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Chagos : Les opinions par rapport à la réplique anglo-américaine

Cassam Uteem et Milan Meetarbhan

Milan Meetarbhan:« Réaction choquante des Américains et des Britanniques »

Comment réagissez-vous au communiqué conjoint, émis par la Grande-Bretagne et les États-Unis, parlant de préjudice dans leurs relations avec Maurice si le gouvernement mauricien a recours à la Cour internationale de Justice sur le dossier Chagos ? La réaction de deux pays qui disent défendre la démocratie et l’État de droit à travers le monde est choquante. La démarche du gouvernement mauricien est simplement de demander un avis consultatif à la Cour internationale de justice. Ce n’est même pas un contentieux. D’ailleurs, il ne va pas en devenir un, car les Britanniques ont changé certaines règles, afin que Maurice ne puisse saisir cette cour de justice. C’est simplement un avis consultatif qui est recherché. Il ne sera même pas binding pour la Grande-Bretagne et les États-Unis. C’est étonnant de voir deux pays qui se considèrent comme les champions du droit et du respect du droit tenter d’empêcher Maurice d’avoir un rapport juridique sur l’excision des Chagos. Maurice dit être disposé à louer Diego Garcia aux Américains… Personnellement, j’ai des réserves sur l’intention de différencier Diego Garcia des autres îles faisant partie de l’archipel des Chagos. Toute position prise dans cette direction pourrait avoir des répercussions juridiques importantes à l’avenir. Certes, la question a déjà été évoquée dans le passé, mais je souhaite que Maurice révise sa position et examine les conséquences de faire une distinction entre telle et telle île. Quelle est la meilleure option pour Maurice devant une telle menace ? En diplomatie, il arrive que certains pays exercent une certaine pression en évoquant de possibles conséquences sur les relations bilatérales. Toutefois, ces différends ne sont jamais étalés sur la place publique. Là, on a un communiqué qui, à deux reprises, évoque des préjudices possibles sur les relations entre Maurice et les États-Unis et la Grande-Bretagne. Devant une telle attitude, je pense que Maurice n’a d’autre choix que de poursuivre dans cette voie. Il faut réaliser que nous n’avons pas le droit de saisir directement la Cour internationale de justice pour demander un avis consultatif. Il faut passer par une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies. Quand on voit leur position, nous devons nous attendre à ce que la Grande-Bretagne et les États-Unis fassent un lobby très intense pour que cette résolution ne passe pas. Ce sera difficile pour Maurice ? Le pays doit faire un lobby afin d’avoir le soutien de la majorité des membres des Nations unies pour faire adopter cette résolution. Nous devrons nous attendre à une campagne intense à New York pour que cette résolution ne passe pas. Après leur défaite devant le tribunal d’arbitrage sur la Marine Protected Area, les Britanniques ne veulent pas prendre le risque d’un avis consultatif. Même si celui-ci n’est pas binding, ils seront embarrassés si la Cour international juge qu’il y a eu non-respect du droit international par rapport aux Chagos. Que pensez-vous de la proposition de Maurice pour un bail à long terme avec les États-Unis ? C’est la position de Maurice depuis quelque temps. C’est-à-dire qu’à l’expiration du présent bail, il faudrait en établir un nouveau entre les États-Unis et Maurice, et non entre la Grande-Bretagne et les États-Unis. L’État mauricien ne remet pas nécessairement en question la présence d’une base américaine sur Diego Garcia. En effet, nous avons toujours dit qu’il fallait reconnaître la souveraineté de Maurice sur les Chagos. Dans le communiqué, les deux grands pays disent qu’il faut continuer le dialogue, mais jusqu’ici, on ne peut pas dire qu’il y a eu un vrai dialogue sur la question. D’une part, ils ne veulent pas engager de dialogue. D’autre part, ils font pression quand on décide d’aller devant un tribunal pour demander un avis consultatif. Finalement, nous n’avons aucune plate-forme possible pour le dialogue. [row custom_class=""][/row]

Cassam Uteem: « Chantage odieux et inacceptable »

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"19965","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-large wp-image-3657","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"960","height":"540","alt":"Cassam Uteem"}}]] Votre réaction suite au communiqué conjoint américano-britannique ? Il est évident que l’objectif est de nous empêcher de porter le dossier Chagos devant la Cour internationale de justice. C’est une politique que je qualifierai de bullying. Elle fait suite à la déclaration du Premier ministre à l’Assemblée nationale. J’espère qu’il dispose d’un plan B. Un petit pays comme le nôtre ne peut chercher querelle avec les grandes puissances qui dirigent le monde. Déjà que nous aurons une batterie de négociations à mener avec la Grande-Bretagne suite à son retrait de l’Union européenne... Pourtant, notre requête n’est pas exagérée, car il s’agit de notre souveraineté. Que faut-il faire ? Personnellement, j’estime qu’il ne peut y avoir de base américaine sur notre territoire. On ne peut casser la baraque pour autant, car nous avons les mains et les pieds liés. Je pense qu’il faut dialoguer. Si le gouvernement pense qu’avec mes moyens limités, je peux être utile, je suis disposé à aider à trouver une entente. J’espère que tout n’est pas perdu, car avec le Brexit nous nous retrouvons dans une situation très délicate. Depuis 40 ans, Maurice ne cesse de lancer des ultimatums. Était-ce des coups d’épée dans l’eau ? Cette fois, l’ultimatum a été lancé le plus officiellement du monde par le Premier ministre à l’Assemblée nationale. Les Anglais et les Américains l’ont pris très au sérieux. Maurice pourra-t-il s’assurer le soutien de suffisamment de pays pour faire passer une éventuelle résolution aux Nations unies ? Ce n’est pas impossible. Moi, j’ai toujours pensé que ce problème ne se réglerait pas devant la justice, mais politiquement. Pour avoir le soutien d’une majorité de pays, dont ceux du continent africain, il faut être très clair sur ce que nous souhaitons. Le communiqué parle de « lasting damage to Mauritius ». Que comprenez-vous par cela ? Ils disent que si Maurice poursuit sa démarche, il faut oublier les accords facilitant l’accès de nos produits sur les territoires américain et britannique. Je trouve ce chantage odieux et inacceptable. En même temps, je suis assez lucide pour dire que nous devons maintenir le dialogue avec ces deux puissances en vue d’arriver à un accord.
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