Roshan Amarjeet Beegoo : une enfance entre champs, bêtes et valeurs familiales

À 45 ans, Roshan Amarjeet Beegoo cultive bien plus que des légumes : il cultive une philosophie de vie. Installé aujourd’hui à Phoenix, cet homme au regard serein et au sourire franc a fait, il y a plus de vingt-six ans, un choix que peu auraient osé faire : celui de vivre de la terre. Une passion née dès son plus jeune âge à Sébastopol, où il a grandi au sein d’une famille modeste, mais profondément enracinée dans les valeurs du travail, de la simplicité et du respect de la nature.

Roshan est né dans un foyer où la terre et les animaux faisaient partie du quotidien. Son père travaillait à la section vétérinaire du ministère de l’Agro-industrie, un homme rigoureux et passionné, toujours prêt à aider les petits éleveurs et cultivateurs du village. Sa mère, une femme de courage et de persévérance, encourageait son mari à pratiquer la plantation sur une petite parcelle à proximité de leur maison.

C’est là, à Sébastopol, qu’Amarjeet découvre son premier amour : la terre. Il se souvient encore des après-midis passés à arroser les plants de légumes avec son père, à observer la germination des graines, à comprendre le rythme du soleil et de la pluie.

« Depuis ma tendre enfance, j’ai toujours aimé voir pousser les plantes. J’étais fasciné par la manière dont une simple graine pouvait devenir un fruit, un légume, une source de vie. »

Des études soutenues par la terre

Après ses études secondaires, Roshan aurait pu suivre la voie tracée par beaucoup : un emploi stable, un bureau, un salaire fixe. Mais son cœur, lui, battait au rythme des saisons. Il a choisi de poursuivre la cultivation, non seulement par passion, mais aussi pour financer ses études universitaires.

C’est ainsi qu’il a réussi à obtenir sa licence en droit (LLB) de l’université de Wolverhampton. Un parcours peu commun pour un cultivateur, mais qui lui a donné une compréhension solide des lois, des politiques agricoles et des droits des travailleurs de la terre.

« Je n’ai jamais voulu quitter la terre, même quand j’étudiais le droit. C’est elle qui m’a permis d’aller à l’université », confie-t-il.

26 années de dévouement et une passion intacte

Aujourd’hui, Amarjeet cultive cinq arpents de terrain à Côte d’Or, où il produit des carottes, haricots verts, giraumons et poivrons, dans le respect des principes de l’agriculture durable. Pour lui, chaque parcelle est un symbole de liberté et d’indépendance.

Il pratique également l’apiculture, avec quatre ruches installées sur son terrain. Ces abeilles, essentielles à la pollinisation naturelle, améliorent la qualité de ses récoltes, tout en contribuant à la préservation de la biodiversité.

« Les abeilles, ce sont mes ouvrières silencieuses. Elles travaillent sans relâche pour la nature, et la nature, en retour, nous bénit », indique-t-il.

Une voix respectée du monde agricole

Fort de ses 26 années d’expérience, Roshan Amarjeet Beegoo est aujourd’hui reconnu comme une voix crédible et respectée dans le milieu agricole mauricien. Ses opinions et recommandations sont souvent sollicitées sur les plateformes nationales traitant de la réforme du secteur agricole et de la modernisation des services de vulgarisation.

Son approche repose sur trois piliers : durabilité, recherche et autonomisation. Pour lui, l’agriculture de demain doit être innovante, tout en respectant la nature.

En 2008, il a participé activement à la mise en place du Food Security Fund, un projet national visant à renforcer la sécurité alimentaire à Maurice. Il a également été l’un des premiers à critiquer la centralisation du marché d’enchères à Wooton, une position alors incomprise, mais qui, avec le recul, s’est révélée juste.

« J’avais dit à l’époque que centraliser le marché, c’était affaiblir les petits producteurs. Aujourd’hui, on en voit les conséquences. »

La recherche et la production de semences locales

Roshan croit fermement en la recherche et le développement de nouvelles variétés de légumes. Dans cette optique, il a récemment dédié un arpent de son terrain à la production de semences maraîchères, dans le cadre du protocole QDS (Quality Declared Seed). Il y cultive notamment la variété de haricot Ferrina, récemment lancée.
« Produire nos propres semences, c’est la clé de notre indépendance. On ne peut pas parler de souveraineté alimentaire, si on dépend toujours de l’extérieur pour nos graines. »

Son engagement est clair : encourager les jeunes à voir dans l’agriculture une carrière d’avenir, moderne et rentable, tout en préservant la planète.

Une philosophie de vie : patience et respect

Travailler la terre, c’est accepter les caprices du climat, les pertes, les imprévus. Mais pour Amarjeet, c’est aussi une école d’humilité. Il est convaincu que la patience est la clé de toute réussite, surtout dans ce métier où tout dépend du rythme de la nature : « L’agriculture m’a appris à être patient. Rien ne pousse du jour au lendemain, ni les plantes, ni les rêves. »

Même si les revenus ne permettent pas toujours les luxes de la vie moderne, il ne troquerait sa liberté pour rien au monde. La satisfaction de voir ses champs verdoyants et ses récoltes saines vaut, selon lui, toutes les récompenses.

Sirisha, son pilier et son inspiration

En août dernier, Roshan a épousé Sirisha, une femme douce et déterminée qui partage ses valeurs. Ensemble, ils forment un couple uni par la simplicité et la foi en la nature. Sirisha, qui comprend les exigences du métier, l’accompagne dans ses projets et partage son rêve de bâtir un modèle agricole durable.

« Sirisha est mon ancrage. Elle m’encourage dans mes projets et me rappelle pourquoi je fais tout cela : pour vivre simplement, mais avec sens. »

Une vie simple, riche de sens

Roshan Amarjeet Beegoo ne cherche ni gloire ni fortune. Ce qu’il cultive, au fond, c’est la paix intérieure. Chaque jour passé dans ses champs est pour lui un cadeau, chaque récolte une victoire sur le temps : « Quand je vois mes plantes pousser, je me dis que j’ai réussi ma journée. C’est ça, mon bonheur. »

Dans un monde où beaucoup courent après le superflu, Amarjeet rappelle qu’il existe encore des hommes qui trouvent leur bonheur dans la simplicité, la nature et le travail bien fait.