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Attaques contre le judiciaire : la question de l’immunité des juges et des magistrats discutée

La libération sous caution de Bruneau Laurette n’a pas été bien digérée par le PM qui s’en est pris à la magistrate, Jade Ngan Chai King.
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Les critiques qui s’abattent sur le Premier ministre après qu’il a formulé de sévères critiques contre le Judiciaire et le bureau du Directeur des poursuites publiques ne changent en rien la posture de Pravind Jugnauth. Son entourage légal parle de critiques « justifiées ».

«Critiquer une cour de justice ou des juges ne doit pas être considéré comme un délit ». C’est la logique exprimée par l’entourage légal du chef du gouvernement, Pravind Jugnauth, afin d’expliquer les critiques répétitives contre la magistrate Jade Ngan Chai King qui a accordé la libération sous caution à Bruneau Laurette. Des critiques à peine voilées ont également été formulées par Pravind Jugnauth contre le Directeur des poursuites publiques (DPP), qui n’a pas fait appel contre la décision de la magistrate Jade Ngan Chai King. 

Le Défi Quotidien s’est tourné vers les hommes de loi qui composent généralement le giron légal du chef du gouvernement afin de mieux comprendre le raisonnement derrière les critiques de Pravind Jugnauth contre le Judiciaire. 

Parlant sous le couvert de l’anonymat, ces représentants légaux du Premier ministre avancent que « le temps où les juges et les magistrats étaient considérés comme des seigneurs est aujourd’hui révolu. Leurs décisions qui impactent la vie publique de tout un pays doivent être passées à la loupe dans un État où on ne cesse de parler de redevabilité. Pourquoi les juges et les magistrats doivent-ils faire cette exception ? » s’interroge un avocat proche de Pravind Jugnauth. Il prend aussi le soin de faire ressortir que s’il est inapproprié de faire des commentaires sur une affaire qui est en cours, en revanche, une fois un jugement rendu, « on doit être capable d’émettre des critiques et de décortiquer le jugement. Aussi, de nombreux avocats se permettent de faire des commentaires sur une affaire qui est encore en cours ».

Étant d’avis qu’il s’agit d’un débat fort intéressant partout à travers le monde, une autre source proche du Premier ministre et qui fait aussi partie de son cercle légal avance que plusieurs pays ont revu leurs copies quant à l’immunité des juges et magistrats contre les critiques. « Différents pays progressistes à travers le monde ont établi que l’interdiction de critiquer un jugement est archaïque et ont rectifié le tir », explique-t-on. 

Aussi, afin d’appuyer ces arguments, différents hommes de loi proche du gouvernement mettent en avant le ‘Preliminary Report’ de Geoffrey Robertson sur les Media Law and Ethics soumis à l’ex-Premier ministre, Navin Ramgoolam, en 2013. « Tout un volet est consacré au thème ‘Scandalising the Court’. Geoffrey Robertson avait dès, cette période-là, affirmé que : ‘The Law Commission in England recommended the abolition of the crime of scandalisation’. Il avait également été dit dans ce même rapport que ‘The crime of scandalisation should be reconsidered’ ».

Ce qu’a dit le Premier ministre

Pravind Jugnauth a, dans un premier temps, affirmé que certaines institutions sont sous l’emprise de la mafia lors d’une campagne de ‘National Clean-up’ le 26 février. « Mo bien inkie kan mo trouve ki manierr ca bann mafia-la zot ena linflians lor sertin dimounn dan sertin lotorite dan sertin institision », avait-il dit.  Quelque temps plus tard, soit le 7 mars, Pravind Jugnauth est revenu à la charge en affirmant : « Lorsque quelqu’un est arrêté avec autant de drogue, la loi n’est pas appliquée comme il se doit (…) Je trouve choquant que certaines décisions prises récemment, au lieu de combattre la mafia, sont en train de l’aider ». 

Les dernières critiques du Premier ministre, le 14 mars dernier, lors d’une cérémonie privée en présence de certains chefs religieux, ont cette fois-ci été plus frontales. Il a qualifié le jugement de la magistrate, Jade Ngan Chai King de « bancal ».

Le Bar Council persiste et signe

priscilla
Me Priscilla Balgobin-Bhoyrul, est la présidente du Bar Council.

Le Bar Council n’a pas tardé à réagir après les récentes attaques contre le bureau du Directeur des Poursuites Publiques (DPP) et le judiciaire. Dans cette optique, une correspondance sera adressée, ce jeudi 23 mars 2023, à la Chef juge Bibi Rehana Mungly-Gulbul, et au président de la République Prithvirajsing Roopun. C’est ce qu’a affirmé la présidente du Bar Council, Priscilla Balgobin-Bhoyrul, au Défi Quotidien. 

« Nous devons intervenir. Car nous condamnons fermement ces attaques gratuites et infondées. Surtout que cela concerne une magistrate qui est sous la responsabilité de la Chef juge. Nous souhaitons que des actions soient prises le plus vite possible. » 

Une résolution a été votée et adoptée à l’unanimité condamnant sans réserve toute attaque contre le judiciaire et le bureau du DPP. C’était lors d’une réunion spéciale tenue le 21 mars 2023, au siège de la Mauritius Bar Association (MBA) à Port-Louis. Cela faisait suite à la requête d’une douzaine avocats réclamant l’intervention de l’ordre des avocats après des attaques contre le judiciaire et le bureau du DPP. 

Dans leur correspondance, ils ont condamné les attaques sur la page « Sun TV News » sur le réseau Facebook. Attaques contre l’ancien Chef juge Eddy Balancy, le DPP Rashid Ahmine, l’avocat Shakeel Mohamed et la magistrate siégeant au tribunal de Moka. 

Les avocats ont avancé que ces attaques visent à saper l’État de droit ainsi que l’indépendance et l’autorité du judiciaire et à semer le doute sur l’intégrité du pouvoir judiciaire du DPP et d’un membre du barreau. Le bureau du DPP a également porté plainte à la police contre la page « Sun TV News » dans cette affaire. 

Position revue du DPP 

Au cours de la réunion spéciale, il a été porté à la connaissance de la Mauritius Bar Association (MBA) que d’autres membres sont également concernés par ces attaques. 

Ces attaques sont survenues après que Bruneau Laurette a obtenu, le 23 février 2023, la liberté sous caution par le tribunal de Moka. Et aussi le fait que le DPP a revu sa position et n’a pas fait appel de la décision du tribunal de Moka.  

D’autre part, elle a ajouté avoir récemment eu une rencontre avec le DPP, Rashid Ahmine, et Me Rajesh Ramloll, Senior Counsel et Sollicitor General du bureau de l’Attorney General. « Notre objectif est de promouvoir notre profession et que nous soyons unis », soutient la présidente du Bar Council. Elle est aussi d’avis qu’il faut avancer, innover et dynamiser avec l’ère de la technologie. 

D’autre part, elle a ajouté avoir fait une requête auprès du commissaire de police (CP), Anil Kumar Dip, pour une rencontre. « Le bureau du CP a répondu positivement. Nous voulons travailler conjointement et aussi faire des représentations auprès du CP à la requête des membres », explique Me Priscilla Balgobin-Bhoyrul. Tout en affirmant qu’elle espère que le CP va leur rencontrer bientôt.

 

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