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Arrêt du Tribunal de la Mer : Maurice jubile, les Maldives aussi

Me Philippe Sands a mené la délégation mauricienne. La carte avec la nouvelle délimitation entre les Maldives et Maurice. Me Payam Akhavan était le Lead Counsel pour les Maldives.

La chambre spéciale du Tribunal international du droit de la mer a renvoyé Maurice et les Maldives dos à dos dans son arrêt rendu vendredi concernant la délimitation de la frontière maritime entre les deux pays. Cependant, les deux États jubilent et soutiennent avoir gagné.

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Alors que le Premier ministre mauricien Pravind Jugnauth se réjouit d’un « jugement historique », du côté du gouvernement maldivien, on est heureux d’avoir remporté une « très grande victoire » à travers l’arrêt rendu vendredi par la chambre spéciale du Tribunal international du droit de la mer, à Hambourg, en Allemagne.

Dans les faits, la chambre spéciale a divisé un territoire maritime de quelque 37 000 miles carrés entre les Maldives et Maurice. Les Maldives ont cependant obtenu une portion légèrement plus grande. Le ratio est de 1 pour 0,960 en faveur des Maldives. Cela alors que Maurice revendiquait une portion nettement plus grande.

Par contre, un sujet de satisfaction pour Maurice est qu’une frontière claire a été dessinée entre les deux pays en prenant compte du fait que les Chagos sont un territoire mauricien. Toutefois, pour les spécialistes, on a enfoncé une porte déjà ouverte, même si la décision renforce la revendication mauricienne à un moment où le Royaume-Uni et Maurice discutent du retour des Chagos à l’État mauricien.

« Ce n’est plus qu’une question de temps avant que Maurice puisse pratiquer sa souveraineté sur les Chagos », affirme Constantinos Yiallourides, Assistant Professor en droit international à la Macquarie School of Law, en Australie. C’est un spécialiste en affaires traitant des différends concernant les frontières maritimes.

Dans leur déclaration à la presse, Me Payam Akhavan, Lead Counsel pour les Maldives, et Me Jean-Marc Thouvenin soutiennent que si la décision avait été en faveur de Maurice, celui-ci aurait potentiellement pu réclamer un territoire de 11 000 km2 au détriment des Maldives. « Heureusement que la chambre spéciale du Tribunal de la mer a statué que la revendication de Maurice n’avait aucune preuve technique ou scientifique », devait affirmer Me Payam Akhavan. Ce dernier a parlé de « très grande victoire » pour les Maldives.

Les juges de la chambre spéciale ont conclu à l’unanimité que l’instance « n’est pas en mesure de déterminer le titre de Maurice sur le plateau continental au-delà de 200 milles nautiques dans la région septentrionale de l’archipel des Chagos et, par conséquent, elle ne procédera pas à la délimitation du plateau continental entre Maurice et les Maldives au-delà de 200 milles nautiques ».

Toutefois, lors de la lecture de l’arrêt de la chambre spéciale, le président de l’instance, le juge Jin-Hyun Paik, a appelé les Maldives et Maurice à négocier devant la Commission des Nations unies sur le plateau continental. La nouvelle délimitation voulue par Maurice, d’un plateau continental au-delà de 200 milles marins tombe ainsi à l’eau, du moins pour le moment.

Lors de son allocution à la nation, vendredi en fin d’après-midi, Pravind Jugnauth devait afficher sa satisfaction : « ce jugement va encore plus loin. Il établit une frontière maritime permanente entre Maurice et les Maldives par rapport à l’archipel des Chagos, que tous les pays du monde ont l’obligation de respecter sous le Droit international. Il consolide davantage le statut de Maurice en tant qu’État côtier souverain par rapport aux Chagos. »

Quoiqu’il en soit, cet arrêt contient bien quelque chose d’historique. C’est la première fois qu’un tribunal international détermine la frontière maritime entre deux petits États insulaires. Et c’est bien ce qui permet à Pravind Jugnauth d’affirmer que ce jugement est « final et contraignant, c’est-à-dire que le monde entier a une obligation légale de le respecter ».

Me Parvez Dookhy : « La revendication mauricienne a été rejetée, mais ce n’est pas dramatique »

Me Parvez Dookhy, avocat mauricien inscrit au barreau de Paris, explique que « Maurice n’a pas remporté la bataille ». « Sa revendication a été rejetée, mais en soi, ce n’est pas dramatique », souligne-t-il. L’avocat avance que ce que demandait Maurice « était en réalité plutôt osé ». « Le territoire d’un pays s’étend à 200 milles marins. C’est ce qu’on appelle la Zone exclusive économique (ZEE). Or, Maurice demandait qu’on étende sa ZEE actuelle en prenant en compte le plateau continental, mais à ce moment-là, on entrait dans la ZEE des Maldives. Le Tribunal n’a pas tranché à ce sujet », explique-t-il. Me Dookhy affirme qu’il n’y a « aucune ambiguïté sur le fait que la demande de Maurice a été rejetée ».

Rajen Narsinghen : « Mi-figue mi-raisin » 

Pour Rajen Narsinghen, senior lecturer en droit à l’université de Maurice, cet arrêt est « mi-figue mi-raisin ». Ce qui est positif, c’est que « le Tribunal de la mer a enlevé les objections préliminaires des Maldives ». « Il soutient que la ZEE de Maurice va au-delà des Chagos, mais il ne tranche pas sur le plateau continental. Maintenant, il faut que les deux pays trouvent une solution », indique-t-il. Selon son interprétation, c’est plutôt le statu quo. « Le gouvernement a extrapolé en criant victoire. Le tribunal est venu quelque part enfoncer une porte ouverte. Ce qui est bon, c’est que les Maldives voulaient que Maurice n’ait pas de souveraineté sur Blenheim Reef, mais le tribunal l’a rejeté. C’est une bonne chose, mais le point principal, c’est la question du plateau continental et à ce sujet, le tribunal a dit qu’il ne se prononcerait pas », avance le senior lecturer.

 

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