Les betteraviers européens portent un coup dur à l’industrie sucrière mauricienne avec la fin des quotas européens en septembre prochain.
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Le Syndicat des sucres estime le prix du sucre à Rs 13 500 la tonne pour la récolte 2017. Comparé au prix de 2016, cela représente un manque à gagner de Rs 1,2 milliard.
Des négociations avec le gouvernement sont en cours pour venir en aide aux petits planteurs.
La tonne de sucre devrait rapporter Rs 13 500 aux planteurs pour la récolte 2017. Pour 2016, cette somme était de Rs 15 571. Ajouté au fait que la production de sucre devrait encore baisser cette année, c’est Rs1,2 milliard de baisse de revenus que devra encaisser le secteur cette année. La raison : la fin des quotas du sucre sur le marché européen en septembre prochain, qui permettra aux betteraviers d’inonder le marché de leur sucre et faire baisser les prix. La situation devient critique pour tout le secteur, surtout les petits planteurs.
Cela fait un moment que le Syndicat des sucres tient cette estimation, mais a préféré ne pas la communiquer officiellement. « Si on sortait avec ce chiffre, cela risquerait d’avoir un impact négatif et de provoquer plus d’abandons de terres sous culture agricole », explique une source du Syndicat. Toutefois, même si le chiffre n’est encore que provisoire, notre source assure que le prix final n’en sera pas éloigné. Ajoutées à la baisse de production, les conséquences en deviennent plus graves.
Les estimations de la production de sucre tournent autour de 360 000 tonnes pour la récolte 2017. Au prix de Rs 13 500 la tonne, les revenus des planteurs atteindraient Rs 4,9 milliards. L’année dernière, chacun des 388 000 tonnes de sucre produits avait rapporté Rs 15 571 pour un total de Rs 6 milliards. La baisse de revenus est de l’ordre de Rs 1,2 milliard. « La production ne cesse de baisser et, déjà en 2015-2016, 700 planteurs ont mis la clé sous le paillasson », s’inquiète notre source.
Le président du Syndicat des sucres, Krepalloo Sunghoon, confirme les projections de Rs 13 500 la tonne tout en essayant de rassurer. « Nous vendons 75 à 80 % de notre sucre en Europe et nos acheteurs hésitent encore à donner un prix sur un an avec la volatilité actuelle du marché », explique-t-il. Or, le Syndicat signe habituellement des contrats sur un an avec ses distributeurs européens qui ne veulent pas se mouiller avant de connaître le prix des betteraviers. « Il y a de l’attentisme dans l’air, confirme une autre source du Syndicat, nos clients ne veulent pas prendre des engagements à long terme. »
Pour en être tout à fait sûr, il faudra attendre la fin des quotas en septembre. « Nous nous sommes fixés Rs 13 500 pour être ‘on the safe side’ et ne pas risquer de surpayer les planteurs sur leur avance obligatoire de 80 % en début de coupe », rassure Krepalloo Sunghoon. Les planteurs ont effectivement déjà perçu Rs 10 500 par tonne de sucre, ce qui représente 80 % de Rs 13 500.
« Rouler à perte »
Pour Krepalloo Sunghoon, la situation devra forcément s’améliorer... dans deux ou trois ans. « Même les betteraviers ne peuvent rouler à perte : leurs coûts de production sont à €400 la tonne, explique-t-il, ils ne pourront pas vendre en-deçà. » Mais, concède-t-il, à Rs 13 500, « c’est difficilement soutenable » vu que la production d’une tonne de sucre coûte entre Rs 17 000 et Rs 17 300 aux petits planteurs, selon lui. D’où les négociations entamées avec le gouvernement pour apporter un soutien financier aux planteurs.
La solution la plus évidente est de puiser des fonds d’environ Rs 5 milliards du Sugar Insurance Fund Board (SIFB) normalement réservés pour faire face aux dégâts éventuels du climat. Mais, dans le passé, ce fonds a déjà été utilisé pour faire face aux prix en chute libre. Mais Salil Roy, président de la Planters’ Reform Association, estime qu’il faut être prudent avec le SIFB : «Quand le prix était descendu à Rs 14 500 dans le passé, on avait obtenu l’aide du SIFB, mais il faut ‘tread cautiously’ et prendre garde à ne pas dilapider cet argent.»
Krepalloo Sunghoon veut aussi rappeler au gouvernement que, grâce à la bagasse, le pays fait des économies sur l’importation de 250 à 300 tonnes de charbon annuellement pour la production d’électricité. « Ce serait légitime qu’on redistribue une partie de ces économies aux opérateurs du secteur,» explique le président du Syndicat des sucres. Une augmentation du prix de la mélasse serait aussi la bienvenue, dit-il.
Pour Salil Roy, c’est bien vers des changements internes qu’il faut se tourner. « Avec nos 400 000 tonnes, nous ne pouvons rivaliser avec 20 millions de tonnes des betteraviers, explique-t-il, mais ce sont des facteurs exogènes et il nous faut nous concentrer sur les facteurs endogènes, car l’industrie de la canne est encore très lucrative. »
Il rappelle qu’on parle depuis des années de l’actionnariat des petits planteurs dans l’industrie cannière, ou encore du fait qu’Omnicane achète l’éthanol pour sa raffinerie à Rs 2 200 la tonne, alors que sur le marché mondial, il l’aurait payé à Rs 10 000. « La richesse de l’industrie cannière doit être redistribuée équitablement », estime Salil Roy.
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