L’acquittement de Yogida Sawmynaden dans l’affaire « Constituency Clerk » apporte son lot d’enseignements. Transparence, réglementation, et prudence sont quelques-unes des leçons tirées par les acteurs du monde politique, syndical et juridique.
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Me Penny Hack : « Les salaires ne doivent en aucun cas passer par un ministre »
Pour Me Penny Hack, la nomination et l’emploi d’un Constituency Clerk devraient être réglementés autrement. « Un contrat écrit doit être obligatoire et les salaires doivent être payés directement à la personne concernée. Ils ne doivent en aucun cas passer par un ministre, une tierce personne ou encore l’époux du Constituency Clerk », estime-t-il.
De plus, l’avocat s’interroge sur l’intention derrière le paiement du salaire du Constituency Clerk en faveur de Soopramanien Kistnen. Indépendamment du témoignage de Simla Kistnen, Penny Hack souligne que selon les déclarations de Yogida Sawmynaden aux paragraphes 28(b) et 28(d) du jugement, Soopramanien Kistnen avait informé le ministre que les salaires devaient être payés en espèces, car il était très endetté et poursuivi par des créanciers.
Ainsi, note l’avocat, à plusieurs reprises entre janvier 2020 et fin juin 2020, Soopramanien Kistnen avait contacté l'ex-ministre pour demander une avance lorsqu'il était en difficulté financière, notamment lorsqu'il était poursuivi par ses créanciers.
Me Penny Hack souligne que Yogida Sawmynaden a remis l'avance à Soopramanien Kistnen pour qu'il la remette à Simla Kistnen. « Il va falloir éviter ce genre de situation à l’avenir, car la question se pose : cet argent était-il destiné à payer Simla Kistnen ou à couvrir l’endettement de Soopramanien Kistnen ? », demande-t-il.
Simla Kistnen : « Get bien avan zot travay pou enn parti »
Simla Kistnen, la veuve de Soopramanien Kistnen, lance un appel aux agents travaillant pour les partis politiques. « Get bien avan zot travay pou enn parti. Mon époux s’est donné corps et âme pour eux (ndlr, le MSM). Me o final, kom di koze, linn gagn enn larz koudpie, bizin dir », déplore-t-elle.
Pour ce qui est des épouses des agents, Simla Kistnen leur demande de ne pas s’ingérer dans les affaires de ces derniers. « Les banla mem gete kouma zot pou organiz zot bann zafer. Me mo konsey bann madam get bien zot oci. Je ne souhaite à aucune épouse de passer par ce que j’ai vécu. Parski banla bizin ou kouraz. Kouma zot fini gagne zot fini avek ou zot. (…) Sa travay la pa pou nou sa », dit-elle.
Simla Kistnen dit toujours attendre que les responsables de la mort de son époux soient jugés. « J’ai perdu mon époux. C’est très dur et je suis toujours en attente. Pourtant, il était un grand agent du MSM.
J’estime que le Premier ministre aurait dû tout faire afin que la lumière soit faite sur son décès. Je considère que rien n’a été fait. Monsieur Yogida était un grand ami de mon mari. Ils étaient en contact nuit et jour. Me zordi linn tir li nil e ladan mwa ki pe soufer », ajoute la veuve de Soopramanien Kistnen.
Ashok Subron : « Nous sommes retournés 500 ans en arrière »
Ashok Subron dit respecter la souveraineté de la cour, mais il s’interroge néanmoins sur des questions fondamentales émanant de ce procès et du jugement rendu.
D’abord, le porte-parole de Rezistans ek Alternativ se dit outré que la défense de l’ex-ministre Yogida Sawmynaden se soit basée sur l’idée qu’un employeur peut employer une femme, mais verser son salaire à son mari. « Nous sommes retournés 500 ans en arrière... C’est grave, et j’invite les citoyens à réfléchir à ce sujet », dit-il.
De plus, le syndicaliste se demande pourquoi la poursuite n’a pas jugé bon d’appeler un représentant du ministère de l’Emploi pour déterminer si Yogida Sawmynaden avait bel et bien employé Simla Kistnen comme Constituency Clerk. Selon lui, sous la « sub part 2 » et l’article 11 de la Workers' Rights Act (WRA), il aurait dû y avoir un « particulars of work agreement » entre Yogida Sawmynaden et Simla Kistnen. « C’est ce document qui spécifie à quel intervalle le paiement du salaire doit être effectué. Car dans sa défense, Yogida Sawmynaden a fait savoir qu’il avait émis des chèques à différents moments. Dans ce document, il aurait été précisé comment elle devait être payée », dit-il. Ashok Subron considère d’ailleurs que même si Yogida Sawmynaden a le droit constitutionnel de garder le silence, le député a la responsabilité de venir expliquer publiquement s’il s’est conformé à l’article 11 de la WRA.
Enfin, Ashok Subron déplore que la veuve de Soopramanien Kistnen soit passée « du statut de victime à celui de coupable », soulignant qu’elle aurait juré un faux affidavit. Cela l’amène à se demander s’il ne serait pas nécessaire que les affidavits puissent être rédigés dans une autre langue que l’anglais, soit en français ou en créole, afin de mieux refléter les propos et le ressenti de ceux qui les jurent d’une part, et afin de faciliter la rédaction d’autre part.
Yogida Sawmynaden : « Get bien, reflesi 10 kou avan ou ed dimounn »
Pour l’ex-ministre Yogida Sawmynaden, la leçon à tirer de toute cette affaire est que les politiciens, de tout bord, doivent faire attention lorsqu’ils décident de venir en aide à quelqu’un. « Nous sommes des personnes très vulnérables. Malheureusement, des personnes viennent frapper à notre porte nuit et jour. Nous avons tendance à leur venir en aide. Me get bien aster avan ede. Sa se enn konsey ki mo larg ninport ki kamarad, ki li dan gouvernman ki li dan lopozision. Get bien, reflesi 10 kou avan ou ed dimounn. Parski pa blie dime, ou gagn enn lot monter latet vini deryer, li dir li pik ou ek san ezite li pou sey pike. Me malerezman kisanla ki victim zordi. Kisanla ki perdi pwin ? Pa dimounn ki mont ou, me seki finn fer travay la. C’est malheureux, mais c’est ainsi », a-t-il dit à sa sortie de la cour intermédiaire, jeudi.
Dharam Gokhool : « Donner de l’argent est devenu dangereux aujourd’hui »
Pour l’ancien ministre Dharam Gokhool, un homme politique se doit d'être transparent dans tout ce qu’il entreprend. Il cite l’exemple de l’emploi d’un Constituency Clerk qui, selon lui, ne devrait pas se faire sur un simple accord verbal. « Des affaires aussi sérieuses doivent être consignées par écrit. Il aurait dû y avoir un document en ce sens », estime-t-il.
Selon l’ancien ministre, il est d’autant plus important que le paiement d’un salaire provenant des deniers publics est impliqué. « Même lorsqu’il y a paiement du salaire du ministre au Constituency Clerk, il faut aussi un reçu. Sinon, comment prouver que l’argent a bel et bien été payé et que le ministre n’a pas lui-même empoché cet argent ? », demande-t-il.
Au sujet de l'aide à des personnes en difficulté, Dharam Gokhool dit ne pas être en faveur de donner de l’argent directement, « car cela peut être sujet à différentes interprétations ». « Donner de l’argent est devenu dangereux aujourd’hui, car des personnes peuvent faire toutes sortes d’insinuations. De ce fait, les politiciens doivent bien évaluer chaque cas et faire très attention aux transactions impliquant de l’argent », préconise-t-il.
Enfin, Dharam Gokhool est d’avis que les politiciens aujourd’hui doivent redoubler de vigilance en ce qui concerne leurs propos. « Ils doivent se dire que ce qu’ils disent en privé peut finir sur la place publique. Ils doivent donc faire attention à leur intégrité et peser chacun de leurs mots. Aujourd’hui, faire de la politique requiert beaucoup de prudence », affirme-t-il.
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