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Au Cœur de l’Info - Kevin Teeroovengadum, économiste : «Pendant qu’on se bagarre, nos compétiteurs prennent l’avantage»

Il faut discuter et trouver des solutions ensemble.

Kevin Teeroovengadum n’a pas mâché ses mots sur le « tug of war » entre le gouvernement et le secteur privé. Pour l’économiste, la vision du pays doit primer avant tout. Et chacun, sans exception, devra consentir à des sacrifices. Car, sans compromis, c’est la faillite économique qui nous attend. Il intervenait lors de l’émission Au Cœur de l’Info, animée par Ruth Rajaysur et Patrick Hilbert, le lundi 16 novembre. 

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«Malheureux ! ». C’est le mot qui vient à la bouche de l’économiste Kevin Teeroovengadum, quand il évoque le « problème de communication » entre le secteur privé et le gouvernement, dans un contexte où le pays fait face à « une grande récession qui va perdurer pendant des années ». « Maurice est extrêmement vulnérable et se trouve dans une situation peut-être pire que la Grèce pendant la récession économique », ajoute-t-il. Or, au lieu de trouver des solutions, déplore-t-il, le gouvernement et le patronat se livrent à des « batailles inutiles ». 

Il est grand temps, insiste-t-il, que les leaders de deux parties se rencontrent directement. « Ce n’est pas normal qu’il faut passer par plusieurs conseillers et ministères pour joindre le Premier ministre. Le chef de l’État doit ‘step in’ pour rencontrer les représentants du secteur privé », recommande-t-il. Pour l’économiste, le secteur public, celui du privé, ainsi que la société civile « doivent s’asseoir ensemble et être tous prêts à faire des sacrifices ». « Chaque partie veut protéger ses acquis. C’est impossible ! », prévient-il. Pour Kevin Teeroovengadum, il n’y a que deux choix possibles : la faillite économique ou le compromis. « Il faudra faire des compromis en mettant de côté ses émotions », recommande-t-il. 

Surtout si l’on veut éviter de créer un climat d’instabilité. « Les entreprises peuvent toujours fermer leur porte si elles trouvent que faire du business devient trop difficile. Est-ce cela que nous voulons ? Que les actionnaires partent ailleurs ? », martèle l’économiste. Et d’ajouter : « Pendant que nous nous bagarrons, les compétiteurs prennent l’avantage ». Il cite notamment l’exemple des Seychelles pour sa réussite sur le plan touristique depuis la réouverture de ses frontières, ou encore celui du Rwanda dont le secteur financier fonctionne très bien. D’où son insistance pour que « créer une vision » pour le pays et définir un « road map » avec l’apport de chaque partie dans la philosophie du sacrifice. « Il est très important de se réunir pour sauver les piliers de notre économie et venir de l’avant avec de nouvelles industries, dont l’économie bleue. Il est temps de cesser ces tiraillements, de créer de la valeur et de venir avec des idées concrètes. »

À une question si c’est l’économie ou la santé qui doit primer, Kevin Teeroovengadum répond : « C’est un faux débat. Les deux vont de pair. Il faut discuter et trouver des solutions ensemble. Aux Seychelles, ils ont ouvert leur frontière depuis quatre mois et la Covid-19 est sous contrôle. Au lieu de se bagarrer, regardons ce que font nos voisins et copions ce qu’ils font ». 

Pierre Dinan, économiste : «Les demandes du secteur privé vont dans le bon sens»

« C’est le moment de travailler main dans la main contre un ennemi commun qu’est la Covid-19. Plus vite la relation s’améliore, mieux c’est », recommande Pierre Dinan, face au conflit qui oppose le gouvernement et le patronat. Surtout, poursuit l’économiste, que les « intérêts sont les mêmes ». Afin de préserver l’emploi, poursuit-il, il faut s’assurer que notre économie fonctionne et qu’on n’oublie pas une section de la population au bas de l’échelle. « Les entreprises doivent pouvoir produire et vendre leurs produits et services et le gouvernement doit s’assurer que les richesses produites soient distribuées équitablement avec une part aux plus démunis », ajoute-t-il. 

Interrogé sur les demandes du secteur privé, l’économiste estime qu’elles « vont dans le bon sens », notamment la demande pour retarder certaines lois jusqu’à ce que la situation retourne à la normale. Au niveau de la CSG, Pierre Dinan s’aligne avec le patronat et déplore le manque de consultation. 

Commentant la situation économique, l’économiste estime que le pays devra s’adapter à la nouvelle normalité. « C’est l’occasion de revoir le profil de notre économie et de mettre en place de nouveaux piliers en mettant l’accent sur nos ressources maritimes », recommande-t-il. Il réclame aussi la prudence quand on cherche des aides bilatérales. « On ne gagne rien sans rien exposer », souligne-t-il. À une question sur l’endettement du pays, Pierre Dinan fait ressortir que la situation économique force les gouvernements à s’endetter de plus en plus. « Mais, il faut garder à l’esprit que ce sont les nouvelles générations qui vont devoir rembourser la dette. D’où l’importance de faire bon usage de l’argent reçu et d’éviter les gaspillages », a-t-il conclu. 

Jack Bizlall, syndicaliste : «L’emploi et les salaires de 80 000 travailleurs menacés»

« Dans une situation de crise, nous devons garder la tête froide ». Tel est le point de vue de Jack Bizlall. Selon le syndicaliste, le différend entre le gouvernement et le patronat n’est qu’une « guerre des intérêts » tout en déplorant « la réticence » du secteur privé à utiliser ses « ressources amassées pendant des années ». Le syndicaliste s’en est aussi vivement pris aux hôteliers, « qui préfèrent ouvrir les frontières qu’importe si les gens meurent du moment que l’économie marche ». Pour Jack Bizlall, il n’y a pas trente-six solutions : le secteur privé doit faire des efforts et puiser dans ses ressources. 

Le gouvernement en a aussi pris pour son grade. Le syndicaliste déplore le « manque de compétence, de réflexion, d’écoute » du gouvernement ainsi que son  « incapacité à gérer la crise sans céder aux pressions du secteur privé ». « Si le gouvernement n’arrive pas à assumer ses responsabilités, qu’il part », martèle-t-il. 

Jack Bizlall a aussi exprimé ses craintes sur l’emploi. « Les salaires et les emplois de 75 000 à 80 000 travailleurs sont menacés dans les mois à venir. Nous avons six à neuf mois difficiles devant nous », appréhende-t-il, tout en lançant un appel à la mobilisation des travailleurs.


François de Grivel, industriel et chef d’entreprise : «Ce n’est pas la politique qui doit remporter la bataille»

Un « dialogue objectif, dans la bonne entente ». C’est dans cette direction que François de Grivel estime que nous devons nous tourner. L’industriel insiste que c’est dans le dialogue qu’on trouve des solutions. « Sans un dialogue franc et ouvert, la tâche s’annonce plus difficile », fait-il ressortir.  François de Grivel déplore la « pression politique » autour d’un certain nombre de décisions du gouvernement. « C’est dommage ! », souligne-t-il. Et d’ajouter : « En fin de compte, ce n’est pas la politique qui doit remporter la bataille, c’est l’économie qui doit être développée et cela implique tous les secteurs ». 

Pour François de Grivel, les « demandes sérieuses » du secteur privé sont dans l’intérêt commun du pays afin que les entreprises puissent continuer à produire et qu’il n’y ait pas de pertes d’emplois. « Le pays ne pourra remonter la pente qu’au cours de 2021, mais avec une stratégie commune publique-privée et dans le dialogue permanent », insiste-t-il en rappelant que l’effort financier du gouvernement n’est « pas des dons, mais des prêts sur le long terme ».

François de Grivel se prononce également pour la réouverture des frontières, mais avec des précautions sanitaires à adopter avant et pendant les arrivées touristiques. « Nous ne pouvons fermer le pays trop longtemps. Ce qui viendra ajouter aux problèmes difficiles auxquels nous faisons déjà face. Il y a des étapes qu’il faut mettre en place tout de suite », insiste-t-il.

 

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