
Les syndicats tirent la sonnette d’alarme face à la réforme des pensions annoncée par le gouvernement. Ils dénoncent l’absence de représentants des travailleurs dans la commission d’experts et réclament transparence et protection des droits acquis.
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Une commission d’experts chargée de proposer des recommandations pour la réforme du système de pensions vient d’être mise sur pied. L’objectif est de revoir les piliers existants et de remplacer la Contribution Sociale Généralisée (CSG) par un nouveau National Pensions Fund (NPF). Mais pour les syndicats, les travailleurs risquent d’être écartés des décisions qui conditionneront leur avenir.
La commission d’experts, dirigée par l’actuaire Nureshkumar Prayag, sera composée de sept spécialistes en actuariat, économie et statistiques : Bernard Yen, Sattar Jackaria et Yvan Legris (actuaires), Azad Jeetun et Verena Tandrayen-Ragoobur (économistes), ainsi que la statisticienne Li Fa (Aimé) Cheung Kai Suet.
Leur mission sera d’examiner l’ensemble des dispositifs existants, du Portable Retirement Gratuity Fund (PRGF) aux pensions versées aux hauts fonctionnaires, et produire un rapport actuariel et fiscal sur la soutenabilité du système sur 20 à 30 ans, accompagné d’une analyse coûts-bénéfices comparant le régime actuel avec des alternatives. Le tout sous l’œil attentif du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.
Contacté, l’un des experts de la commission, qui a souhaité garder l’anonymat, affirme qu’à la suite de l’annonce de la création de cette instance, les membres se réuniront très bientôt pour discuter des objectifs et établir un plan de travail. « Pour l’instant, nous n’avons pas encore eu de rencontre. Il m’est difficile de me prononcer sur les prochaines étapes », explique-t-il.
Pour Haniff Peerun, président du Mauritius Labour Congress (MLC), cette approche exclut les vrais concernés. « Le gouvernement a mis sur pied une commission composée majoritairement de représentants du secteur privé, et nous savons quelle est leur position sur la pension : réticence à payer les dues des travailleurs », dénonce le syndicaliste. Il regrette que les syndicats n’aient pas été consultés. « La priorité devrait être le rétablissement de la pension de vieillesse à 60 ans. Mais nous n’avons pas notre mot à dire. Les travailleurs auraient dû faire partie de la commission », ajoute-t-il.
Par ailleurs, Haniff Peerun insiste sur la transparence. « Il faut que le rapport soit rendu public. C’est notre argent qui est en jeu », dit-il.
Jane Ragoo, porte-parole de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP) va plus loin. « 450 000 employés du secteur privé sont concernés. Ce n’est pas à quelques actuaires ou économistes de décider de leur sort. L’absence totale de représentants des travailleurs dans ces débats est inacceptable. Où est le dialogue social promis par le gouvernement ? » demande-t-elle. La reconnaissance du temps de service des employés à travers le PRGF reste une revendication majeure de la CTSP, dit la syndicaliste. « Le gouvernement ne peut pas apporter des réformes sans nous consulter », insiste-t-elle.
Radhakrishna Sadien, négociateur de la State and Other Employees Federation, dénonce, quant à lui, une « provocation ». « Comment le gouvernement peut-il avancer sur une mesure qui ne figurait pas dans son programme électoral ? Il n’a pas de mandat pour cela », affirme-t-il.
Selon lui, le rôle du FMI et de la Banque mondiale dans l’élaboration des Termes de référence remet en question la souveraineté nationale et pourrait fragiliser les droits acquis. « Le gouvernement n’a pas tiré de leçons de l’affaire de la Basic Retirement Pension (BRP), qui avait provoqué la colère de la population. Que le gouvernement ne touche ni au NSF ni aux pensions relevant du PRB », prévient-il.
Tous les syndicats s’accordent sur un point : la réforme des pensions ne peut pas être un exercice purement technique. Elle touche directement la vie de milliers de Mauriciens et conditionne l’avenir des retraités de demain. « L’exclusion des représentants des travailleurs est perçue comme une tentative de marginalisation et suscite des craintes d’un glissement vers une politique ultralibérale favorable au secteur privé et aux intérêts financiers internationaux », affirment-ils.
Leur demande est claire : inclure les travailleurs dans le processus, garantir la transparence des rapports et protéger les droits acquis. Pour les syndicats, chaque jour de silence du gouvernement renforce la perception que les intérêts des travailleurs sont une fois encore mis de côté.
La création d’un Steering Committee avec les membres du GM
En parallèle, le Cabinet a approuvé la création d’un Steering Committee sur la réforme des pensions, placé sous la présidence du Premier ministre. Ce comité aura pour rôle de donner l’orientation stratégique, de fixer les priorités politiques et de trancher les recommandations formulées par la Commission. Le comité regroupera plusieurs membres du gouvernement, notamment le Premier ministre adjoint, le ministre de l’Agro-industrie, le ministre de l’Intégration sociale et de la Sécurité sociale, le ministre des Services financiers et de la Planification économique, le ministre du Travail et des Relations industrielles, le ministre de l’Industrie, des PME et des Coopératives, ainsi que les Junior Ministers aux Finances et à l’Intégration sociale.

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