Twitter, Instagram, WhatsApp, Google et YouTube. Cependant, selon la presse internationale, des Chinois contournent cette interdiction en utilisant des réseaux privés virtuels (VPN). La Chine bloque les services étrangers pour deux raisons. La première est le contrôle de l’information et la seconde est la protectionnisme de ses entreprises nationales.

Europe

Les pays européens ne contrôlent pas directement les réseaux sociaux. Ils profitent que ces derniers ont des représentations sur leurs territoires pour leur imposer de s’autoréguler. L’Allemagne et la France, par exemple, obligent légalement les réseaux sociaux à retirer sous 24 heures les contenus illégaux comme les insultes et les incitations à la violence. Les contenus jugés extrêmement dangereux doivent être retirés en une heure en France. Il s’agit par exemple de vidéos d’actes terroristes ou de pédopornographie. 

Inde

L’Inde a choisi le même modèle que l’Europe en rendant légalement les réseaux sociaux responsables des contenus qui y sont postés. The Information Technology (Intermediary Guidelines and Digital Media Ethics Code) Rules, 2021 sont sur le point d’être promulguées. Cette loi permettra au gouvernement et à la police d’intervenir plus facilement contre les réseaux sociaux par rapport à des contenus jugés préjudiciables.

Australie

En Australie, les réseaux sociaux qui ne retirent pas les contenus violents s’exposent à des amendes de 10 % de leurs profits annuels. Le pays des kangourous a instauré cette loi depuis la tuerie Christchurch en Nouvelle-Zélande qui a été diffusée en direct sur Facebook et YouTube.

Contrôle des réseaux sociaux : Quel impact sur la liberté d’expression des jeunes ?

Les relations entre les jeunes évoluent et sont impactées par leurs activités numériques. Avec l’émergence des nouvelles technologies, ils n’hésitent pas à utiliser les réseaux sociaux et les services de messagerie comme des espaces de liberté d’expression. Que pensent-ils de la proposition de l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA), de censurer les contenus des réseaux sociaux comme publié dans son document de consultation du public le mercredi 14 avril 2021 ? Le point dans cet article.

Deepshikha, 24 ans : « Nous avons tous des opinions différentes »

En un simple clic sur son smartphone, Deepshikha, 25 ans, utilise au quotidien les réseaux sociaux et les services de messageries. . « En publiant des contenus sur ces plateformes, cela permet d’avoir des conversations constructives ou d’échanger des idées sur les faits d’actualités. Néanmoins, nous y voyons également des tumultes incités par le biais des messages ou publications en ligne. Mais encore des photos d’accidents ou les événements traumatisants qui sont souvent publiée en ligne, sans consentement des parties impliquées », fait-elle ressortir. 

Dans de tels cas, elle pense que les contenus des médias sociaux devraient avoir un niveau de réglementation et de surveillance qui n’atteint pas le droit à la vie privée des Mauriciens. « En tant que personne active sur les réseaux sociaux et qui n'hésite pas à partager mes opinions sur les problématiques du pays, comment puis-je m’exprimer librement si tous mes contenus sont examinés de près ? » s’interroge-t-elle, en ajoutant que cette proposition de censure de l’ICTA est en train de sous-estimer le pouvoir des médias sociaux qui permettent aux gens d'avoir des conversations importantes et critiques pouvant inévitablement contribuer au progrès du pays. 
« Nous croyons au pouvoir de son peuple. Mais la réglementation des contenus que nous publions sur les réseaux sociaux n’est-elle pas une attaque directe contre notre démocratie ? Bien sûr, nous avons tous des opinions différentes qui ne correspondent parfois pas à une majorité de personnes. Mais c’est ainsi que nous pouvons avancer ensemble en tant que pays », dit-elle. 

« Si nous craignons d’inciter les discours de haine, la cybercriminalité, la violation des droits d’une personne en ligne, pourquoi le gouvernement ne dépense-t-il pas ses ressources pour éduquer les gens sur une utilisation plus sûre des médias sociaux et le consentement ? Pourquoi ne rend-il pas les plaintes de cybercriminalité accessibles dans toutes les écoles et lieux de travail ? MAUCORS a déjà été mis en place. Mais combien de personnes en sont conscientes ? », s’interroge-t-elle. 


PrisheelaPrisheela, 33 ans : « Renforcer la sécurité ne signifie pas mettre en jeu la liberté d'expression »

Avec les scandales récents sur l’application Telegram et la cybercriminalité sur les réseaux sociaux, Prisheela, 33 ans, indique qu’il faut reconnaître qu'il est nécessaire de renforcer les mesures de sécurité des utilisateurs par le biais des réglementations de l’ICTA. « Il faut tenir en compte le fait qu'il y a de nombreuses victimes en ligne et malheureusement des mineures lorsqu'il s'agit de pornographie juvénile. 

Cependant, renforcer la sécurité ne signifie pas mettre en jeu la liberté d'expression et la vie privée en interceptant des messages sur les réseaux sociaux. Elle devrait être laissée comme recours pour les affaires faisant l’objet d’une enquête sur ordonnance du juge », renchérit-elle. Initiatrice du groupe Raise Brave Girls sur Facebook, Prisheela publie quotidiennement des contenus et des opinions sur les réseaux sociaux. 

« Bien que les mesures de sécurité soient indispensables en ligne, on ne peut nier qu'il y a un manque d'éducation et de sensibilisation en ce qui concerne les lois réglementant la cybersécurité », dit-elle, tout en ajoutant que la plupart des parents ne sont pas équipés d'outils pour comprendre ce qui se passe sur les réseaux sociaux. « Nous devons soutenir les parents et les aider à utiliser les fonctions de sécurité sur un ordinateur, par exemple pour restreindre l'accès des enfants aux sites web pour adultes ou pour utiliser l'historique.  », conclut-elle.


Vaibhav, 23 ans : « C’est une bonne chose mais … »

Âgé de 23 ans, Vaibhav estime que cette proposition de l’ICTA est une bonne chose. Surtout par rapport aux publications communales, racistes, sexistes, irrespectueuses et à caractère sexuel qui prolifèrent en ligne. « Si l’ICTA applique cette censure, cela permettra un contrôle sur ces fléaux de société. Je dirais même que c’est génial et que ce sera une grande avancée pour une société mauricienne plus sécurisée », dit-il. 

Ce dernier indique que cependant si cette proposition de censure est adoptée dans le but de protéger les intérêts du gouvernement, elle portera atteinte à la liberté d’expression et d’information. « Si c’est le cas, est-ce que ce règlement de l’ICTA est vraiment valable ? Est-ce qu’elle se focalisera uniquement sur qui a dit quoi sur le gouvernement ou un politicien ? Est-ce que cette proposition de censure a pour but de protéger notre société ou pour museler la liberté d’expression et le droit à l’information ? », s’interroge Vaibhav. 

Ce dernier souligne à titre d’exemple que pour la Covid-19, la population est exposée à de nombreuses informations en ligne avant même que le comité de communication nationale les transmet à la population. « On voit aussi des gens qui sont arrêtés pour cybercriminalité sans connaitre les délits qui leur sont reprochés. Donc, je pense qu’il faudra que l’ICTA soit claire sur ce qui sera contrôlé ou pas, par rapport à la liberté d’expression. », conclut le jeune internaute.


Timothée, 23 ans : « Une entrave à notre liberté d'expression »

Âgé de 23 ans, Timothée estime que cette proposition de l'ICTA pour contrôler certains contenus sur les réseaux sociaux comme Facebook et Snapchat, entre autres, et qui n'a pas encore été votée à l'Assemblée nationale est une entrave à la liberté d’expression. 

« L’article 12 de notre constitution stipule ‘Except with his own consent, no person shall be hindered in the enjoyment of his freedom of expression, that is to say, freedom to hold opinions…’. Donc, en contrôlant le contenu du public, cela signifie clairement que nous n’aurons pas le droit de nous exprimer librement », indique le jeune internaute.

Celui-ci estime que si les messages et les publications seront décryptés, analysés, stockés et censurés, ce sera comme une atteinte à la vie privée des Mauriciens.


ArmelleArmelle, 21 ans : « C’est bien mais est-ce que notre vie privée sera-t-elle préservée ? »

A Maurice, il y a tellement de commentaires racistes, sexistes et communalistes en ligne qui font beaucoup de mal. Il y a aussi des milliers d’utilisateurs de diverses tranches d’âge qui sont exposés à la violence, la prostitution et à d’autres mauvaises pratiques sur les réseaux sociaux. Si avec cette proposition de censure, l’ICTA filtrera toutes ces choses, c’est une bonne chose, affirme Armelle, 21 ans. 

Celle-ci s’interroge cependant sur le niveau de contrôle qu’exerceront les membres du comité qui sera constitué pour vérifier les opinions sur les réseaux sociaux « On nous dit que ce comité sera indépendant mais qu’en est-il des membres ? Comment être sûr que cette censure n’est pas destinée à protéger le gouvernement et qu’elle ne va pas à l’encontre de ce qu’on nous dit ? A quel point, la mise en œuvre de cette loi ne portera pas atteinte à la vie privée des Mauriciens ? Sur quel motif se basera le comité pour laisser passer un commentaire ou pas ? Jugera-t-il une vidéo d’un point de vue personnel alors les opinions ne sont pas toutes les mêmes ? », s’interroge la jeune internaute. 

Celle-ci ajoute que bien que cette proposition de censure soit essentielle pour prévenir les abus sur les réseaux sociaux et protéger la population contre certains types de publications, elle se demande à quel point cette nouvelle mesure est bénéfique et à quel point il s’infiltrera dans nos vies.



 

Christina Chan-Meetoo, Senior Lecturer en communication et médias à l’UoM : « Les mesures proposées risquent de nous transformer en un ‘surveillance state’ »

Dans l'absolu, tout le monde souhaite voir une meilleure modération des contenus sur les réseaux sociaux. Car les dérapages existent, que ce soit en termes de contenus racistes, sexistes, haineux ou abusifs, couplés à des fausses nouvelles (fake news), faux profils et autres usurpations d'identités. Cependant, que cela soit contrôlé de manière centralisée en passant par un serveur proxy d'une agence de l'État qui décryptera tous les contenus avant de les classifier, est très disproportionné.  Ainsi affirme Christina Chan-Meetoo, Senior Lecturer en Communication et Médias à l’Université de Maurice (UoM).

Christina Chan-MeetooQu’est-ce qui a engendré cette proposition de censure des contenus sur les réseaux sociaux ?
Tous les pays du monde sont inquiets des dérives sur les réseaux sociaux ainsi que beaucoup d'organismes et chercheurs. Ils cherchent tous les moyens d'imposer aux plateformes de mieux modérer les contenus et d'agir plus rapidement. De grands pays qui ont des marchés plus significatifs ont plus de leviers pour négocier avec les plateformes. Ce qui n'est pas le cas de Maurice. Il semble que c'est pour cela que l'ICTA propose une formule où elle n'a pas à dépendre ou négocier avec les plateformes. 

Quels sont les dangers si cette proposition de censure est retenue ?
Cette proposition engendre une aberration plus grande que celle qu'elle essaie de résoudre. Les mesures proposées risquent de nous transformer en un « surveillance state ». Ce qui est mauvais pour une démocratie. Le document dit qu'il faudra des garde-fous mais ne donne aucun détail. Je vois difficilement quels garde-fous peuvent empêcher la perception d'abus potentiels par ceux qui auraient accès à ce système, y compris d'éventuels fournisseurs d'équipements, de logiciels ou de consultants.

Quel serait l’impact de cette censure sur les jeunes et leur liberté d’expression ?
C'est une bonne chose qu'il y ait une consultation permettant aux citoyens d'envoyer leurs commentaires sur la proposition. Il faut que les gens, y compris les jeunes qui sont de gros utilisateurs d'Internet, envoient des commentaires après avoir bien lu, compris et analysé les mesures. Cela afin de proposer un commentaire éclairé. C'est un bon exercice pour leur liberté d'expression. Si les propositions passent sans modification, l'impact sera négatif sur la liberté d'expression. Il y aura un « chilling effect » généralisé.

Si les médias sociaux peuvent être un outil positif pour aider les jeunes à se développer et s’exprimer, peuvent-ils également affecter leur santé émotionnelle et mentale ? 
Certainement. Tous les outils sont à double tranchant. Il est clair qu’en moyenne, les jeunes passent beaucoup plus de temps sur les réseaux sociaux. Il y a un travail de prise de conscience à faire pour prendre de la distance avec les vies virtuelles qui s'affichent en ligne et qui sont parfois montées de toutes pièces. Sans vouloir généraliser, les plus jeunes sont souvent plus vulnérables car ils ont moins d'expérience pour trier le vrai du faux, de même que certains internautes plus âgés. 

Quelles sont les solutions autres que celles de renforcer la loi sur le contrôle du contenu ?
Le « Consultation Paper » lui-même demande aux citoyens s'ils pensent qu'il faut renforcer le pouvoir des Cours de Justice pour sanctionner les abus sur les réseaux sociaux. La voie légale est donc une alternative à explorer. Il faut aussi envisager de mener des négociations avec les plateformes de réseaux sociaux sur le plan régional (Union Africaine, SADC) et pourquoi pas avec d'autres alliés faisant face aux mêmes problématiques tels que SIDS ? Il faut essayer de mieux sensibiliser les gens et les responsabiliser tout en leur permettant d'améliorer leur « digital literacy ». Mais encore les aider à comprendre quelles sont les limites de leur liberté d'expression pour ne pas enfreindre ni les lois, ni les libertés des autres concitoyens. 

Que risque-t-on si cette censure est adoptée ?
Il s'agit ici d'un tout nouveau mécanisme qui est proposé, inédit dans les sociétés démocratiques, qui risque en plus d'affecter la qualité de service sur Internet. Nous allons dégringoler dans beaucoup de classements internationaux reconnus si ces mesures sont adoptées.
 

Proposition de contrôle des réseaux sociaux par l’ICTA : Facebook « défend la liberté d’expression »


Le réseau social Facebook est le principal concerné par la proposition de l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA) de contrôler les réseaux sociaux. Sollicité par le Défi Media Group pour un commentaire, un porte-parole de Facebook, basé en Afrique du Sud, affirme que le réseau social suit de près la situation.

« Nous continuons de suivre de près les développements à Maurice concernant la nouvelle loi que l’ICTA a proposée sur la surveillance des activités  sur les réseaux sociaux dans le pays. Nous étudions les possibles implications. Nous croyons qu’internet a un grand pouvoir pour le développement social et économique, avec la liberté d’expression comme droit humain fondamental. Nous continuerons de travailler dur pour protéger et défendre ces valeurs à travers le monde », dit-il dans un courriel.

Pour rappel, l’ICTA propose dans un document de consultation publié le 14 avril 2021, un système qui interceptera, décryptera, stockera et analysera tout ce que les Mauriciens consultent et publient sur les réseaux sociaux, notamment Facebook. Les contenus jugés préjudiciables seront retirés et des pages pourront être bloquées. 

Sollicité pour une réaction à la position de Facebook, Dick Ng Sui Wa, président de l’ICTA, n’a pas souhaité faire de commentaires. Il indique que le régulateur interviendra moins dans la presse. « Suite à des commentaires reçus d’internautes que nous sommes trop présents dans les médias, le  conseil d’administration a décidé de laisser le public émettre ses opinions sereinement », affirme-t-il.

Les membres du public sont invités à soumettre leurs points de vue sur le dossier à l’adresse email socialmediaconsultation@icta.mu au plus tard le 5 mai 2021 à 16h. Des questions leur sont posées dans le document de consultation qu’il est conseillé de lire dans son intégralité avant de soumettre leurs commentaires.

 

L’opposition évoque la dangerosité de cette proposition 

Pour les membres de l’opposition, la proposition d’amender l’ICTA est extrêmement dangereuse. Selon eux, c’est un moyen pour le gouvernement de supprimer la liberté d’expression. 


Reza Uteem : « Le “hacking’ par le gouvernement »

Pour l’avocat et parlementaire Reza Uteem, une telle loi est extrêmement dangereuse. « On souhaite introduire une loi pour légaliser le “hacking“ par le gouvernement. Il n’y a pas de “privacy“ et de respect des droits. C’est en fait un concept de “big brother“. Ce qui n’est pas étonnant de la part d’un gouvernement qui ne rate pas une occasion de supprimer la liberté d’expression », explique Reza Uteem. 

Selon lui, cette proposition n’a pas sa raison d’être puisqu’il existe déjà un arsenal légal, notamment des lois sévères et répressives pour punir les abus et dérapages des internautes. 


Khushal Lobine : « Le gouvernement ne peut bâillonner la liberté d’expression »Khushal Lobine 

L’avocat et parlementaire, Khushal Lobine ne cache pas son inquiétude concernant la proposition d’amender l’ICTA. 

« Les personnes doivent avoir la liberté de s’exprimer et là c’est le contraire. On doit reconnaître que nous disposons déjà de lois solides pour sanctionner des internautes coupables d’abus. », estime le député du Parti mauricien social-démocrate. 

Ce projet bafoue les droits fondamentaux qui sont ancrés dans la Constitution. Selon lui, il va également à l’encontre de ce que prône le gouvernement. « On veut créer une industrie de l’innovation, encourager le Work From Home, inciter les PME à utiliser ces plateformes pour leur business, etc. Il y a forcément des informations sensibles qui circulent. Mettre sur pied un système qui épie les gens c’est tuer ces activités. »

 

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