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Trafic de drogue : Ces barons qui valent des milliards

Des grosses prises par les autorités.

Les grands barons qui arrosent allègrement Maurice de drogue ne seraient qu’une poignée. Ils règnent sur de vastes réseaux qui s’étendent aux quatre coins du pays. Mais qui sont-ils ? Voici quelques pistes…

Qui  sont les individus derrière le trafic de drogue ? Quel est le mode de fonctionnement des trafiquants ? Ces derniers rivalisent d’ingéniosité pour éviter de se faire coincer par les autorités. Pour cela, ils disposent d’un atout de taille : le financement. Ce sujet revient sur le tapis après chaque saisie importante de drogue comme celle effectuée lundi dernier. Cette cargaison de cannabis valant Rs 90 millions a fait sourciller plus d’un, car le coût de cette transaction s’élève à Rs 10 millions selon les autorités concernées. 

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La prison, le plus grand danger

La thèse privilégiée est que l’achat a été effectué par le biais d’un « Drug Syndicate » où plusieurs trafiquants ont collaboré pour frapper un grand coup. Cela ne peut se faire sans l’apport de financiers. Zoom sur cet aspect du trafic de drogue, sans laquelle les réseaux ne peuvent opérer efficacement.

Certains financiers sont issus du milieu carcéral, notamment les détenus étrangers. « Ou gagn bann afrikin ki kondane pou ladrog, ki partaz zot rezo. Lerla zot rod finansie dan prizon… », indique-t-on. Selon un ancien membre de la Commission d’enquête Lam Shang Leen, ces détenus ont tissé des liens avec des prisonniers mauriciens. Certains utiliseraient leur carnet d’adresses pour trouver des financiers en vue d’importer des cargaisons de drogue. « Ena enn lexersis talent spotting ki trafikan fer », soulignent nos interlocuteurs. Ils expliquent que des individus qui sont en contact avec de gros bonnets à l’étranger recherchent des financiers.

D’ailleurs, dans son rapport soumis en juillet 2018, la Commission d’enquête sur le trafic de drogue, présidée par l’ancien juge Lam Shang Leen, pointe du doigt un certain nombre de trafiquants condamnés et qui sont en prison. « Les trafiquants de drogue notoires sont en contact avec des complices en dehors des prisons. Il y a des signes inquiétants que des prisonniers appartenant à des gangs organisés contrôlent la distribution de drogue à l’intérieur comme à l’extérieur des prisons », peut-on y lire dans le rapport. 

La Commission précise que « l’administration de la prison estime qu’il y a environ 40 grands trafiquants de drogue qui continuent à contrôler les réseaux de distribution à travers le pays à partir de leur cellule. Des agendas saisis en prison sur des trafiquants de drogue notoires en attestent. Ces agendas contenaient beaucoup d’informations, ainsi que des numéros de contact appartenant à des membres des familles de prisonniers, des supposés amis, des officiers de prison et des avocats ».

De plus, la Commission d’enquête dit avoir noté qu’un certain nombre de trafiquants  emprisonnés avaient accès à des téléphones portables. Ils passent des appels vers l’étranger, plus particulièrement vers des pays  réputés pour le trafic de drogue. « Les téléphones mobiles dans les prisons sont la plus grande menace à laquelle le pays fait face concernant le trafic de drogue », ajoutent nos interlocuteurs. Certes, depuis la publication du rapport, la vigilance a augmenté d’un cran en prison, mais des saisies à l’intérieur des établissements pénitentiaires ont toujours lieu, y compris sur des trafiquants notoires.

Le profil des financiers et leurs ruses

Les financiers émanent de divers milieux, selon des sources proches des autorités qui luttent contre le blanchiment lié au trafic de drogue. « Zordi businessman, restorater, tou seki pena narnie a perd pe finanse… », soulignent-elles.  Ces individus y voient un moyen facile de faire fructifier leur argent, car le business de la drogue, on le sait, est particulièrement lucratif. On parle ici de plusieurs dizaines de millions de roupies par an pour certains trafiquants. Les « big boss » ciblent de manière astucieuse les individus pour les aider dans leurs tâches, en proposant souvent des profits alléchants, contre des investissements à leur portée. 

Les hommes de la mer, en l’occurrence les pêcheurs et les skippers, sont la cible favorite des trafiquants de drogue, car ils sont réputés pour être des individus « très organisés ». Une autre ruse utilisée par les trafiquants : avoir recours à des travailleurs étrangers, notamment des Bangladais, pour faciliter l’achat de cartes SIM pour la communication. Ces exercices de « talent spotting » se font également pour le choix des financiers. « Zis dimounn ki deza finanse ki al rod lezot investiser », indiquent nos sources. Celles-ci avancent que ces investisseurs misent sur la discrétion. D’ailleurs, ils agissent de manière à ne laisser aucune trace qui permettrait de remonter jusqu’à eux. C’est surtout le cas pour les financiers qui sont les « veritables boss ». « Trafikan mars lor zot lord sinon robine ferme e tou tegn lamem… », fait-on comprendre. 

Dans l’affaire Gro Derek, un religieux avait été identifié au sein de la prison. Il agissait comme « passeur d’argent ». L’argent destiné à payer la drogue sur le territoire africain étaient remises par les financiers. 
prête-noms

Des hommes d’affaires dans divers domaines sont souvent approchés. Ces deniers se laissent tenter par les formules proposées pour s’enrichir rapidement. À plusieurs reprises, l’Independent Commission against  Corruption (Icac), l’Anti drug and Smuggling unit (Adsu) ou encore la Financial Intelligence Unit (FIU) ont mené des investigations dans le domaine de la restauration rapide ou encore les entreprises des fruits de mer. Les biens de ces présumés blanchisseurs d’argent ont été saisis. Ces hommes d’affaires servent de prête-noms aux trafiquants de drogue. Un présumé financier d’un réseau, Kamlesh Radha a été condamné en avril 2021 pour trafic de drogue. Il a avoué avoir financé une transaction à hauteur de Rs 500 000 pour l’approvisionnement d’une cargaison d’héroïne sur le sol malgache. Dans l’univers des pièces de rechange automobiles, l’Icac avait ciblé un des présumés financiers du trafic d’héroïne pour le réseau de Peroomal Veeren en 2020. Il s’agissait d’une gérante d’un magasin qui ne recevait que trois clients en une semaine, mais dont l’entreprise jouissait d’une bonne santé financière. Elle n’avait pu expliquer la provenance de son argent pour payer la location de son magasin. 

Des individus impliqués dans l’immobilier, surtout les convertisseurs de devises, multiplient les activités et opèrent avec l’appui des prête-noms ou encore de courtiers. « Zame zot pa met lame dan lapat », font comprendre nos sources. Selon ces dernières, ils entrent en jeu uniquement pour récupérer l’argent qu’ils s’empressent de blanchir par la suite. « C’est comme un oignon. Plus on enlève les couches, plus il y en a… », affirment-elles. Dans un milieu où règne l’omerta – la loi du silence – ces individus agissent sur ordres des grands barons en vue de faire fructifier leur argent, surtout durant les périodes où les affaires s’annoncent difficiles. 

Le monde des paris est un autre domaine qui intéresse les trafiquants. La Commission d’enquête sur la drogue souligne que les courses hippiques, les casinos et autres maisons de jeu sont couramment utilisés par les trafiquants pour blanchir leur argent.

 

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