Le traitement en Inde de l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam, testé positif à la COVID-19, a parallèlement soulevé des interrogations parmi certains Mauriciens. Ils se sont demandé si le citoyen lambda aurait aussi eu droit à un tel traitement. Éléments de réponse.
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En l’espace de quatre ans : hausse du nombre de cas référés à l’étranger
Le nombre de cas référés par le ministère de la Santé pour des traitements médicaux à l’étranger a connu une nette augmentation de 2015 à 2019. Selon les chiffres obtenus auprès dudit ministère, l’on enregistre 74 cas de plus. C’est plus précisément au niveau des patients nécessitant une neurochirurgie, des traitements cardiaques ou une transplantation rénale ou ceux atteints de leucémie que le ministère de la Santé a été dans l’obligation de solliciter des traitements médicaux à l’étranger.
En effet, le nombre de patients qui ont dû subir une intervention neurochirurgicale à l’étranger est passé de 60 à 79 entre 2015 et 2019, alors que le nombre de patients pour une intervention cardiaque est passée de 39 à 63 durant cette même période. Pour ce qui est des patients qui ont dû se faire traiter en raison d’une leucémie, d’une transplantation rénale ou d’un cancer, le chiffre est passé de 94 à 158. Par ailleurs, selon le plus récent document déposé à l’Assemblée nationale en 2016, l’on apprend que le gouvernement mauricien a dépensé une somme de Rs 147 446 779 entre 2014 et 2016, cela afin de financer le traitement à l’étranger de pas moins de 576 patients.
362 requêtes avaient été formulées auprès du ministère pour avoir un traitement à l’étranger, sauf que le ministère de la Santé n’a été capable d’approuver que 247 de ces requêtes. Ces 247 cas référés à l’étranger ont été au coût de Rs 58,2 millions. En 2015, le ministère a dû débourser une somme de Rs 59,8 millions, alors qu’en 2016, c’est une somme se chiffrant à la hauteur de Rs 29,2 millions qui a été déboursée pour financer le traitement de patients à l’étranger.
Jason Agathe, atteint d’une insuffisance rénale :«J’ai été sur une liste d’attente pendant plus d’un an»
Bien qu’au niveau du ministère de la Santé, on insiste sur le fait que les procédures entourant une requête d’un patient qui doit aller se faire opérer à l’étranger est examinée dans l’espace de trois ou quatre jours, la réalité est tout autre. Jason Agathe, âgé de 35 ans, en a fait l’expérience.
Cet habitant de Port-Louis, chauffeur de profession, découvre, en 2015, qu’il souffre d’un d’une insuffisance rénale. Commence alors un vrai parcours du combattant pour lui. « J’ai tout de suite compris qu’il fallait que je subisse une transplantation rénale », se remémore-t-il. Le ministère de la Santé lui fait comprendre qu’il devra subir cette intervention médicale en Inde, vu qu’il n’y avait pas de médecins qualifiés pour entreprendre une telle opération. « Il m’a d’abord fallu trouver un donneur et c’est après un an et demi de tests que les résultats ont confirmé que mon donneur était compatible », avance Jason Agathe. Il explique avoir été mis sur la liste d’attente du ministère de la Santé en 2016.
Mais les semaines, les mois passent et la santé de notre intervenant ne s’arrange pas. Il entreprend alors des démarches auprès de l’ex-clinique Apollo. « La clinique était d’accord pour m’opérer et je devais bien entendu financer cette opération au coût de Rs 800 000. Mais le ministère de la Santé a, par la suite, objecté que la clinique procède à ma transplantation », ajoute Jason Agathe.
Don d'organe
C’est alors son épouse et lui décident de prendre les devants. Ils contactent une clinique en Inde. « Le coût du billet d’avion, des frais de la clinique et du logement étaient de Rs 800 000 », soutient-il. Le Portlouisien avance que le temps d’attente pour subir une transplantation rénale prend trop de temps. « Il y a d’une part le fait que l’état de santé se détériore à petit feu, mais plus important, reste le fait que le donneur peut se désister. Comme qu’il s’agit d’un don d’organe, la personne peut à tout moment changer d’avis. Cela devient une véritable pénitence pour trouver un autre donneur. Heureusement, dans mon cas, mon donneur se trouvait être un membre de ma famille. Donc, une personne très proche de moi qui ne s’est pas désistée. Mais je connais plusieurs personnes qui, en raison du temps d’attente, se sont retrouvées dans une situation où le donneur a finalement refusé de faire ce don d’organe », avance Jason Agathe.
En ce qu’il s’agit de son traitement dans la Grande péninsule, Jason Agathe avance avoir été pleinement satisfait de la qualité des services auxquels il a eu droit. « J’ai bien évidemment été obligé de refaire des tests et j’ai été étonné par la vitesse d’exécution des tests. Il m’a, par exemple, fallu un an et demi pour pouvoir compléter mes tests à Maurice, alors qu’en Inde, ces mêmes tests ont été réalisés en deux semaines. Au bout de trois semaines de séjour, j’ai pu subir la transplantation », dit-il.
Jason Agathe tient à lancer un appel auprès des autorités pour qu’elles assouplissent les procédures administratives pour des personnes qui ont désespérément besoin de subir une intervention chirurgicale à l’étranger. « Il y va de la vie humaine », déclare-t-il.
Révision du seuil d’éligibilité en juin dernier
Le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a, lors du dernier Budget présenté au mois de juin de cette année, annoncé que le seuil d’éligibilité de revenus pour avoir droit à un traitement médical à l’étranger passe de Rs 50 000 à Rs 100 000. Cela dans le but de permettre à plus de personnes de prendre avantage de ce plan d’aide.
Lormus Bundhoo, ancien ministre de la Santé : «Les risques d’ingérence politique sont impossibles»
L’ancien ministre de la Santé tient à faire ressortir que n’importe quel Mauricien a droit à un traitement médical à l’étranger du moment que ces soins ne sont pas disponibles à Maurice. Lormus Bundhoo soutient que ce sont surtout ceux devant subir une intervention au niveau des yeux ou encore les patients atteints de leucémie qui doivent se rendre à l’étranger.
« Afin d’être éligible à ce traitement, les revenus du patient ne doivent pas dépasser un montant qui a été décidé par le gouvernement », fait-il part. L’ancien ministre soutient également qu’il est faux de croire que les procédures prennent trop de temps. « Le ministère de la Santé, étant conscient qu’il s’agit de la santé des êtres humains, fait tout pour que le patient obtienne une réponse dans trois ou quatre jours », avance l’ancien ministre Bundhoo.
Il tient aussi à faire ressortir que lorsqu’une requête est transmise au ministère de la Santé, cette même requête est référée à un comité tombant sous la tutelle du ministère de la Sécurité sociale qui se penche alors sur l’éligibilité du patient en question. « Il s’agit de procédures bien établies qui peuvent difficilement être contournées », fait-il part.
Selon Lormus Bundhoo, si un ministre/politicien cherche à contourner ces étapes en vue de privilégier un de ses proches, cela finira par se savoir. « Il faut convaincre tout un comité de faire un acte de passe-droit. Ce qui n’est pas envisageable. Aussi, comment parvenir à fausser les revenus d’une personne pour lui permettre de tomber dans ce seuil d’éligibilité ? » s’interroge-t-il. D’ajouter que dans le passé, du temps où il était ministre, tous ceux qui ont tenté de l’approcher pour privilégier telle ou telle personne ont eu droit à la même réponse : « N’y pensez même pas ».
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