Les représentants des employés et ceux des employeurs peuvent se retrouver à la même table pour négocier de meilleures conditions de travail. Ce sont les négociations collectives qui, dans la pratique, ne sont pas un exercice facile. Dev Luchmun, ex-conseiller au ministère du Travail et consultant en relations industrielles, donne des éclaircissements.
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Dev Luchmun, expliquez-nous ce que sont les négociations collectives ?
C’est un processus de négociation entre un employeur, ou un groupe d’employeurs, d’un côté, et des représentants d’un syndicat reconnu ou un groupe de syndicats reconnus, de l’autre. Elles peuvent aussi se faire entre le patronat et des représentants élus par une majorité des travailleurs, mais en l’absence d’un syndicat. Pour moi, la négociation collective est la raison d’être même d’un syndicat .
Quels principes guident la négociation collective ?
La négociation collective est partie intégrante de l’Employment Relations Act. Son importance est capitale pour le maintien d’une relation industrielle saine au sein de l’entreprise et pour l’amélioration des conditions de travail des employés. Si bien que l’Organisation Internationale du Travail (OIT) y a consacré plusieurs conventions pour assurer la bonne marche des négociations collectives. Parmi elles, la Convention 98 (Droit d’organisation et de négociation collective, 1949) et la Convention 154 (Promotion de la négociation collective, 1981), ainsi que les Recommandations 91 et 163. Les syndicats et le patronat disposent donc de tout un arsenal légal pour entamer avec succès toute négociation collective. Toutefois, conformément à l’Employment Relations Act, les syndicats et les employeurs doivent au préalable signer un procedural agreement qui facilite les négociations. À ma connaissance, très peu de syndicats, tant dans le secteur privé que dans les corps paraétatiques ont signé un procedural agreement. J’affirme même que c’est un vrai parcours du combattant avant qu’un syndicat ne signe un accord collectif.
La situation actuelle sur les négociations collectives…
La négociation collective est malade à Maurice, pour plusieurs raisons. D’abord, très peu de syndicats parviennent à signer un accord collectif à la satisfaction de toutes les parties concernées. Certaines négociations sont très ardues, je l’admets. Il faut aussi compter sur la compétence et l’expérience des syndicalistes et des négociateurs lors des discussions. Comment expliquer cela? D’abord, on ne compte plus qu’un faible pourcentage de salariés syndiqués à Maurice, surtout dans le secteur privé. On se retrouve avec des syndicats ayant moins d’une centaine de membres dans un même secteur d’activité. J’estime que certains syndicalistes ne sont pas à la hauteur, par manque de formation. Ils ne sont pas encore aguerris aux principes de la négociation. On ne devient pas syndicaliste du jour au lendemain.
Des employeurs ne jouent-ils pas le jeu de la négociation collective ?
Des syndicalistes affirment que certains employeurs ne joueraient pas le jeu de la négociation collective. Il existe des faiblesses dans nos lois actuelles pour assurer la bonne marche de la négociation collective. Le patronat est souvent réticent à fournir aux représentants syndicaux certaines informations, en particulier quand les négociations se portent sur une demande d’augmentation salariale. Je recommande donc au gouvernement de renforcer les provisions de la loi sur la négociation collective.
Le gouvernement peut-il s’ingérer dans les négociations collectives ?
L’article 4 de la Convention 98 de l’OIT stipule que le gouvernement ne peut introduire des mesures imposant l’obtention préalable de son consentement pour l’application d’un accord collectif.
Mariahven Caremben : « Le ministère ne peut s’ingérer dans une négociation collective »
Le directeur par intérim du Travail, Mariahven Caremben, explique qu’aussi longtemps que tout se déroule sans anicroche, le ministère ne peut s’ingérer dans une négociation collective. Ce n’est qu’en cas de « deadlock » que les parties font appel au ministère pour trouver un accord. Un exemple parmi d’autres : le litige ayant opposé la direction de Sofitel au syndicat des employés et qui s’est soldé par un accord collectif.
Le nombre d’accords collectifs enregistrés au ministère du Travail
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Ce que pensent les syndicalistes
Atma Shanto : « Il faut instituer un Fact Finding Committee sur le faible taux de syndicalisation à Maurice »
Le président de la Fédération des Travailleurs Unis (FTU), Atma Shanto, estime que, malgré les dispositions de l’Employment Relations Act, les négociations collectives sont difficiles à mener dans le secteur privé, en raison de l’attitude de certains employeurs. « Ils sont carrément réfractaires à fournir aux syndicalistes des informations essentielles. Ce qui entrave la bonne marche des négociations et aboutit souvent au recours à la Commission de Conciliation et de Médiation ou à l’Employment Relations Tribunal », dit-il.
Il pointe aussi du doigt les employeurs qui rechignent à accorder la reconnaissance syndicale. D’où de fréquents recours à l’ERT. « Comment peut-on parler de négociation collective, quand des employeurs utilisent leur pouvoir financier et leur arsenal légal pour décourager les employés à se syndiquer, alors qu’ils sont eux-mêmes regroupés au sein de Business Mauritius pour défendre leurs intérêts communs ? »
« Le faible taux de syndicalisation s’explique par le fait que les employés ont peur des représailles, surtout d’être licenciés. Je connais des délégués syndicaux qui sont victimes de répressions. Comment voulez-vous que les travailleurs négocient des accords collectifs avec leurs employeurs, dans ce cas », se demande-t-il. Il réitère son appel pour la mise sur pied d’un Fact Finding Committee pour connaître les raisons qui poussent les travailleurs à ne pas se syndiquer.
De son côté, le président de la Government Services Employees Association (GSEA), Radhakrishna Sadien, souhaite de véritables négociations collectives entre les syndicats et les représentants du PRB dans le cadre de la préparation du nouveau rapport salarial dans la fonction publique.
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