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Sheila Bappoo : «Merci maman d’avoir été toi…»

Sheila et Raj Bappoo comptent 58 ans de mariage.

À l’occasion de la fête des Mères, Sheila Bappoo, figure emblématique de la vie politique mauricienne, se livre comme rarement auparavant : en fille aimante, en mère engagée, en femme marquée par les douceurs et les douleurs d’une vie tissée de tendresse, de sacrifices et de fidélités indéfectibles. 

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Comment décririez-vous votre maman en trois mots ?
Tendresse, responsable, calme. Elle était déjà mère de cinq enfants – trois filles et deux garçons – lorsque je suis née en 1947. Chose rare : ils étaient déjà adultes à ma naissance. L’aînée de mes sœurs était même déjà mariée. Je suis arrivée très tard dans sa vie, mais elle a su maintenir la barre très haut. 

Femme au foyer, papa au travail, elle s’occupait des enfants et de la maison. Elle n’a pas eu la chance d’aller à l’école, mariée à 13 ans. Mais je l’ai connue débrouillarde, aimante et toujours au service de sa famille.

La plus belle chose que votre maman ait faite pour vous ?
Il y en a tellement, difficile d’en choisir une. Mais je retiens surtout son soutien constant durant mon parcours scolaire. Elle m’accompagnait chaque matin, main dans la main, vers « ti-lekol », comme on disait en 1949-1950. Puis ce fut l’école primaire à Henry Buswell Church of England Aided School, ensuite le QEC pour le secondaire. 

Plus tard, elle a été à mes côtés lors de la naissance de mes deux filles, Reena en 1974, puis Vanisha quatre ans après. C’est elle qui prodiguait tous les soins aux bébés. 

Mais le moment le plus marquant, c’est quand elle m’a donné son accord pour m’engager en politique avec le MMM. Elle connaissait Paul Bérenger depuis les années 70, et même si elle n’était pas politisée, elle m’a soutenue. 

À la mort de mon père, elle a pris en charge mes enfants avec Raj, mon époux, lorsque j’étais candidate aux élections de 1976, 1983, 1987… Sans elle, je n’aurais jamais pu persévérer.

Vos plus beaux souvenirs partagés ?
Il y en a énormément, mais je me souviens particulièrement du jour où j’ai reçu mon premier salaire comme professeure au Hindu Girls College. Je l’ai remis à mes parents, et maman, les larmes aux yeux, m’a bénie. Ensuite, les préparatifs de mon mariage en 1967 restent gravés : papa et maman ont tout fait pour me rendre heureuse. Ce sont des souvenirs précieux.

Qu’est-ce qui rend votre maman unique à vos yeux ?
Sa compréhension des hauts et des bas de la vie. Sa persévérance, sa fidélité, son honnêteté, le respect, le sens du devoir… Elle m’a appris à ne jamais baisser les bras. J’ai appliqué dans ma vie beaucoup de ses convictions. Ses qualités, je les ai héritées. Elle m’a aussi appris à vivre en harmonie dans une société multiculturelle, ce que je voyais dans ses relations avec des voisins de différentes religions.

À quel moment ressentiez-vous le plus son amour ?
Tout au long de ma vie. Mais je l’ai ressenti intensément lorsqu’elle prenait soin de mes filles avec Raj, pendant que je m’engageais activement en politique. Être candidate cinq fois aux élections générales, ce n’était pas rien. Sans cet amour et cette confiance, je n’aurais jamais pu franchir ces étapes. Elle était ma force.

Quel rôle a joué votre maman dans vos projets et engagements ?
Un rôle central. Raj et moi discutions toujours avec elle avant chaque grande décision. Elle nous donnait sa bénédiction, elle nous poussait à avancer, à ne pas reculer. Elle a été mon pilier.

Qu’avez-vous appris d’elle sur le fait d’être une femme aujourd’hui ?
Le respect des autres, le sens des mots. Savoir parler sans blesser. Naviguer dans un monde façonné par des voix masculines en gardant sa féminité et sa dignité. Savoir élever la voix sans être taxée d’agressivité. Elle m’a appris à être femme dans une société patriarcale, avec intelligence et force.

Un message pour votre maman ?
Elle n’est plus là, mais si elle m’entendait, je lui dirais simplement : Merci Maman. Pour ton amour discret mais constant, pour ta tendresse, ta force, tes conseils. Merci d’avoir été toi. Tu es unique, et je suis fière d’être ton enfant.

Quels souvenirs gardez-vous de vos premières expériences comme maman ?
La naissance de mon premier enfant à la clinique Bon Pasteur, suivie de celle de ma deuxième fille, sont des moments inoubliables. Mon gynécologue, feu Dr Paratian, plaisantait : « Ala enn lot MMM pe vini pou fer tapaz ! » Le bonheur, l’amour, l’émotion étaient si forts que j’ai pleuré. 

Les nuits sans sommeil, les premiers sourires, les bains, les biberons… tout était un apprentissage. Raj m’aidait en établissant un emploi du temps. Le mot « Ma » a tout changé. Être maman m’a transformée.

Les plus beaux moments avec vos filles ?
Leur petite enfance, l’école maternelle, puis primaire à Philippe Rivalland, où je les récupérais après mon travail. Ensuite le secondaire, puis l’université à Londres. J’ai pu les accompagner un peu plus après ma défaite en 1995. Les cérémonies de remise de diplômes ont été des moments de grande fierté. Et aujourd’hui, les mariages, les petits-enfants… Quelle joie d’être là à chaque étape.

Comment trouvez-vous l’équilibre entre autorité et tendresse ?
Ce n’est pas évident. L’adolescence, les fréquentations, les sorties… En tant que politicienne très prise, je rentrais souvent tard. Parfois, elles dormaient déjà. Il y avait des reproches, mais on a su traverser cela. La famille reste la base.

Un plat que vous aimez cuisiner avec vos enfants ?
Le poisson vapeur au gingembre, et le poisson aigre-doux.

Un cadeau marquant de vos enfants ?
Mes anniversaires sont toujours une surprise organisée en complicité avec leur père. Elles gèrent tout, de l’invitation au gâteau, en passant par le budget ! Ce sont les plus beaux cadeaux.

Un moment douloureux de votre vie ?
Le licenciement injuste de mes deux filles à cause de mes opinions politiques. L’aînée, à la MTPA à Londres, et la cadette, à la SIT. Cette injustice, orchestrée par Pravind Jugnauth, m’a profondément blessée en tant que maman. Elle a même poussé ma fille cadette à porter plainte — elle a obtenu gain de cause. Cela m’a révoltée, et motivée à participer à la campagne de novembre 2024.

Que représente la fête des Mères pour vous ?
Un moment de mémoire, de tendresse et de gratitude. Ce n’est pas un simple jour sur le calendrier. C’est l’occasion de dire : « Merci Maman », de reconnaître son amour, ses sacrifices, sa force. Maman, c’est toute une histoire.

Une chose spéciale prévue cette année ?
Cette année, mes filles, mon gendre et mes petits-enfants (17 et 14 ans) organisent tout. On célèbre chez eux, avec les grands-parents paternels et maternels. Bouquets, cadeaux, déjeuner… Une véritable fête des Mères, des Pères et surtout, une fête de la Famille.

Un message à toutes les mamans ?
À toutes les mamans, je vous adresse un message d’amour et de respect. Vous êtes les piliers discrets des foyers, les cœurs qui consolent, les mains qui soignent. Soyez fières de votre rôle. Célébrons ensemble, non seulement comme mères, mais comme femmes exceptionnelles qui bâtissent le présent et préparent l’avenir.

Bonne fête des Mères !

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