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Transfert de souveraineté - Chagos : l’accord avec Maurice à l’épreuve des lords britanniques 

Lors de l’audience, Philippe Sands, ancien avocat de Maurice, a défendu la légitimité du traité qui met fin à une « occupation illégale » britannique.
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Alors que l’échéance du 3 juillet approche, le traité sur les Chagos fait l’objet d’un intense débat à la Chambre des lords. Entre considérations géopolitiques, juridiques, humaines et écologiques, l’accord divise profondément l’establishment britannique, les Chagossiens et la communauté internationale.

Dame Priti Patel, Secrétaire d’État des Affaires étrangères du cabinet fantôme conservateur, dénonce une « capitulation » face à Maurice.
Dame Priti Patel, Secrétaire d’État des Affaires étrangères du cabinet fantôme conservateur, dénonce une « capitulation » face à Maurice.

La Commission des relations internationales et de la défense de la Chambre des lords britannique a tenu une audience publique à la mi-semaine pour examiner les implications du traité sur les Chagos. Bien que signé, cet accord transférant la souveraineté de Maurice sur l’archipel, tout en garantissant l’usage exclusif de la base militaire de Diego Garcia par le Royaume-Uni et les États-Unis pour 99 ans, doit encore être ratifié avant le 3 juillet 2025. 

Lors de l’audience, Philippe Sands, avocat de Maurice sur ce dossier entre 2010 et 2024, a défendu la légitimité de l’accord. Pour le professeur de droit, il ne s’agit pas d’un transfert, mais d’une reconnaissance de souveraineté. Il s’est appuyé sur l’avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) de 2019 et la décision contraignante du Tribunal international du droit de la mer (TIDM) de 2021, qui avaient dénoncé que « l’excision de l’archipel des Chagos en 1965 était illégale dès le départ ». 

« Occupation illégale »

Me Philippe Sands a souligné que sur 28 juges et arbitres internationaux ayant examiné la question, aucun n’a soutenu la position britannique. Vingt-trois d’entre eux ont affirmé la souveraineté mauricienne. L’avocat a expliqué que l’accord met un terme à une « occupation illégale », tout en assurant une sécurité accrue à Diego Garcia. Il a réfuté toute crainte de transfert de la base à une puissance hostile, soulignant les liens solides de Maurice avec le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Inde. 

Il a également abordé la situation des Chagossiens, comprenant leur « amertume » face à l’impossibilité de retourner vivre à Diego Garcia, bien que l’accord permette un programme de réinstallation sur les autres îles. Il a assuré que des représentants des Chagossiens établis à Maurice et aux Seychelles ont été consultés, malgré des divisions au sein des Chagossiens installés au Royaume-Uni.

Critiques britanniques

Dame Priti Patel, Secrétaire d’État des Affaires étrangères du cabinet fantôme britannique, a publiquement critiqué » ce qu’elle considère comme une « capitulation face à la campagne de lawfare de Maurice ».

Selon l’ancienne ministre conservatrice, le traité compromet les intérêts stratégiques du Royaume-Uni en cédant la souveraineté à un pays qui pourrait, à long terme, ne pas respecter les engagements pris. 

Elle a mis en garde contre les risques géopolitiques, notamment l’influence croissante de la Chine dans la région indopacifique, et a appelé à une réévaluation de l’accord avant sa ratification. Elle craint que la dépendance envers la bonne volonté de futurs gouvernements mauriciens ne fragilise la sécurité de la base. 

Lors de l’audience, le professeur Richard Ekins a critiqué la légitimité des décisions de la CIJ et du TIDM, jugeant que le Royaume-Uni devrait continuer à faire valoir ses droits. Il a aussi pointé du doigt l’exclusion des Chagossiens dans les négociations, dénonçant une atteinte à leur droit à l’autodétermination. 

Dimension humaine et écologique 

Un récent rapport de l’ONU, en date du 11 juin 2025, a exhorté Londres à suspendre la ratification, estimant que le traité « ne garantit pas suffisamment les droits des Chagossiens ». Cette communauté reste divisée : certains à Crawley souhaitent que les Chagos restent sous souveraineté britannique, tandis que le Chagos Refugees Group soutient l’accord, à condition que la réinstallation soit effective sur les îles extérieures. 

Des inquiétudes environnementales ont aussi été exprimées par le Dr Bryan Wilson, conseiller scientifique du Chagos Conservation Trust. Il doute de la capacité de Maurice à assurer la préservation de cet écosystème d’exception, évoquant un manque de moyens logistiques et des précédents comme la catastrophe écologique du Wakashio en 2020. 

La Chambre des lords et la Chambre des communes ont jusqu’au 3 juillet pour bloquer la ratification. Une échéance qui alimente des débats géopolitiques, juridiques et environnementaux de plus en plus vifs.

 

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