« Post-Berguitta : quels enseignements et quelles mesures correctives ? » La forte tempête tropicale a provoqué des inondations, mais aussi suscité une polémique concernant l’approvisionnement des sinistrés en nourriture. Les participants ont suggéré une adaptation des protocoles internationaux aux réalités mauriciennes.
Adapter les protocoles au contexte mauricien
« Les protocoles internationaux ne préconisent pas uniquement des biscuits et de l’eau aux sinistrés. » Navin Mahadoo, responsable de la gestion des catastrophes au sein de la Croix Rouge et membre du National Disaster Committee, est catégorique. Les réfugiés ont droit à un repas décent.
« Les personnes qui se retrouvent dans ce genre de situation ont droit à un minimum de considération. Notamment à une nourriture conforme aux normes, pour éviter des épidémies et des cas d’empoisonnement », explique-t-il. Navin Mahadoo va plus loin suggérant une adaptation des protocoles internationaux au contexte mauricien. « Il y a des normes, mais il y a toujours la possibilité de les améliorer », affirme-t-il.
Manisha Dookhony, de Mauritius Society Renewal, souligne que les protocoles internationaux préconisent 2 100 kilocalories par jour. Elle souligne que les sinistrés ne peuvent uniquement consommer des biscuits et de l’eau. Geerish Bucktowonsing, ancien président du Mauritius Council of Social Services (Macoss), avance qu’il est grand temps de penser au-delà de la politique et des profits. Pour lui, Berguitta est une indication qu’il y a encore beaucoup de choses à faire pour les sinistrés.
Le land drainage, une priorité
Vassen Kauppaymuthoo, ingénieur en environnement, intervenant par téléphone, ne passe pas par quatre chemins. « Définitivement, le passage de Berguitta prouve que le land drainage est désuet ou inexistant. Nous devons faire de l’évacuation de l’eau de pluie une priorité », estime-t-il. Il précise que les inondations dans diverses régions du pays prouvent que nous n’avons pas mis l’accent sur les endroits qui auraient dû être une priorité.
Concernant les drains, l’ingénieur en environnement souligne que la majorité des villes n’en ont pas. Ce qui fait que l’eau de pluie ne peut être canalisée comme il se doit. Pour lui, il est grand temps de revoir la méthode de calcul des dimensions des drains. Pour cela, Vassen Kauppaymuthoo met en avant le fait que la pluviométrie est l’un des facteurs à considérer lors de la construction de nouveaux drains.
« Un cyclone, ce n’est pas que du vent, mais aussi beaucoup de pluie. Il faut par conséquent des drains plus larges », indique-t-il. D’autre part, Manisha Dookhony déplore les constructions sur des terrains humides (wetlands). « Le développement économique importe. Cependant, il faut penser aux impacts environnementaux », dit-elle, en recommandant fortement une révision du système d’octroi des permis de construction.
La préidentification de mise
Manisha Dookhony estime qu’il faut une préidentification des victimes pour ne pas pénaliser les cas authentiques. Les organisations non gouvernementales sur le terrain peuvent effectuer un travail en amont et identifier les personnes qui sont vraiment en détresse. « Nombreuses sont les ONG qui travaillent avec les personnes vulnérables. Elles peuvent faire une sorte de prévision, mais cela requiert une planification », affirme-t-elle.
Elle ne fait pas dans la dentelle en soutenant que Maurice se compare souvent (à tort) aux pays africains. Manisha Dookhony souligne que, comme dans certains de ces pays, Maurice devrait adopter une politique où une personne est responsable d’un nombre de familles dans une région. « Maurice doit emboîter le pas à ces pays et établir une liste », estime-t-elle. Navin Mahadoo, de la Croix Rouge, estime, lui, qu’il faut une approche holistique de la situation.
Responsabilité citoyenne
Navin Mahadoo affirme que chaque citoyen devrait assumer ses responsabilités. « Il faut analyser tout ce qui peut s’avérer dangereux chez soi pour éviter qu’il y ait des accumulations d’eau, entre autres. » Geerish Bucktowonsing souhaite, lui, un changement de mentalité chez les personnes qui jettent leurs détritus n’importe où. Ce qui ne manque pas d’obstruer les drains, provoquant des accumulations d’eau et des inondations lors de fortes pluies.
Partenariat public-privé-ONG souhaitable
L’ancien président du Macoss, Geerish Bucktowonsing, fait, lui, un plaidoyer pour un partenariat public-privé-ONG pour mieux aider les personnes en détresse. « Il faut atteindre un niveau où l’on identifie tous ceux qui peuvent aider en cas de détresse pour qu’on sache à quelle porte frapper en cas de situation d’urgence », conseille-t-il. Concernant les fonds verts pour soutenir les réfugiés, l’ancien président du MACOSS souligne que le fonds est destiné à mitiger les effets du changement climatique et non pas une réponse aux catastrophes (naturelles). « C’est à nos décideurs politiques d’ajouter cet objectif face aux défis qui nous guettent », dit-il.
Manisha Dookhony croit, pour sa part, que les associations socioculturelles peuvent aider en termes de logistique en cas de cyclone. « Elles ont plusieurs facilités. Les temples, mosquées et églises sont proches des habitations. C’est plus facile d’y accéder », déclare la membre de Mauritius Society Renewal.
Navin Mahadoo poursuit qu’il faut mener un travail en amont, notamment identifier des lieux qui peuvent abriter les sinistrés en cas de détresse. Il concède qu’une meilleure communication entre les différents acteurs concernés est souhaitable. Il tire, par ailleurs, la sonnette d’alarme sur le fait qu’il faut améliorer notre plan d’adaptation au changement climatique.
« Il nous faut des actions immédiates, mais aussi à moyen et long termes », déclare le représentant de la Croix Rouge. Face aux défis du changement climatique, des situations extrêmes seront inévitables. D’où la nécessité de trouver des solutions à long terme, estime-t-il.
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