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Charles Cartier, CEO d’Air Mauritius : «Mon déplacement en Afrique du Sud n’a pas été au détriment de nos clients…»

Dans une interview exclusive accordée au Défi Plus, le Chief Executive Officer (CEO) d’Air Mauritius, Charles Cartier, s’exprime pour la première fois sur ses « vacances » en famille en Afrique du Sud en classe Affaires. Un déplacement qui suscite la polémique depuis environ une semaine. 

Charles Cartier. Bon retour à Maurice…
Vous dites bon retour à Maurice comme-ci je n’étais pas disponible pendant des semaines et des semaines ! C’est bon de préciser d’emblée qu’un CEO n’est jamais en vacances ! Il est disponible 24/7. Surtout dans ce nouveau monde virtuel. J’étais en contact permanent avec mes collaborateurs et même au-delà. D’ailleurs, une de vos consœurs m’a parlé alors qu’elle savait bien que j’étais en congé, ce qui ne l’a pas empêché de traiter les informations que nous lui avons fait parvenir avec très peu d’objectivité.

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Votre déplacement en Afrique du Sud en famille s’est bien passé ?
C’était une visite privée, prévue depuis bien avant mon arrivée à Air Mauritius.

Savez-vous que ce déplacement fait l’objet d’une polémique depuis environ une semaine ?
Je pense que c’est un manque de déférence que d’impliquer ma famille sur la place publique. J’aurais souhaité et espéré plus de respect et d’éthique lorsqu’il s’agit de la vie privée d’une personne et surtout lorsque des enfants en bas âge sont impliqués. Mais bon… tout le monde ne peut pas avoir les mêmes valeurs.

Six membres de votre famille et vous avez voyagé en classe Affaires…
Par rapport au fait que je bénéficie des avantages sous forme de billets. Tout d’abord, c’est un engagement contractuel entre l’employé et l’employeur. Au moment du recrutement, n'importe quel professionnel décide de joindre une compagnie seulement si les conditions sont attrayantes et ces bénéfices font partie des conditions négociées. Pour être clair, mon déplacement n’a pas non plus été fait au détriment de nos clients et de notre chiffre d’affaires. Lors de mon départ il y avait huit sièges non vendus, dont un était occupé par un autre employé d’Air Mauritius. Au retour, il y avait seulement quatre sièges invendus et la plupart des membres de ma famille ont voyagé en classe Économie. La manière dont mon déplacement a été présenté dans la presse donne l’impression que je me suis octroyé des privilèges au détriment de la compagnie. C’est totalement faux ! En dernier lieu, ce bénéfice est identique à celui des précédents CEO. Le fait est que j’ai plus d’enfants que mes prédécesseurs et que mes déplacements privés sont forcément plus visibles

Selon les règlements établis à Air Mauritius, ce privilège est normalement réservé aux employés de la compagnie après un laps de temps…
Pourquoi insister autant ! Je pense que j’ai été très clair. C’est un engagement contractuel entre mon employeur et moi. D’ailleurs je trouve très indiscret que les médias en fassent une discussion publique parce que les conditions de travail de chaque employé sont des informations confidentielles d’ordre privé. Mais dans la conjoncture, c’est bon de préciser qu’en effet, les employés qui sont recrutés à durée indéterminé travaillent pendant une certaine période avant de bénéficier des avantages liés avec leur emploi.

Par contre, pour un employé qui est sur contrat à durée déterminé et encore plus quand cela concerne les hauts cadres, dont le CEO, les conditions sont négociées au préalable. Que ce soit à Air Mauritius ou ailleurs. 

Tout porte à croire que vous êtes surveillé de très près chez MK… Avez-vous l’impression qu’une campagne est en train d’être menée contre vous de l’intérieur ?
Chez Air Mauritius, nous sommes dans une période de transition. Certains s'inquiètent de voir leur latitude à perpétuer des injustices et des harcèlements envers le personnel toucher à sa fin, et ils s'engagent dans des tentatives de déstabilisation. Nous savons qui sont ces gens-là. Je parle régulièrement avec les employés à tous les niveaux et je reçois des centaines de lettres. Je comprends leurs craintes et inquiétudes. Les employés savent que je suis engagé à mettre un terme à ces pratiques. Nous voulons faire un travail sérieux et professionnel pour faire avancer Air Mauritius vers de nouveaux horizons.

Par contre, et de manière générale, je tiens à préciser quelque chose. Je suis favorable à offrir aux employés des plateformes pour qu'ils puissent exprimer leurs points de vue et signaler des cas de mauvaises pratiques en toute confidentialité si nécessaire. Cependant, publier ces problèmes dans la presse ne fait qu'affaiblir la marque Air Mauritius. Ce n'est pas parce qu'une lettre anonyme a été publiée dans la presse que je vais lui accorder plus d'attention que celle qui est déposée à mon bureau. Au contraire, je suis bien conscient que la plupart de ces lettres publiées ont souvent une motivation partisane et visent à ternir l'image d'Air Mauritius.

L’impression d’être surveillé dites-vous ? Tous les hauts cadres et CEO des entreprises ont les yeux braqués sur eux. C’est parce qu’ils décident, parce qu’ils dirigent mais parce qu’ils dérangent également. C’est aussi parce qu’ils peuvent amener des ruptures dans des manières de fonctionnement obsolètes. Nous devons assainir la situation pour ramener plus de sérénité et cela va déranger encore un bout de temps. En sus, nous devons rester concentrés pour assurer que les clients voyageurs soient traités avec respect et gratitude. Il nous faut travailler dur pour éliminer au maximum les pannes et retards de nos avions.

Parlons opérations et gestion… Le problème des retards et annulations perdure depuis la mi-décembre. Combien tout ça coûte à Air Mauritius ? Quel est l’impact sur son chiffre d’affaires ?
Il faut être honnête. Les pannes et les retards nous coûtent de l’argent. Mais aussi au niveau du goodwill. Cependant, ces problèmes ne datent pas de seulement deux mois. Il ne faut pas oublier que nous sortons d'une période d'administration volontaire et de la crise sanitaire. Il y a des décisions qui auraient dû être prises bien avant, mais qui ont été négligées. Nous travaillons sérieusement pour revoir tout l’aménagement technique. Nous allons renforcer notre équipe et avons déjà finalisé un accord de collaboration avec Airbus à cet effet. Nous sommes déjà engagés à chercher d’autres compétences pour soutenir notre équipe technique. Il faut savoir qu’on ne forme pas des techniciens pour réparer des avions du jour au lendemain, les plans de certification nécessitent 5 à 7 ans. On a récemment recruté plus d’une vingtaine de jeunes ingénieurs et l’exercice continue.

Ne faudrait-il pas diminuer le nombre de vols pour moins surcharger les avions et diminuer le risque de panne ?
Le planning des vols est décidé bien à l’avance, et le nouveau planning s’assure de prendre en compte des éléments exogènes nouveaux nécessitant plus de temps au sol. Il faut être très clair. Le marché global d’approvisionnement des pièces de rechange est complètement perturbé depuis la reprise post-COVID-19. Les pièces que nous pouvions obtenir en 48 heures ne sont désormais livrées qu’au bout d’un mois. Dans les mois à venir, nous tiendrons compte de cette nouvelle réalité.

Est-ce que louer un ou deux avions à courte durée n'est pas une solution ?
Louer un avion n’est pas comme louer une voiture. Le monde de l’aviation est très complexe. Il faut trouver des avions ayant les mêmes configurations que ceux de notre flotte, car ils doivent être en adéquation avec les permis des pilotes et correspondre exactement au nombre de sièges par classes que nous avons vendus plusieurs mois à l’avance. En sus, ces avions doivent avoir l’autorisation d’atterrir sur les aéroports que nous desservons. L’aviation civile est hyper réglementée. Pour être franc, il n’y a actuellement aucun A350 disponible sur le marché.

Quelle est l'origine de cette situation ? Quelle solution la nouvelle direction apporte-t-elle ?
Nous avons eu pas mal de difficultés récemment pour trouver un avion en ‘wet lease’ (pour une courte période, avec équipage). Louer un avion en ‘wet lease’ n’est pas forcément approprié dans tous les cas, et nous ne le faisons que très rarement. Par ailleurs, nous avons prévu d’ajouter trois nouveaux A350 qui devraient renforcer la flotte d’ici 2026-2027. Nous aurions préféré les avoir plus tôt, mais les chaînes de production globales sont engorgées. En 2023, le ‘global backlog’ pour les livraisons d’avions a explosé, atteignant 17 000 unités. 

Quel en est l'impact sur l'image de la compagnie ?
Il faut savoir que les aléas auxquels nous faisons face sont identiques à ceux des autres compagnies aériennes. Nous avons subi des retards en raison des conditions climatiques, tout comme d’autres compagnies aériennes. Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement ont également entraîné une augmentation globale des retards. Toutes les compagnies aériennes en souffrent, et nous cherchons activement des solutions pour minimiser ces problèmes et préserver notre image.

En revanche, nous sommes pratiquement la seule compagnie aérienne nationale à subir un matraquage quotidien dans les médias, avec des informations inexactes et souvent déformées. C'est ce qui nous fait le plus de mal. Aujourd'hui, nous sommes dans un contexte où les uns et les autres considèrent qu'Air Mauritius est un terrain de jeu politique. Je voudrais rappeler à tous qu'Air Mauritius représente un enjeu de souveraineté nationale, et à chaque fois que des personnes, quel que soit leur bord, ternissent le nom d'Air Mauritius, ils affaiblissent notre marque et la souveraineté nationale de notre pays.
Concernant le COO Sameer Baichoo, respecte-t-il tous les critères de sélection, notamment celui qui exige que tout candidat ait un certain nombre d'années d'expérience comme employé permanent sur l'establishment ?

Absolument. Le Commandant Sameer Baichoo compte environ 25 années d'expérience. C’est quelqu’un qui est aimé et respecté par ses collègues. Il possède les compétences nécessaires et s'implique avec passion dans la gestion des opérations. Je suis très satisfait de son engagement et de sa performance. Bien sûr, il y aura toujours des mécontents. C’est dans l’ordre des choses. Mais il ne faut pas que ces instants de frustration deviennent des éléments de blocage.

Qu’en est-il du porte-parole de la compagnie Atma Bumma ? La presse avait rapporté qu’il percevait un salaire d’environ Rs 250 000. Est-ce vrai ?
Atma Bumma a le statut de consultant chez Air Mauritius. Il est effectivement le porte-parole de la direction et du conseil d’administration. Cependant, il ne bénéficie pas des avantages d’un employé de la compagnie, y compris les billets gratuits. Sa disponibilité est appréciable, et il est bien connu des médias. Il est également important de souligner que jusqu’à mars 2024, une compagnie privée s’occupait de la communication d’Air Mauritius, ce qui coûtait beaucoup plus cher.
 

 

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