Ils sont de plus en plus nombreux à être victimes des pièges sexuels sur le Net. Ce mode opératoire fait beaucoup de victimes : les arnaqueurs utilisent le sexe pour les faire chanter. Beaucoup de personnes souffrent en silence de cette situation et n’osent pas porter plainte. Comment mieux se protéger ?
Tout commence, par une conversation banale. « Bonjour, veux-tu être mon ami ? ». Par la suite, cette simple phrase se transforme en des conversations plus osées. Place maintenant à un jeu de séduction entre ces deux personnes qui ne se sont jamais rencontrées et qui profitent du fait d’être derrière un écran pour se lancer des défis, pour faire des jeux coquins et pour franchir les limites des interdits. C’est exactement ce qui est arrivé à Nilen (prénom modifié), 36 ans. « À travers les réseaux sociaux, il m’est arrivé de parler sur Facebook à plusieurs femmes que je ne connaissais pas. Il est vrai que parfois les conversations ont pris une tournure intime et je ne voyais rien de mal à cela. Je suis célibataire et je ne faisais de mal à personne », dit-il.
Cependant, cette fois-ci, il finit par tomber sur une personne qui a quelque chose d’autre en tête. « Elle a commencé à m’envoyer des photos d’elle en
sous-vêtements, puis des photos de ses seins, etc., et elle m’a demandé de faire de même. J’ai d’abord hésité, car je ne l’avais jamais fait auparavant, puis je me suis prêté au jeu ». De fil en aiguille, la webcam a succédé à l’appareil photo.
« Elle m’a posé la question suivante : As-tu déjà fait l’amour virtuellement ? J’étais curieux et nous avons commencé à faire des vidéos. En revanche, à aucun moment, je n’ai enregistré ces vidéos et je ne savais pas qu’elle le faisait de son côté. Puis, un jour, elle m’a expliqué que son mari, qui était tombé sur ces vidéos, était très en colère et qu’il a menacé de les rendre publiques. J’étais paniqué et je l’ai suppliée de le convaincre de ne pas le faire. Elle m’a alors demandé de l’argent pour le faire taire. Je n’ai pas eu le choix et j’ai dû débourser la somme de Rs 25 000. Aujourd’hui, j’ai tout déconnecté, mais j’ai peur que le chantage ne recommence ».
La vengeance des ex
Dans la plupart des cas, les histoires d’amour qui ont mal tourné se terminent par ce genre de chantage. L’amour rend aveugle, dit l’adage et, souvent, les partenaires n’hésitent pas à s’adonner à des jeux sexuels, explique Marie Thunderstone, coach pour couple. « Il n’y a rien de mal à vouloir le faire, lorsqu’on est amoureux et qu’on veut essayer ensemble des choses osées. Par contre là, où cela cloche, c’est quand il y a une rupture. Par manque de maturité et de colère parfois, l’un des partenaires décide de faire du chantage à l’autre. Il ne faut pas oublier que de tels actes sont toujours punis par la loi. Il est important de se demander si ça vaut la peine de bouleverser sa vie uniquement pour se venger d’un ex ou d’une ex », avance-t-elle.
Des conséquences dramatiques
Ces petits jeux, qui paraissent souvent anodins, peuvent avoir des conséquences dramatiques sur une personne, car l’escroc est animé d’une mauvaise intention. Parfois, cela se termine en chantage, voire en harcèlement et certaines victimes, rongées par la honte, songent au suicide. Pour le psychothérapeute Samcoomar Heeramun, ces chantages nuisent à la personne qui perd tous ses moyens et sombre souvent dans la dépression. « Pendant la conversation intime, les deux partenaires se sentent en confiance. De plus, le fait d’être derrière un écran pousse les internautes à dépasser leurs limites, un comportement qu’ils n’auraient peut-être pas adopté s’ils étaient en face l’un de l’autre. Par contre, il est plus facile de savoir si la personne en face de vous tente de vous piéger ou pas. En revanche, lors des relations virtuelles, derrière une webcam, il est impossible de vérifier si toutes les conversations sont enregistrées ou encore si d’autres individus sont dans la même pièce ou ont accès aux images. Par conséquent, il faut bien réfléchir, avant de se lancer dans cette aventure, ce, même avec son partenaire ».
Sextorsion, c’est quoi ?
« Sextorsion ». Le mot lui-même veut tout dire ! Il s’agit d’un mélange de sexe et d’extorsion. Ce néologisme, qui a apparu il y a quelques années avec les délits qui se font sur le Net et via les réseaux sociaux, désigne le chantage effectué avec des images à caractère sexuel d’une personne en échange d’argent.
Le modus operandi
Selon Pravesh Behari, enquêteur de police basé à la Cybercrime Unit : « Si ce n’est pas un ex, bien souvent, la victime a affaire à un escroc qui connait bien le Net. L’escroc prend la peine de bien se renseigner sur sa victime. Aujourd’hui, malheureusement, les gens publient trop d’informations personnelles sur Internet et ils deviennent rapidement la proie de ces escrocs qui se rapprochent facilement en prétendant, par exemple de partager les mêmes centres d’intérêt ». Une simple demande d’amis, suivie de conversations banales qui se transforment en confidences et en jeux sexuels avec une webcam. Malheureusement, à l’autre bout de l’écran, une personne malveillante choisit de tout enregistrer et, par la suite, fait chanter sa victime en réclamant de l’argent.
Que faire si vous êtes une victime ?
De nos jours, de plus en plus de cas sont rapportés à la police, déclare Pravesh Behari, enquêteur à la Cybercrime Unit. Il explique que la police essaie de venir en aide aux victimes même quand ces dernières ne souhaitent pas aller de l’avant.
Voici quelques conseils pour éviter toute mauvaise surprise sur le Net :
- Il ne faut pas céder au chantage. Si la personne a déjà en sa possession des photos ou vidéos à caractère sexuel vous impliquant, il pourra les publier même si vous lui remettez de l’argent. La personne à qui vous avez affaire est un escroc. Une fois que vous lui remettez l’argent, il vous en redemandera encore. C’est pour cette raison qu’il est très important de prendre conscience du fait que si vous lui envoyez des photos intimes de vous, le risque de les voir publier un jour sur le Net est grand.
- Ne pas montrer à l’escroc que vous avez peur de lui. Dans la plupart des cas, il s’agit que de simples menaces, car les escrocs connaissent les implications de leurs actes s’ils publient des photos de leur victime. Souvent, les victimes répondent à leur bourreau que les photos ne représentent pas grand-chose et leur interlocuteur arrête tout contact et se déconnecte purement et simplement.
- Ne paniquez pas si vous êtes victime d’un maître chanteur sur Internet. Renseignez-vous. Souvent les personnes, par manque d’informations et par peur, préfèrent obéir aux ordres du maître chanteur, plutôt que de chercher de l’aide de la part des professionnels.
- Parlez-en à une personne de confiance. Être victime de harcèlement peut engendrer une baisse de confiance en soi et d’autres problèmes. Il est important de garder la tête sur les épaules et de ne pas sombrer dans la dépression afin de ne pas prendre de mauvaises décisions. Vous pouvez en parler à quelqu’un en qui vous avez confiance et qui pourra mieux vous conseiller sur la marche à suivre.
- Contactez la police. Il faut avoir confiance en la police. De plus, tous les cas sont traités avec confidentialité.
L’enquêteur indique : « Si les images sont publiées, nous intervenons tout de suite auprès des autorités concernées à Maurice, comme à l’étranger, pour que les photos soient immédiatement enlevées ».
Dans les faits divers : un couple extorque Rs 61 400 à un avocat
Un couple a été arrêté le 15 août dernier par les limiers de la brigade criminelle de Terre-Rouge. Il leur est reproché d’avoir menacé un avocat de 55 ans de publier des photos de lui nu sur les réseaux sociaux. Le couple aurait extorqué la somme de Rs 61 400 à leur victime. L’homme de loi explique qu’il s’était rendu au domicile de la femme pour une affaire de terrain à la demande de cette dernière. Il raconte qu’une fois arrivé sur place, l’époux l’a obligé à se déshabiller en le menaçant avec un couteau. Ensuite, le mari a photographié l’avocat en tenue d’Adam. « Puis, ils m’ont menacé de publier ces photos sur les réseaux sociaux, si je ne leur remettais pas de l’argent ».
Pour sa part, la femme avance que ce serait l’avocat qui lui aurait proposé de faire des jeux sexuels, car elle n’avait pas les moyens de régler ses honoraires. Le couple a été arrêté. L’enquête suit son cours. En août 2017, D.K, 27 ans, avait déjà défrayé la chronique quand il avait été arrêté pour sextorsion. Il réclamait de l’argent pour ne pas poster des photos nues de mineurs qu’ils faisaient chanter. C’est ainsi que la police a pu remonter jusqu’à lui.
Que dit la loi ?
L’inspecteur Robin Bundhoo de la Cybercrime Unit tient d’abord à préciser qu’il est important de savoir « que toute photo, vidéo qui sont envoyées d’un appareil électronique, comme un ordinateur, ne peut être supprimées de manière définitive. Si la police se saisit des équipements (selon les dispositions de la section 47 de l’ICTA), ils pourront tout retracer, notamment l’heure et la date de l’envoi qui représentent des preuves solides contre l’accusé ».
De plus, il explique qu’un tel délit peut occasionner une peine d’emprisonnement ne dépassant pas cinq ans pour chaque délit et une pénalité de Rs 1 million par délit. Le magistrat de la cour intermédiaire peut également condamner la personne à payer une somme de Rs 30 000 pour message obscène. Si l’accusé ne peut pas payer, il fera de la prison.
La prévention pour mieux se protéger
L’inspecteur Bundhoo explique qu’il est important de se protéger pour éviter ce type d’engrenages. Ainsi, il rappelle que tout ce que l’on publie sur le Net n’est pas du domaine privé et peut être accessible au public. Il est donc préférable de ne pas en dire trop sur sa vie privée. Puis, il encourage tous les internautes à avoir des mots de passe sécurisés et de rapporter tout cas suspicieux à la police.
Témoignage
Jyotee, 25 ans : «Il me faisait croire qu’il était à l’étranger»
« Mon couple battait de l’aile et je me sentais seule. Je me suis laissée tenter par un site de rencontres et j’ai commencé à parler à un dénommé Kevin qui me faisait croire qu’il était à l’étranger. Par la suite, nous avons échangé des vidéos. Quelques mois plus tard, il m’a menacée en me disant qu’il allait tout dire à mon mari. J’ai d’abord pris les devants et j’ai parlé à mon époux des vidéos. Je pensais que Kevin n’allait plus me harceler, mais malheureusement, il a continué de plus belle en menaçant, cette fois-ci, de tout publier sur le Net. J’avais honte de ce que diraient mes collègues et mes proches et j’ai préféré lui donner de l’argent ».
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