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Sondage sur l’avortement : lever le voile sur une réalité taboue

Vidya Charan avance que l’émancipation des femmes et la santé reproductive doivent être au cœur des discussions. Anushka Virahsawmy indique que Gender Links a commencé à mener des recherches sur ce sujet, mais en vain, car il n’y avait pas de données dans les hôpitaux. Le « back street abortion » est une réalité à Maurice.

L’avortement est un sujet sensible à Maurice, souvent évité et peu discuté. Pourtant, cette réalité complexe est bel et bien présente. Les acteurs concernés saluent l’initiative des autorités de mener un sondage à ce propos, car cela permettrait de briser le silence entourant cette problématique longtemps ignorée. 

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C’est une réalité taboue à Maurice et certains se voilent la face sur l’avortement. Cependant, depuis des années, des acteurs concernés plaident pour que cette problématique soit prise en compte. Ainsi, ces derniers accueillent la décision des autorités de mener une étude approfondie sur le sujet. Ils s’accordent sur le fait qu’il est temps d’adopter une approche ouverte, honnête et informée sur cette question cruciale qui touche de nombreuses femmes, dont des adolescentes.

En brisant le tabou qui entoure l’avortement, cette étude permettra de recueillir des informations précieuses sur les facteurs qui contribuent à cette réalité et les conséquences qui en découlent. Nos intervenantes s’accordent sur le fait que la société mauricienne doit évoluer vers une culture de dialogue ouvert, où des sujets aussi complexes et délicats que l’avortement sont abordés sans réticence ni préjugés. En brisant ce silence, l’étude pourrait favoriser des changements positifs, tant au niveau des politiques que de la perception publique.

Monique Dinan, fondatrice du Mouvement d’Aide à la Maternité, pense que cette mesure est extrêmement pertinente et aura un impact significatif. « Cette initiative permettra de sonder les mentalités des femmes ainsi que de la société, tout en mettant en lumière les pratiques d’avortement illégal. De plus, cette enquête révélera l’étendue des grossesses précoces », estime-t-elle. 

Elle souligne également l’importance de responsabiliser la société envers les enfants qui grandissent dans le ventre de leur mère. « Cela favoriserait une société moins encline à la violence et une meilleure compréhension des femmes des différentes tranches d’âge désirant un enfant ou pas », poursuit notre interlocutrice. Monique Dinan est convaincue que cette étude aidera les jeunes à réaliser les conséquences potentielles de l’avortement, qui n’est pas sans risque. Elle met aussi l’accent sur les risques psychologiques et émotionnels pouvant perturber profondément les femmes qui font le choix d’avorter, laissant une empreinte triste et douloureuse. « Il y a la nécessité de guérir du chagrin et des remords pour les femmes qui ont fait ce choix. Elles peuvent ressentir une forme de culpabilité violente et de peur d’avoir mis fin à la vie de leur propre enfant », affirme la présidente de MAM qui croit que cette enquête peut être le catalyseur d’une prise de conscience collective, favorisant la résolution de ces problématiques complexes.

Pour sa part, Vidya Charan, qui est la directrice de la Mauritius Family Planning and Welfare Association (MFPWA), considère cette décision des autorités comme fondamentalement positive. « Nous militons en faveur du droit pour les mères et les couples de choisir le moment de fonder une famille, en tenant compte de leurs parcours individuels, de leurs décisions et de leurs projets, ainsi que des facteurs spécifiques à leur situation », précise-t-elle. 

Libre choix 

Elle estime que lorsque la grossesse n’est pas planifiée des difficultés peuvent surgir. « Il est essentiel de se pencher de près sur la question. L’émancipation des femmes et la santé reproductive doivent être au cœur des discussions. Le choix de recourir à l’avortement doit être libre, basé sur des considérations médicales, et non pas criminelles », lance Vidya Charan. 
Elle soutient l’initiative du ministère de la Santé à cet égard, estimant qu’elle contribuera à résoudre ces problèmes d’envergure. « À ce jour, il y a les quatre critères stricts qui autorisent l’avortement, mais ces critères restent limités et ne résolvent pas les difficultés auxquelles peuvent être confrontées certaines personnes », souligne-t-elle. 

Vidya Charan mentionne la disponibilité des services de santé, soulignant que les personnes ayant recours à l’avortement peuvent rencontrer des complications qui nécessitent des soins médicaux. « Si une personne a de l’argent, elle peut se faire soigner s’il y a des complications après l’avortement. Il est important que les services publics prennent en compte cela dans le but de garantir des soins de qualité. Cependant, il ne faut pas que l’avortement soit envisagé à tout moment. Il est nécessaire de prendre en compte les circonstances spécifiques », la directrice de la MFPWA. 

Quant à Anushka Virahsawmy, Country Director chez Gender, elle rappelle que Gender Links a commencé à mener des recherches, mais que les données manquent, car les hôpitaux ne rassemblent pas ces informations. « Les cas de mineures qui arrivent avec des hémorragies ou qui ont tenté un avortement clandestin, soit des ‘back street abortion’, de manière dangereuse ne sont pas rares. Les méthodes utilisées, comprenant l’usage de baleines de parapluie, de rayons de vélo ou de porte-manteaux, illustrent les pratiques risquées du marché noir en matière d’avortement », met-elle en avant.  Anushka Virahsawmy souligne les difficultés rencontrées lors de la recherche d’informations. « Ce genre de cas doivent être rapportés à la police. Toutefois, cela peut entraîner des affaires longues et compliquées. De ce fait, même les médecins, préfèrent de ne pas les rapporter indiquant s’agit d’un cas de ‘slip and fall’ comme nous l’a fait comprendre des professionnels du milieu », dit notre interlocutrice. 

Celle-ci se réjouit de la décision du ministère de la Santé d’intervenir pour réglementer la question, car les grossesses précoces sont devenues courantes et la contraception n’est pas facilement accessible aux jeunes sexuellement actifs. « Il est essentiel de briser les tabous et sensibiliser, non seulement en fournissant des moyens contraceptifs, mais aussi en éduquant sur l’utilisation appropriée des préservatifs et en informant sur les différentes questions liées à la protection », soutient-elle.  La Country Director de Gender Links ajoute que l’éducation à la santé et aux droits sexuels et reproductifs est cruciale. Cependant, déplore-t-elle, il y a des problèmes majeurs dans les écoles publiques, car il n’est pas facile d’y tenir des cours sur le sujet contrairement aux écoles privées. « Ce travail doit être collectif, impliquant le ministère et les ONG comme Gender Links pour trouver des solutions ensemble », plaide notre interlocutrice.

Anushka Virahsawmy insiste sur l’importance de mettre fin à la politique de l’autruche. « Les problèmes liés à la grossesse précoce et aux avortements clandestins sont profonds et nécessitent une approche holistique, coordonnée et impliquant l’ensemble de la société », déclare-t-elle.

L’objectif de l’étude

Le conseil des ministres a donné son accord, vendredi dernier, au ministère de la Santé et du Bien-être pour mener une enquête approfondie sur les déterminants et les conséquences de l’avortement dans le pays. L’objectif de cette enquête est de comprendre les facteurs clés conduisant à l’avortement et d’évaluer les conséquences qui en découlent. Cette étude complète vise à atteindre cet objectif en :
(a) Identifiant les principaux facteurs contribuant à l’avortement chez les femmes en âge de procréer.
(b) Évaluant l’étendue de l’avortement illégal et dangereux.
(c) Analysant les connaissances, les perceptions et les attitudes concernant l’avortement.
(d) Évaluant les conséquences de l’avortement en ce qui concerne la santé et les aspects socio-économiques.
(e) Recueillant des données en vue d’une éventuelle analyse des tendances.
Afin de garantir une mise en œuvre et une supervision efficaces de cette entreprise d’importance, un Steering Committee, présidé par le directeur général des Services de Santé, a été mis sur pied. Le comité comprend des acteurs clés et sera  chargé de gérer et de surveiller la mise en œuvre de l’enquête. 

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