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Astrid Sylvie, HR and Sales Manager chez Myjob.mu : «Des congés menstruels entraîneraient des perturbations et des coûts supplémentaires»

L’île Maurice est-elle sortie d’affaires après la crise provoquée par la pandémie de Covid-19 qui a vu l’économie locale se contracter par environ 15 % ? Astrid Sylvie, Human Resource and Sales Manager de la société de recrutement Myjob.mu fait observer « que tous les secteurs n’ont pas nécessairement repris au même rythme », avant de préciser : « la situation de l’emploi à Maurice après la pandémie de Covid-19 a été mitigée. »

Comment a été la reprise depuis ces deux années post-Covid à Maurice. Est-ce que tous les secteurs économiques ont-ils repris leurs activités ?

La reprise économique à Maurice depuis les deux années post-Covid a été progressive, mais prometteuse. Les autorités ont mis en place diverses mesures pour stimuler l’économie et soutenir les secteurs les plus touchés par la pandémie. Les secteurs clés tels que le tourisme, qui est vital pour l’économie locale, ont montré des signes de reprise, bien que le rythme puisse varier en fonction des périodes. D’autres secteurs comme la technologie, l’agriculture et les services financiers ont également contribué à la reprise économique.

Cependant, il est important de noter que tous les secteurs n’ont pas nécessairement repris au même rythme. Certains, comme le tourisme international, ont été plus lents à se remettre en raison des restrictions. D’autres secteurs ont pu bénéficier de la transition vers des modèles de travail à distance et de l’augmentation de la demande pour certains produits et les services liés à la pandémie. Le monde du travail a, en effet, subi des transformations majeures au fil des années, et la pandémie de Covid-19 a accéléré bon nombre de ces évolutions. La pandémie a contraint plusieurs entreprises à adopter le télétravail à une échelle sans précédent. Cela a démontré que de nombreuses tâches peuvent être effectuées à distance de manière efficace.

Quelle est la situation sur le front de l’emploi ? Y a-t-il eu des suppressions de postes et quels sont les secteurs qui, en revanche, sont en train de recruter ?

La situation de l’emploi après la pandémie de Covid-19 a été mitigée. Comme dans de nombreux pays, il y a eu des suppressions de postes dans certains secteurs à Maurice, en particulier ceux fortement dépendants du tourisme et de l’hôtellerie. Les restrictions de voyage et les mesures de distanciation sociale ont entraîné une baisse de la demande dans ces secteurs, ce qui a conduit à des licenciements et à des mises en disponibilité.

Cependant, certains secteurs ont continué à recruter, voire ont connu une augmentation de l’intérêt pour leurs services. Par exemple, celui des technologies de l’information et de la communication (TIC) a vu une demande accrue pour les services numériques et les solutions de travail à distance. Idem pour celui de la santé et des sciences de la vie pour les professionnels de la santé et les travailleurs des laboratoires.

En outre, des efforts ont été déployés pour stimuler l’emploi à travers des programmes de formation et de reconversion professionnelle, ainsi que par le biais de mesures de soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) pour encourager la création d’emplois.
Dans l’ensemble, bien que certains secteurs aient été durement touchés, d’autres ont montré une résilience et une capacité à s’adapter à la nouvelle réalité économique post-Covid-19.

Les autorités ont mis en place diverses mesures pour stimuler l’économie et soutenir les secteurs les plus touchés par la pandémie"

Y a-t-il eu réorganisation/réadaptation des salariés dans les postes compatibles avec le télétravail ?

Oui, cette tendance a été largement motivée par la pandémie qui a poussé de nombreuses entreprises à adopter le télétravail comme mesure de sécurité sanitaire. Cette transition a souvent impliqué la mise en place de technologies adaptées, ainsi que des ajustements dans les méthodes de gestion et de communication. En conséquence, de multiples postes ont été adaptés pour être effectués de manière efficace à distance lorsque cela est possible. De plus, on a noté des changements dans la manière dont les entreprises organisent leurs opérations et gèrent leurs effectifs.

Dans quelle mesure le manque de main-d’œuvre locale affecte-t-il certaines entreprises ?

Il varie en fonction du secteur d’activité, de la localisation géographique et d’autres facteurs. Voici quelques exemples : 

  • Difficulté à pourvoir des postes vacants : Si une entreprise a du mal à trouver des travailleurs locaux qualifiés pour remplir des postes vacants, cela peut entraîner des retards dans les projets, une diminution de la productivité et une charge de travail accrue pour les employés actuels.
  • Besoin de recourir à une main-d’œuvre étrangère : Dans certains cas, les entreprises peuvent être obligées de recruter des travailleurs étrangers pour combler les lacunes de main-d’œuvre. Cependant, cela peut être coûteux en termes de processus de recrutement, de visas de travail et de logistique liée à l’emploi des étrangers.
  • Augmentation des coûts de main-d’œuvre : Cela peut entraîner une concurrence accrue pour les travailleurs qualifiés, ce qui peut à son tour conduire à une augmentation des salaires et des avantages sociaux offerts par les entreprises pour attirer et retenir les talents.

En résumé, le manque de main-d’œuvre locale peut avoir un impact significatif sur les entreprises, tant en termes de coûts que de capacité à répondre à la demande du marché. C’est pourquoi il est crucial pour les compagnies de développer des stratégies de recrutement et de rétention efficaces pour attirer et retenir les meilleurs talents locaux.

Quels sont les facteurs qui expliquent que certains secteurs soient régulièrement forcés de recruter la main-d’œuvre étrangère ? Est-ce une tendance qui va se poursuivre ?

Cette situation peut être attribuée à plusieurs facteurs. Tout d’abord, il y a une pénurie de compétences locales dans des domaines comme la technologie de l’information, l’ingénierie, la santé ou l’agriculture, obligeant les entreprises à rechercher des talents à l’étranger pour combler ces lacunes et maintenir leurs opérations. De plus, dans des secteurs comme l’agriculture, le tourisme ou la construction, où la demande de main-d’œuvre varie selon les saisons ou les cycles économiques, le recrutement de travailleurs étrangers temporaires est souvent nécessaire pour répondre à ces fluctuations.

Parfois, les besoins spécifiques du marché nécessitent des compétences qui ne sont pas facilement disponibles localement, ce qui conduit également à recruter à l’étranger. De surcroit, le vieillissement de la population et le déclin démographique dans certains pays entraînent une diminution de la main-d’œuvre disponible, incitant les entreprises à se tourner vers des travailleurs étrangers pour compenser cette baisse.

Enfin, le recrutement de main-d’œuvre étrangère peut être plus économique pour certaines entreprises en raison de salaires moins élevés ou de coûts de formation moindres dans d’autres pays. Quant à savoir si cette tendance se poursuivra, cela dépendra de facteurs tels que les politiques d’immigration, les évolutions démographiques, les progrès technologiques et la disponibilité de compétences locales. Cependant, à court et moyen terme, il est probable que le recours à la main-d’œuvre étrangère reste une stratégie importante pour de nombreux secteurs, en particulier ceux confrontés à des pénuries de compétences et à des fluctuations de la demande.

Il est crucial pour les entreprises de développer des stratégies de recrutement et de rétention efficaces pour attirer et retenir les meilleurs talents locaux"

Certaines personnalités politiques ont récemment proposé des réformes dans le monde du travail, dont une année de congés de maternité et de congés menstruels. Quelles seraient les conséquences d’une telle réforme si elles étaient mises en œuvre ?

Les conséquences pourraient être à la fois positives et négatives. D’un côté, cela pourrait avoir des avantages significatifs pour les travailleuses leur permettant de passer plus de temps avec leur nouveau-né, favorisant ainsi le bien-être de la famille et le développement de l’enfant. Cette mesure pourrait également encourager une meilleure santé maternelle en permettant aux femmes de se remettre complètement de l’accouchement et de s’adapter à leur nouvelle situation familiale. De plus, l’introduction de congés menstruels pourrait contribuer à la reconnaissance des besoins spécifiques des femmes dans le milieu de travail, en leur offrant la possibilité de prendre des congés lorsqu’elles sont confrontées à des symptômes menstruels graves.

Cependant, du point de vue des employeurs et de l’économie en général, de telles réformes pourraient également présenter des défis. Une année de congé de maternité prolongé pourrait poser des difficultés aux entreprises en termes de coûts supplémentaires liés au remplacement temporaire des travailleuses en congé et à la perte potentielle de productivité. De même, l’introduction de congés menstruels pourrait entraîner des perturbations dans la planification du personnel et des coûts supplémentaires pour les employeurs.

En outre, il convient de considérer les implications à long terme de telles réformes sur l’égalité des sexes sur le marché du travail. Alors que des politiques favorables à la conciliation travail-vie personnelle peuvent contribuer à réduire les inégalités entre hommes et femmes, elles pourraient également renforcer les stéréotypes de genre et avoir un impact sur les perspectives d’emploi des femmes, en particulier dans des secteurs où la main-d’œuvre est déjà fortement féminisée.

Les derniers chiffres de Statistics Mauritius indiquent un recul du chômage à Maurice. Est-ce un signe que la reprise est bien installée ?

Effectivement, nous avons constaté une hausse quant au besoin des entreprises pour le recrutement. Sur le portail de myjob.mu, à mai 2024 nous dénombrons un total de 1 513 postes actifs contrairement à mai 2023 où nous avons comptabilisé un total de 1 400 postes actifs. Plusieurs filières montrent un bon niveau de recrutement depuis le début de l’an 2024. Le secteur touristique maintient sa première position avec un total de 320 postes à pourvoir, suivi de 290 postes en finance et 212 postes dans les technologies de l’information et de la communication. Nous notons également une hausse des postes à pourvoir dans les services du BPO ainsi qu’au sein du domaine de l’administration et la vente.

Il est essentiel que les programmes de formation soient continuellement actualisés pour refléter les évolutions rapides dans le domaine de l’IA et de la robotique"

Depuis la reprise, il y a eu des revendications salariales dans certains secteurs, dont le manufacturier et le tourisme. Ce secteur étant celui le plus affecté avec les bateaux de croisières. Comment faut-il traiter cet enjeu ?

Il faut adopter une approche équilibrée en prenant en compte les besoins des travailleurs, la viabilité économique des entreprises et les impératifs de relance économique. Voici quelques stratégies qui pourraient être considérées pour traiter cet enjeu :

  • Dialogue social : Il est essentiel d’instaurer un dialogue ouvert et constructif entre les employeurs, les travailleurs et les représentants syndicaux pour discuter des revendications salariales et trouver des solutions mutuellement bénéfiques. Des négociations transparentes et basées sur des données objectives peuvent contribuer à trouver un compromis acceptable pour toutes les parties.
  • Évaluation de la situation économique : Il est important d’évaluer attentivement la situation économique des entreprises dans ces secteurs, en tenant compte des pertes subies pendant la crise de la Covid-19 et de leur capacité à absorber des augmentations de salaire. Des mesures de soutien économique pourraient être envisagées pour les entreprises les plus touchées afin de les aider à maintenir leur activité, tout en répondant aux revendications salariales des travailleurs.
  • Formation et reconversion : Dans le contexte de la transition post-Covid, il pourrait être bénéfique d’investir dans la formation et la reconversion des travailleurs pour répondre aux besoins émergents du marché du travail. Cela pourrait aider à améliorer la productivité et la compétitivité des entreprises tout en offrant des perspectives de carrière améliorées aux travailleurs.

Est-ce que la formation de compétences est-elle en adéquation avec les nouveaux enjeux que représente l’intelligence artificielle (IA) et l’introduction de la robotique dans certaines entreprises ?

D’une part, de nombreuses initiatives de formation ont été lancées pour répondre à la demande croissante de compétences liées à l’IA et à la robotique. Ces programmes de formation visent à doter les travailleurs des connaissances et des expertises nécessaires pour travailler aux côtés de technologies émergentes, les utilisant de manière efficace et innovante pour améliorer les processus de travail et la productivité. Cependant, il reste des défis à relever. Tout d’abord, il est essentiel que les programmes de formation soient continuellement actualisés pour refléter les évolutions rapides dans le domaine de l’IA et de la robotique. Les avancées technologiques se produisent à un rythme rapide et il est donc crucial que les travailleurs aient accès à une formation pertinente et à jour. De plus, il est important que la formation ne se limite pas aux compétences techniques.

Les travailleurs doivent également développer des compétences transversales telles que la pensée critique, la résolution de problèmes, la communication et la collaboration, qui sont essentielles pour travailler efficacement dans un environnement où les technologies de l’IA et de la robotique sont de plus en plus présentes.

En cette année encore marquée par les luttes pour la parité, est-ce que la femme mauricienne est en train de se faire respecter à tous les niveaux de notre société ?

Bien que les Mauriciennes accèdent à des postes de plus en plus élevés dans divers domaines, ce qui témoigne d’une plus grande représentation et reconnaissance, des inégalités persistent, notamment en matière de discrimination, de harcèlement sexuel et d’écarts salariaux. Pour progresser vers une société où elles sont pleinement respectées, il est crucial de promouvoir l’égalité des sexes, de lutter contre toutes les formes de discrimination et de violence, et de mettre en œuvre des politiques et des programmes visant à soutenir leur autonomisation. Cela nécessite un engagement continu de la part de tous les acteurs de la société.

 

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