Se vantant dans un passé récent de la « Ease of Doing Business » qu’elle propose et de sa progression en tant que centre financier, la juridiction mauricienne s’est tiré une balle dans le pied malgré elle avec la suspension des réseaux sociaux.
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Maurice ne s’est pas réveillé sous son meilleur profil le 1er novembre. L’image - qu’elle s’est attelée à redorer après les épisodes successifs de son inclusion sur la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI) et la liste noire de l’Union européenne - a de nouveau été entachée. Cette fois, c’est le Prime Minister’s Office (PMO) et le communiqué publié par l’Information and Communication Technologies Authority (Icta) qui porte préjudice à la juridiction mauricienne. Pour cause, la décision a été prise de suspendre l’accès aux réseaux sociaux dans le pays jusqu’au 11 novembre.
Samade Jhummun, CEO de Mauritius Finance, fait comprendre que cette décision affecte l’image de Maurice et de son centrer financier. Les investisseurs seront interpellés par cette situation. « La liberté d’expression et l’accès à l’information sont bafoués. Maurice a perdu sa première place au classement de l’indice de la bonne gouvernance. Cela va empirer la situation et pourrait se refléter au prochain classement de cet indice. Ce n’est pas de bon augure pour un centre financier qui aspire à se faire une place sur la scène internationale », avance-t-il.
La restriction des réseaux sociaux fait que Maurice loge à la même enseigne que certains pays où la dictature est d’actualité. Selon un spécialiste de l’investissement, certains pays comme la Russie, la Corée du Nord ou encore le Zimbabwe agissent ainsi. Ceux-ci ne jouissent pas d’une bonne réputation. Cela donne l’impression que Maurice leur emboîte le pas, argue le spécialiste. « L’élément de la confidentialité est remis en question avec les « Missier Moustass Leaks ». Ce sont des facteurs qui pousseront les investisseurs à la réflexion », ajoute-t-il. Ce qui fait dire à Samade Jhummun, que si un nouvel investisseur doit faire un choix entre deux juridictions, la restriction des réseaux sociaux pourrait jouer contre Maurice.
Il craint que le dommage ne soit déjà fait. Il faudra, dit-il, non seulement présenter Maurice sous un autre angle aux aspirants investisseurs étrangers, mais rassurer les existants. « Redorer l’image de la juridiction mauricienne ne se fera pas du jour au lendemain », conclut le CEO de Mauritius Finance.
Anthony Leung Shing, PwC Country Senior Partner : « L’image du pays en prend un coup »
Quel pourrait être l’impact de la suspension temporaire des réseaux sociaux sur l’image de Maurice ?
Maurice a toujours été primé en termes de loi et de la facilité à faire des affaires, la stabilité et l’ouverture de son économie. C’est ce qui a été la force de Maurice comparé aux autres pays de la région. Cela va à l’encontre de notre économie. L’image du pays en prend également un coup. Maurice ne compte pas uniquement des investisseurs étrangers, mais des touristes et des expatriés. Eux aussi font face à cette situation et doivent se poser pas mal de questions. Les restrictions annoncées sont assez inquiétantes. Cependant, suivant la restriction des réseaux sociaux, on parle également de cyberattaque. Si c’est cyberattaque, quelle est la liaison avec le fait d’avoir coupé les réseaux sociaux ? Je ne peux pas me prononcer dessus, parce qu’on ne sait pas quelle est la cyberattaque.
La réputation du pays avait subi l’implacable impact de l’inclusion de Maurice sur les listes préjudiciables. Faudrait-il consentir à nouveau des efforts pour redorer l’image de la juridiction mauricienne ?
Dans l’éventualité que la décision annoncée par l’Icta ne soit pas liée à une cyberattaque, cela va sans dire qu’on se créer encore d’autres difficultés. C’est l’image du pays qu’il faudra retravailler pour remonter la pente. C’est un effort qu’on aurait pu éviter.
Les investisseurs étrangers risquent-ils de délaisser la juridiction mauricienne ou pour les nouveaux ignorer Maurice au bénéfice de d’autres juridictions ?
Les investisseurs recherchent principalement un pays stable, dynamique et qui est ouvert et libre. Toute action qui est perçue comme une atteinte à ses critères ou droits sont effectivement des inquiétudes au niveau des investisseurs. S’ils vont quitter la juridiction ou pas revêt de leur décision.
Business Mauritius s’inquiète de la réputation de Maurice
La communauté des affaires et la société civile dans son ensemble ont été choquées par la suspension des réseaux sociaux selon Business Mauritius. Dans un communiqué publié à ce propos le 1er novembre, l’association représentant le secteur privé affirme que cela n’a pas été sans conséquences sur plusieurs secteurs et activités. « Le secteur touristique, les centres d’appels, les opérations du e-commerce, l’éducation et la formation, le marketing, les influenceurs, et toute autre activité touchant à l’économie digitale », ont été touchés peut-on lire. Ajouté à cela, le fait que cette suspension « affaiblit grandement notre réputation et notre positionnement à l’international. La liberté économique et le respect de la démocratie restent un sine qua non pour les investisseurs et pour un climat des affaires sain ».
Lindsey Collen : « Represyon pas pu amen nu pli divan... »
« Nu dans ene situation grave ek represyon pas pu amen nu pli divan... ». C’est ce qu’a soutenu Lindsey Collen de Lalit. Elle commentait, vendredi, la situation de suspension aux réseaux sociaux. Elle fait ressortir qu’au sein de Lalit, cette suspension est une mesure drastique qui a un effet sur tout le monde. « Les gens utilisent les réseaux sociaux comme moyen de communication entre les membres de la famille, des amis, avoir des informations ou faire du business », dit-elle.
Lindsey Collen souligne aussi que nous sommes à un moment important de la démocratie, où tout le monde devrait se focaliser sur les programmes pour l’avenir de notre pays. « Ce que nous voyons depuis plus d’une semaine, c’est que nous sommes réduits à suivre une télénovela qui est tenue par un anonyme. Nous ne savons pas pour qui il roule... », ajoute-t-elle.
Me Satyajit Boolell : « Je crains que ce ne soit un prélude à l’état d’urgence et à un renvoi des élections »
Le président d'honneur de Dis-Moi, une organisation qui milite pour les droits humains, Me Satyajit Boolell, souligne que la liberté d’expression est un fondement des droits, essentiel dans une société démocratique. « Quand on jouit de cette liberté, il faut être responsable. En tant que citoyen, nous voulons savoir pourquoi on a pris des mesures aussi drastiques. Les réseaux sociaux ne sont pas seulement utilisés à des fins récréatives, mais aussi pour le travail », précise-t-il. Me Satyajit Boolell rappelle que dans les années ’70, nous avons connu l’état d’urgence par la censure de la presse, où avant de publier un journal, il fallait envoyer une copie au commissaire de police. « Ce sont des mesures que l’on a regrettées amèrement par la suite. Je crains que ce ne soit un prélude à l’état d’urgence et à un renvoi des élections », indique-t-il.
Patrick Belcourt : « Nou bizin gard nou kalm... »
Patrick Belcourt, leader d'En Avant Moris, dénonce que la « situation est très grave ». Il a affirmé que le plan est en trois étapes, soit de couper les réseaux sociaux, croyant que les Mauriciens vont être en colère et perdre leur sang-froid, et ainsi ils vont pouvoir renvoyer les élections. Mais, il ne faut pas tomber dans leur piège, exhorte-t-il. « Nou bizin gard nou kalm... ek pou eleksion f... zot deor », soutient Patrick Belcourt. Il a tenu à rassurer que Linion Reform se concerte pour faire les choses dans le calme.
La MCCI demande aux autorités de tenir compte des impératifs économiques
Pour la Chambre de Commerce et d'Industrie de Maurice (MCCI), le maintien d’un climat des affaires propice au développement économique est primordial. D’où la demande de la chambre aux autorités via un communiqué que toute décision soit prise sans négliger les impératifs économiques. « La MCCI demande que la situation se normalise dans les plus brefs délais, afin de minimaliser l’impact socioéconomique pouvant être particulièrement sensible dans le contexte du processus électoral déjà enclenché ».
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