De cinéaste à auteur de poèmes et fiction, Ajay Ramphul aura tout essayé. Mais dans le petit monde littéraire mauricien – et surtout pour tout auteur en anglais -, le bonheur vient souvent d’ailleurs. Ainsi, après une interruption de 10 années, cet habitant de Goodlands, au parcours atypique, signe son retour avec le lancement de ses quatre ouvrages de fiction au Frankfurt Bookfare 2024.
« Avoir mes livres à Frankfurt Bookfare, c’est une nouvelle qui me fait vraiment chaud au cœur. C’est mon éditeur américain John Fowler, responsable de marketing à Primix Publishing, qui va trouver des débouchés au Festival du livre de Frankfurt 2024 du 16 au 20 octobre. Ce sera une occasion de grande visibilité pour mes quatre livres », explique Ajay Ramphul qui nous a donné rendez-vous au Cœur de Ville de Goodlands.
Bandana serré sur le crâne et la barbiche sel et poivre, le quinquagénaire toujours débonnaire, confie avoir connu une grosse interruption dans sa vie d’auteur durant ces dix dernières années. Après le lancement à Maurice et en ebook en 2001 de son recueil de poésie « Islander Poetry » et de son roman « Time To React », il enchaine avec la production et la réalisation de l’ambitieuse série destinée à la télévision « Horizon D’amour », qui comprenait un important casting, y compris des étrangers. « Malheureusement, ça a été un échec financier, car il n’y avait pas de marché à Maurice et je n’avais pas trouvé ‘the right person’ pour le marketing à l’étranger. Même aujourd’hui, cela reste difficile, le marché local n’étant pas rentable pour les productions locales », concède-t-il.
Toutefois, il ne lâchera pas l’écriture. Il alternera entre l’écriture philosophique (Stanley’s Noble Deeds), la poésie pour la jeune génération ou encore le roman mêlant horreur et intrigue policière. « Je n’ai jamais eu de registre particulier, ma passion c’est l’écriture. J’écris au stylo, comme à l’ancienne. Je jette à la poubelle les feuillets qui ne me plaisent pas et quand j’ai fini, je les donne à imprimer à deux amis, Keshav Gujadhur et Bhishan Beeharry que je rémunère », confie-t-il.
Maison d’édition en ligne
Durant ces années difficiles, il a pu compter sur plusieurs personnes, parmi lesquelles Sunil Booroah, Deepo Daya, Devanand Bahadoor, ainsi qu'une proche. « J’ai eu des problèmes familiaux. De plus, il fallait financer les études tertiaires de mes deux filles. Cependant, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui m’ont soutenu moralement financièrement à chaque fois que je suis allé frapper à leurs portes. Je pense à ma sœur Indira Devi qui a été présente pour moi. Il y a toujours des personnes prêtes à aider à Maurice. Il ne faut pas désespérer », fait-il observer.
Après cette période, il a repris contact avec John Fowler, de Primix Publishing, une maison d’édition en ligne toujours à la recherche de nouveaux auteurs, mais aussi d’innovation afin d’étoffer leur catalogue. « À ce jour, je suis encore en contact avec lui et on a discuté des possibilités d’adaptation de mes ouvrages au cinéma », explique-t-il. Selon lui, « il s’agira probablement du livre ‘Sorry Dear’. J’ai déjà retravaillé deux autres comme scripts pour la mise en scène. John Fowler m’a confié qu’il examine en ce moment les offres les plus intéressantes. Il en a reçu deux déjà, mais il lui faut mon accord, d’autant que je possède tous les droits d’auteurs puisque j’avais fait éditer à compte d’auteur ».
« Stanley’s Noble Needs »
Un autre ouvrage auquel Ajay Ramphul donnera une suite est « Stanley’s Noble Needs » dans lequel il raconte l’histoire d’un homme qui, au cours du jugement dernier, est interrogé sur ses actes sur terre. « Il lui restait deux actes à accomplir, aussi retourne-t-il auprès des êtres humains pour terminer son passage terrestre durant le World Food Day. Il s’agit d’un conte initiatique où un individu est confronté sur ses actions sur terre, sur son devoir. C’est une histoire à vocation universelle », indique Ajay Ramphul, doublement influencé par l’écriture shakespearienne et le bestseller de Paulo Coelho « L’Alchimiste ». Toutefois, à ces influences, il entend leur donner une véritable touche locale sans jamais négliger certains auteurs-autrices mauriciennes, parmi Bhisma Seebaluck et Shakuntala Hawoldar. « À l’école, je n’étais pas du tout un élève brillant, je mettais du temps à comprendre. J’ai réussi la sixième à la 4e reprise, puis j’ai eu des profs comme Santosh Kumar Mahadeo et Goodaye qui m’ont fait aimer la langue anglaise. À 14 ans, j’ai écrit mon premier poème, en anglais bien entendu. J’ai toujours lutté contre l’adversité, les obstacles. Je tiens ça un peu de ma mère qui était une entrepreneure, une femme vivante qui pratiquait la Zumba alors qu’elle fréquentait l’Université du 3e âge. Lorsqu’elle est décédée, j’ai été terriblement affecté et j’ai mis du temps à me relever », avoue-t-il.
Loin de certaines extravagances
Profondément enraciné dans son Goodlands natal, Ajay Ramphul se plait à dire qu’il vit de peu de choses, loin de certaines extravagances dont il est témoin au quotidien. « C’est vrai que Goodlands vit à l’ère des mutations économiques, sociales et culturelles qui sont de nature à modifier les habitudes propres aux milieux ruraux. Ces mutations entrainent les gens à consommer plus que raisonnables. Une autre composante est l’omniprésence des réseaux sociaux qui déconstruisent des formes de contact humain. Avec mon épouse, qui est dans le secteur de la restauration, nous essayons de garder les pieds sur terre. Et cela m’incite davantage à approfondir mes capacités de ‘creative writing’. Mon inspiration vient souvent le soir, comme si quelqu’un chuchotait dans mon oreille. Je le dis dans un de mes poèmes de ‘Flames Of Our Passion’ ».
cAvec une rente provenant d’un espace en location à la route Royale de Goodlands, de la vente de légumes de son potager et des revenus de sa femme, Ajay Ramphul reconnait qu’il n’est pas à plaindre. « J’ai connu ma période de vaches maigres, aujourd’hui, ça ne peut pas être pire. Le plus important pour moi, c’est de maintenir la passion de l’écriture », dit-il.
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