Economie

Croissance croissante, investissement en déclin

construction

Les derniers chiffres de Statistics Mauritius brossent un tableau plutôt sombre –de l’investissement, surtout privé. En effet, il y a eu une baisse importante de l’investissement privé, alors que les investissements du secteur public sont en hausse, avec de nombreux projets gouvernementaux en plein essor. Alors, qu'est-ce qui freine l'investissement privé ?

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Les chiffres sont éloquents. Le secteur privé n'investit pas assez, selon les rapports officiels. Alors que le taux d'investissement global devrait augmenter légèrement, passant de 17,4 % en 2017 pour atteindre 17,8 % en 2018, le taux d’investissement privé est estimé à 12,9 % en 2018 contre 13,3 % en 2017. Le taux d'investissement public passera lui de 4,1 % en 2017 à 4,9 % en 2018. Le taux de croissance PIB estimé pour l'année 2018 reste à 3,9 % comme prévu en juin 2018, soit une très légère hausse par rapport à la croissance de 3,8 % enregistrée l'année dernière.

Il est un fait que l’investissement public est en train de rebondir et que de grands projets sont en cours à travers l’île: le Metro Express, la construction des routes, des bâtiments publics, des drains et l’extension du réseau d’égouts, le remplacement des tuyaux par la Central Water Authority, la poursuite du programme de logement social, etc. En ce qui concerne l’investissement privé, il s’agit principalement de projets immobiliers.

Alors, qu'est-ce qui freine l'investissement privé ? Les gouvernements successifs ont toujours lutté pour créer un environnement propice à l’investissement, que ce soit local ou étranger. Toutefois, des acteurs économiques estiment que l’absence des directives appropriées, peut-être la cause d’un désintérêt pour l’investissement. Parmi les autres facteurs qui ont une incidence sur les investissements, il y a la bureaucratie excessive, un manque de ressources humaines qualifiées, l'absence de cadre législatif, la résistance de la société civile quant à certains projets d’envergure, le manque d'idées, la désinformation sur les réseaux sociaux, entre autres. Les investissements privés doivent nécessairement augmenter considérablement pour que l’économie connaisse une croissance plus forte, surtout que notre objectif est de devenir un pays à revenus élevés. Mais les nouvelles idées pour relancer l'investissement semblent faire défaut.

Pour l’économiste Frankie Tang, c’est un cycle normal que les investissements privés diminuent à l’approche de la fin d’un mandat politique, car le début d’un nouveau mandat coïncide avec l’élaboration de nouvelles mesures économiques. De son côté, Zohra Gunglee, économiste et chargée de cours à l'UClan, ne trouve rien d’alarmant dans la baisse du taux d’investissement privé, car cela est en partie compensé par la hausse de l’investissement public. « Nous assistons à un investissement massif dans les infrastructures publiques et dans le temps, cela engendrera les projets privés. » Mais elle est d’avis que les autorités compétentes en matière de promotion d’investissement auraient dû déjà, dès la publication du rapport de Statistics Mauritius, analysé les causes d’un rétrécissement de l’investissement privé. 

Secteurs en déclin

Les secteurs productifs tels que le manufacturier et l'agriculture demeurent les parents pauvres de l’investissement. Le secteur manufacturier devrait connaître une croissance de 0,9 % cette année, après une croissance de 1,5 % en 2017, tandis que l'agriculture ne progressera que de 0,8 %, contre 2,3 % en 2017. Ces deux secteurs n’attirent pas vraiment les investisseurs bien que des opportunités existent.

Faible investissement: quel impact sur la croissance ?

Ce n'est pas nécessaire qu'un faible niveau d'investissement ait un impact négatif sur la croissance. Certains secteurs à Maurice sont en plein essor et ne nécessitent pas de gros investissements. Par exemple, les secteurs des services financiers et des TIC/BPO nécessitent beaucoup de main-d’œuvre et peuvent créer un nombre élevé d’emplois. Ils peuvent également générer des chiffres d’affaires conséquents avec un investissement initial très faible. Cependant, des projets à faibles investissements n’ont pas la faveur des autorités, car le minimum requis pour qu’un étranger soit éligible à un permis d’investisseur est de 100,000 dollars. Ceci pourrait constituer un obstacle majeur à l’afflux de talents étrangers dans le pays, certains types d’entreprises innovantes pouvant toujours créer des emplois sans investissement majeur.

FDI

Concernant les investissements directs de l’étranger (IDE), Maurice a reçu Rs 6,098 millions durant le premier trimestre de 2018, un chiffre pratiquement similaire à celui de la période correspondante de l’année dernière. En 2017, les IDE avaient atteint 17,5 milliards de roupies, contre seulement Rs 13,6 milliards en 2016.

Moonsamy Mooraghen : «Un nouveau mindset stimulera les investissements»

Moonsamy Mooraghen, un promoteur immobilier, explique que les ‘guidelines’ et la législation en vigueur peuvent poser obstacle à l’investissement. Il cite le cas du secteur de la construction où les règlements n'encouragent pas les investissements appropriés, car les restrictions sont trop nombreuses. Il estime qu’un assouplissement permettra non seulement de stimuler davantage le secteur de la construction, mais également réduire la spéculation immobilière  et rendre l’acquisition des propriétés à la portée de la classe moyenne. Cela va également permettre une utilisation optimale des terres limitées. « Je ne comprends pas pourquoi il existe une restriction en hauteur pour le développement sur le littoral. Tout le monde veut un appartement près de la côte et avec l’indisponibilité des terres, le prix grimpe. Si le gouvernement autorise la construction d'immeubles en hauteur, comme cela se pratique dans tous les autres pays, l'offre pourra répondre à la demande », suggère-t-il. Avec des gratte-ciels sur la côte, nous pouvons économiser sur l’usage des terres, libérant ainsi des parcelles pour des espaces vertes, entre autres. « Même les hôtels sur la plage devraient commencer à songer au développement vertical, libérant ainsi des terrains pour les utiliser comme des plages publiques. »


Nadeem Mosafeer : «Il faut comprendre que Maurice n’est pas le nombril du monde»

Nadeem Mosafeer, CEO de Gibson & Hills, société qui se spécialise dans la création et la gestion d'entreprises et l’accompagnement des investisseurs, est d’avis qu’il est erroné de penser que Maurice est le nombril du monde et que les gens se bousculent pour venir investir chez nous. « Cela ne sert à rien d’effectuer des road-shows ou de participer à des salons internationaux si les autorités maintiennent leur attitude prétentieuse à l’égard de ceux qui débarquent finalement ici. L’utilisation abusive de termes tels que « hub », « centre d’excellence », « World Class » devrait cesser jusqu’à ce que nous réalisions que nous n’avions pas atteint ce stade et que des efforts constants sont nécessaires de la part de toutes les parties, privées ou publiques. »

Nadeem Mosafeer pense qu’il ne faut pas considérer les professionnels étrangers comme des concurrents aux Mauriciens, mais plutôt comme des partenaires dans un environnement global. Il explique que des investisseurs étrangers font face à beaucoup de contraintes à Maurice et plusieurs d’entre eux abandonnent leur projet d’investir chez nous, épuisés et frustrés par le parcours de combattant. « Parfois il y a une incohérence parmi les différents officiers d’un même département. Par exemple, le personnel ne comprend même pas la vocation première de leur institution! » Il déplore que certaines institutions agissent totalement à l’opposée de la vision du gouvernement, ce qui a une incidence sur le niveau des investissements privés. Il ajoute que la bureaucratie ne gangrène pas que le secteur public. « Tenez, les banques prennent six semaines pour ouvrir un compte bancaire pour un investisseur étranger ! Cela retarde tout le processus de demande de permis de résidence ! »

 

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