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Réaménagement côtier : Souillac, entre vagues d’érosion et vagues de protestation

Le cimetière marin de Souillac.

Le projet côtier à Souillac, validé malgré les critiques, inquiète citoyens et ONG : des aménagements rigides menacent un site patrimonial fragile, au détriment de solutions écologiques et participatives.

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Le cimetière marin de Souillac résistera-t-il à l’érosion… ou à ses soi-disant remèdes ? Le projet d’aménagement côtier porté par le ministère de l’Environnement a franchi une étape cruciale : le 25 juin, son rapport d’impact environnemental (EIA) a été validé. Derrière cette approbation, une inquiétude grandissante. Car si les travaux visent officiellement à lutter contre l’érosion, ils pourraient, selon de nombreuses voix citoyennes, précipiter la dégradation d’un site aussi fragile que chargé de mémoire.

Au cœur du projet : des ouvrages lourds, notamment un enrochement artificiel, des sentiers et des aménagements paysagers. Autant d’interventions « rigides » que dénoncent les défenseurs du littoral. « Ces structures sont connues pour accélérer l’érosion qu’elles prétendent contenir », alerte Adi Teelock, porte-parole de Platform Moris Lanvironnman (PML), qui milite depuis 2010 pour des approches plus durables.

Le cas de Souillac, affirme PML, n’est pas isolé. À Trou-aux-Biches, Albion et ailleurs, des projets similaires ont reçu l’aval du ministère malgré des failles évidentes dans leurs EIA. En novembre dernier, le collectif avait appelé à un moratoire national sur ce type de projets, et demandé une évaluation environnementale stratégique (EES), sans retour à ce jour.

Au-delà des méthodes, c’est la gouvernance du processus qui est pointée du doigt. « Le ministère de l’Environnement est à la fois promoteur, commanditaire, évaluateur et validateur. C’est un conflit d’intérêts structurel », insiste Adi Teelock. Une concentration de pouvoirs qui réduit à néant toute forme de contre-pouvoir ou de consultation effective.

Pour Carina Gounden, fondatrice du programme mru2025 et habitante de Souillac, le projet touche à l’intime. « Ma famille repose ici depuis plusieurs générations », confie-t-elle. Ce cimetière, où est aussi enterré le poète Robert Edward Hart, n’est pas qu’un lieu funéraire : « C’est un territoire vivant, un refuge pour la mémoire, les rêves, et la biodiversité. »

Elle redoute une transformation brutale de ce littoral encore doté de dunes actives, de végétation naturelle, et de dynamiques sédimentaires intactes. Autant d’éléments mis en péril par les travaux prévus. « On fige le vivant. On standardise un écosystème que l’on devrait laisser respirer. »

Des solutions ignorées

Comme PML, elle plaide pour des solutions fondées sur la nature : reconstitution des dunes, stabilisation douce, restauration écologique. Des alternatives éprouvées ailleurs, moins coûteuses, plus durables, et surtout adaptées à la géographie de nos côtes. Or, elles sont absentes du projet final. « Il y a un vrai déficit de compétences spécifiques dans la planification. On manque d’ingénieurs en écologie du littoral », déplore-t-elle.

Au-delà des enjeux environnementaux, un autre grief revient avec insistance : l’exclusion des communautés locales du processus décisionnel. « Ce sont les habitants qui connaissent le site. Ce sont eux les premiers témoins des changements, les gardiens de ce littoral. Pourquoi les tenir à l’écart ? » interroge Carina Gounden. Elle critique un système qui « simule la concertation, sans réelle prise en compte des voix citoyennes ».

L’un des points qui cristallise le débat est l’éventuelle création d’un « jogging track » sur le littoral. Mais pour Carina Gounden, le débat est ailleurs : « Ce n’est pas une question de piste ou de loisirs. Ce qui est en jeu, c’est la résilience d’un rivage, la survie d’un écosystème, et le respect d’un site patrimonial. »

Gada Schaub Condrau, photographe engagée et signataire du plaidoyer pour le cimetière marin, garde un œil attentif. Si elle reconnaît que certains éléments visuels ont été préservés dans le plan, elle s’inquiète : « Il faut rester vigilants pendant les travaux. Si vous constatez des dégradations, donnez l’alerte. »

Le projet de Souillac pose une question plus large : comment réaménager sans défigurer ? À l’heure où les écosystèmes côtiers sont les premières lignes de défense contre le changement climatique, la manière dont nous les protégeons – ou les sacrifions – en dit long sur notre vision du développement. Souillac, entre poésie et béton, pourrait bien en être le symbole.
 

 

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