Cela fait 15 ans que Vimarlen Sabapathee vit de son métier de «marsan pistass». Dans sa petite vitrine, à Vacoas, vis-à-vis d’une banque, une foison de couleurs et de saveurs disposées soigneusement dans des plateaux, comme autant d’appétissantes petites mosaïques.
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Ses pistaches, Vimarlen, qui vient de célébrer ses 60 ans, les vend bouillies, rouge grillées ou blanches à côté des «gram bwi», de circonstance, comme le désire sa clientèle qui se les arrache.
Il est tôt quand nous le rencontrons, bon pied bon œil, derrière son emplacement. C’est jour de marché et il y a plus de gens dehors. Comme il fait froid, il est bien emmitouflé, lui qui portant son masque, est prêt à servir, équipé de gants.
Notre «marsan pistass» est bien parti pour braver cette journée et faire bonne impression. Sur la vitrine impeccablement nettoyée, une fiole de désinfectant pour les mains.
Il faut s’adapter au changement et aux consignes sanitaires qui vont dans le bon sens, nous dit-il. Toujours de bonne humeur, Vimarlen nous raconte comment il est devenu «marsan pistass».
Les pistaches, c'est un peu dans son arbre, nous révèle-t-il. Elles sont un compagnon d'une dure vie de labeur qui a commencé très tôt. Depuis l’âge de 12 ans. «Quand je sortais de l’école, 'mo mama griy pistass, lerla mo al vande kot SMF ek Navy (aujourd'hui ENT)'».
Comme il est issu d’une famille modeste, l’argent qu’il gagnait était utilisé pour payer le collège, car l’éducation était payante à l’époque. «Mo osi ti pe al vand pistass dan sinema, kouma sa lepok la sinema ti bien rampli, ti ena de zis dan Vakwa», nous explique-t-il, avec un brin de nostalgie.
Son éducation complétée, Virmalen prendra de l’emploi dans une pharmacie, puis dans des usines, où il finira par occuper le poste de Quality Control Supervisor.
Tout allait bien jusqu’à ce que les fabriques de textile commencent à fermer. Virmalen se retrouve sans emploi du jour au lendemain. Avec toute une famille à sa charge.
Avec toute l’énergie de ceux qui ont connu la misère savent déployer, il repart à zéro. «Lerla monn deside retourn dan sa bizness mo mama ti montre mwa». Il retrouve des gestes familiers : griller, bouillir soi-même ses pistaches, qu’il achète en gros, ses petits secrets de fabrication aussi.
Les débuts ne sont pas faciles. Virmalen fera le tour de Vacoas pour vendre ses pistaches. «Tou fet ki ena mo ale vende, partou dan Vakwa la monn ale ar mo pistass», nous raconte-t-il. Parfois, sa seule venue est l’occasion de réjouissances. Ses yeux pétillent et son visage s’éveille à la pensée de ces souvenirs.
Vivre décemment
Ce métier retrouvé a permis à la famille Sabapathee de vivre décemment et de faire bouillir la marmite.
Virmalen n'en est pas peu fier. «Monn bien trase gramatin aswar et mo pe kontinie, gras a sa, mo bann zanfan osi inn reysi arive dan lavi».
À mesure que sa petite affaire décollait, sa femme aussi a commencé à s’y mettre, toujours à Vacoas près de l’arrêt d’autobus ‘Savoy’. Chacun de son côté, ils ont maintenant leurs habitués.
Vimarlen nous explique que ceux qui l'ont vu reprendre le travail après le confinement l’ont accueilli très chaleureusement, comme un signe de retour à la vie. «Mo ena mo bann klian sinser e fidel», se réjouit le sexagénaire, avant de lancer un regard à un passant qui s'approche en lui lançant «enn bouyi, enn griye !».
Nous laissons Virmalen à ses pistaches avidement convoitées.
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